Question orale de Sabine ROBERTY à Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes sur la lutte contre les violences de genre
Madame la Ministre, il y a peu, l’émission Devoir d’enquête revenait sur les histoires de femmes qui ont perdu la vie sous les coups de leur ancien compagnon.
Malheureusement, il ne s’agit pas de cas isolés. En Belgique, tous les 10 jours, une femme perd la vie des suites de violences perpétrées par leur partenaire ou ancien partenaire. Ces chiffres sont glaçants, mais ils témoignent d’une réalité malheureusement insoutenable parce qu’elles avaient porté plainte.
Cela démontre aujourd’hui encore que, même lorsque l’on en parle, ces femmes ne trouvent pas les relais nécessaires pour s’en sortir. Bien qu’il existe déjà des services qui effectuent tous les jours un travail d’accompagnement important, leur nombre paraît toujours insuffisant.
Aussi, les victimes ne sont pas assez efficacement aiguillées vers ces services, trop souvent méconnus. Madame la Ministre, nous savons que les places en milieu d’accueil sécurisé manquent largement en Wallonie. Pouvez-vous faire le point sur cette situation ?
De quels moyens le Gouvernement dispose-t-il pour renforcer l’accompagnement des victimes, la visibilité des services et la prise en charge des auteurs ?
Un renforcement des pôles de ressources est-il envisagé ?
En Flandre, des Family Justice Centers, qui regroupent l’ensemble des services, existent depuis plusieurs années. Que pensez-vous de ces dispositifs ? Un projet semblable pourrait-il voir le jour chez nous en Wallonie ?
À la suite de l’adoption par la Fédération Wallonie-Bruxelles d’un décret renforçant les actions de prévention, quelles seront les futures concertations ?
Enfin, le pouvoir judiciaire déplore également un manque de moyens pour traiter efficacement chaque cas. Rappelons tout de même que trois plaintes sur quatre sont classées sans suite.
Des concertations sont-elles également envisagées avec le Fédéral ?
Réponse de Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes.
Madame la Députée, je voulais vous remercier de m’interroger sur cette problématique prioritaire, qui m’interpelle tout particulièrement comme citoyenne et comme ministre qui s’est vu confier les compétences des droits des femmes.
Pour répondre à votre question, en Wallonie, on dénombre actuellement 19 maisons d’accueil pour les femmes victimes de violence conjugale. Outre l’importance de ces maisons d’accueil, je tiens à souligner le rôle et le travail de qualité en termes d’accompagnement réalisé par trois associations du secteur :
- l’association ASBL Praxis, service d’accompagnement d’auteurs de violence, qui est arrivé un peu plus tard dans le dispositif, mais qui est complémentaire à l’accueil et au suivi nécessaire ; l’emprisonnement étant une des mesures, mais je pense qu’il faut aussi s’attaquer aux causes et aux raisons pour lesquelles on aboutit à des phénomènes de comportements violents ;
- le Collectif contre les violences faites aux femmes et à l’exclusion ;
- les services d’accompagnement des victimes de violence ;
- et l’ASBL Solidarité femmes et refuges pour femmes victimes de violence.
Ces associations ont pour mission « la dé-victimisation » et l’autonomisation des personnes victimes de violence, la responsabilisation des personnes auteures de violences et la prévention des récidives et la sécurité de l’entourage familial et des proches.
Suite à l’adoption, en mars 2018, du décret relatif à l’agrément des services et dispositifs d’accompagnement des violences entre partenaires et des violences fondées sur le genre, le financement de ces services a été pérennisé. C’est important, parce que des dispositifs ont été mis en place, il y a un certain nombre d’années, de manière pilote, créés principalement par le secteur associatif, qui fonctionnent bien et qui nécessitaient d’être pérennisés pour ne pas dépendre des différents ministres successifs, quels que soient les ministres. Ces services nécessitaient une sécurisation et un financement assuré.
Vous évoquez, Madame la Députée, le Family Justice Center qui a été mis en place en Flandre. Ces centres sont des projets intéressants en termes de pluridisciplinarité, mais plusieurs associations, notamment en fonction de la réalité wallonne et de la manière dont ont émergé les associations que j’ai citées tout à l’heure en Wallonie, regrettaient que la politique menée au sein de ces centres soit souvent systémique et tournée vers la cellule familiale et la réconciliation. Ce n’est pas le modèle préconisé en Wallonie.
En effet, quand une femme ou un homme victime de violences conjugales trouve l’immense courage de porter plainte, la dernière chose qu’il a envie d’entendre, c’est qu’on lui propose spécialement une médiation avec l’auteur. Nous n’y sommes pas opposés sur le principe, mais sur le fond, il est apparu que la plus grande prudence était de mise avec cette approche. On est vite tourné vers le judiciaire, alors que notre réalité historique et pratique est basée sur des processus et des naissances d’associations.
Je sais qu’Anvers a été un des dispositifs qui a été suivi de modèles quand on a réalisé le premier Plan de lutte contre la violence à l’égard des femmes. C’est vrai qu’il y avait des mesures intéressantes.
Ici, le Family Justice Center vient aussi d’Anvers et la ministre fédérale, Mme Demir, avait proposé et presque conditionné le financement des coordinations provinciales à l’adoption de ce modèle Family Justice Center, alors qu’il était nécessaire d’avoir plus de coordination et de prise en compte de la réalité de notre Région.
Sur le plan judiciaire, la compétence ressort évidemment du Fédéral. C’est la raison pour laquelle, je soutiendrai une dynamique de concertation avec mes collègues du Fédéral et des autres entités fédérées, notamment dans le cadre de l’élaboration du nouveau plan d’action national sur la nécessité de financer la justice dans sa lutte et son suivi prioritaire des dossiers de violences genrées.
De manière générale, soyez assurée de ma volonté de mener en Wallonie, en bonne intelligence avec les autres entités du pays, une politique structurelle, ambitieuse et financée de manière concertée en matière de violences faites aux femmes.
Réplique de Sabine Roberty :
Madame la Ministre, si la reconnaissance juridique du féminicide est un enjeu crucial que nous n’aurons pas – vous venez de le rappeler – l’occasion de débattre ici, il n’en reste pas moins un phénomène horrible et détestable qui doit être combattu avec force et détermination.
La lutte contre les violences conjugales et toutes les formes de violences faites aux femmes est un combat de longue haleine, tant ces violences sont banalisées et répandues dans toutes les couches de la société.
Nous savons toutes et tous, ici, à quel point vous êtes attentive et sensible à cette problématique. Grâce à vos réponses, je ne doute pas un seul instant que nous allons avancer ensemble sur ces dossiers que je suivrai personnellement tout au long de cette législature.