Face à un grand nombre de phénomènes médiatiques inquiétants tels que les fake news, l’usage problématique des réseaux sociaux, la protection des données, etc., l’éducation aux médias joue un rôle essentiel. Retour sur le rapport du Conseil supérieur de l’éducation aux médias.
Question de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD, Ministre de l’enfance, de la santé, de la culture, des médias et des droits des femmes
Chaque jour, l’actualité nous rappelle l’importance de l’éducation aux médias durant le parcours scolaire, mais également tout au long de la vie. Face à un grand nombre de phénomènes médiatiques inquiétants tels que les fake news, l’usage problématique des réseaux sociaux, la protection des données, etc., l’éducation aux médias joue un rôle essentiel. Éduquer aux médias, c’est développer un esprit critique et offrir à chacun une éducation qui lui permet de décoder l’information et de jouer son rôle de citoyen dans cet environnement médiatique en mutation permanente.
Dernièrement, le Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM) a produit un rapport intitulé «Dix ans de l’éducation aux médias en Fédération Wallonie-Bruxelles». Le CSEM pose un diagnostic sans appel: il nous reste encore un long chemin à parcourir pour que chacune et chacun puissent accéder au dispositif d’éducation aux médias.
La Déclaration de politique communautaire (DPC) propose d’évaluer et d’adapter le décret relatif à l’éducation aux médias. Le CSEM le demande aussi et suggère de mettre en place des États généraux de l’éducation aux médias afin de dresser un état des lieux complet. Madame la Ministre, cette idée est-elle favorablement accueillie par vos services ?
En ce qui concerne le fonctionnement du CSEM, votre prédécesseur annonçait une augmentation des moyens: quatre équivalents temps plein (ETP) supplémentaires et un budget porté à 144 000 euros. J’espère que cette proposition pourra se concrétiser, même si j’imagine qu’à ce stade, il vous est difficile de vous avancer quant aux montants. Le rapport propose également une recomposition du CSEM afin d’y intégrer d’autres acteurs et de souligner le rôle transversal de la structure. Partagez-vous cet avis ?
Enfin, l’enseignement occupe évidemment une place centrale dans les conclusions formulées par le CSEM. Ce dernier souligne que notre enseignement n’est pas encore en mesure de garantir la maîtrise des compétences médiatiques. Ce point doit donc être prioritaire dans la formation initiale des enseignants, mais aussi dans celle des professionnels des médias.
Madame la Ministre, nonobstant le choix du gouvernement de reporter la réforme de la formation initiale des étudiants, la question de l’éducation aux médias reste centrale pour l’avenir. J’espère qu’avec votre collègue chargée de l’enseignement supérieur, vous en ferez une priorité.
La DPC prévoit d’ailleurs d’offrir à tous les élèves « une éducation solide et critique aux médias», notamment au travers des opérations «Journalistes en classe» et «Ouvrir mon quotidien». Je m’en réjouis. Je pense aussi au dispositif d’éducation « Écran large sur tableau noir». Pouvez-vous d’ores et déjà établir un premier bilan de ces opérations, des budgets qui y sont affectés et du nombre d’élèves touchés ?
Enfin, de nouveaux appels à projets, notamment en ce qui concerne les nouveaux supports de communication, ont-ils été programmés ?
Réponse de Bénédicte LINARD, Ministre de l’enfance, de la santé, de la culture, des médias et des droits des femmes
Vous constaterez rapidement, Madame la Députée, que l’éducation aux médias constituera un axe central de mes préoccupations au cours de cette législature et qu’elle ne sera pas seulement cantonnée à mon ministère. Au sein de ce gouvernement, mes collègues partageront en effet la même priorité. Les médias et les réseaux sociaux jouent en effet un rôle particulier dans notre monde contemporain. Il nous paraît indispensable que les jeunes et les moins jeunes en maîtrisent les codes.
J’ai également pris connaissance du rapport du CSEM portant sur «Dix ans de l’éducation aux médias en Fédération Wallonie-Bruxelles». L’éducation aux médias apporte non seulement une réponse à des phénomènes particuliers et urgents tels que vous les mentionnez dans votre question orale, elle constitue également un véritable projet éducatif dont l’enjeu global, pour ma part, est double : développer des compétences critiques et responsabiliser les usages médiatiques.
Dans l’avis émis d’initiative par le CSEM, la mise en place d’États généraux de l’éducation aux médias fait partie des propositions. De son côté, comme vous le relevez, la DPC prévoit d’évaluer et d’adapter le décret du 5 juin 2008 portant création du Conseil supérieur de l’Éducation aux Médias et assurant le développement d’initiatives et de moyens particuliers en la matière en Communauté française. Ce processus d’évaluation doit bien entendu associer le CSEM, mais également tous les partenaires et les opérateurs concernés. J’entends utiliser de manière systématique cette méthode de travail : concertation et co-construction. À ce stade, la forme de cette concertation n’est toutefois pas encore définie. Mon entrée en fonction ne date en effet que de quinze jours et je n’ai pas encore eu l’occasion de détailler chacun des dossiers relevant de mes compétences.
La possibilité d’étendre ou de revoir la composition du CSEM sera inscrite dans ce processus d’évaluation et d’adaptation du décret précité. À plus brève échéance, nous devrons nous pencher sur le renouvellement de ses membres, opération à mener en respectant le prescrit décrétal actuel, qui date donc d’une décennie. Les membres élus arrivent en effet en fin de mandat en septembre 2020. Le processus doit donc être lancé ; il concerne 55 membres effectifs et autant de suppléants. En outre, la fin des mandats de président et de viceprésident est prévue en novembre 2019. Une procédure d’appel à candidatures sera lancée prochainement.
Vous m’interrogez aussi sur le fonctionnement et le renforcement du secrétariat du CSEM. Actuellement, ce secrétariat est rattaché administrativement au secrétariat général du ministère. Il est composé de trois chargés de mission de l’enseignement, dont le secrétaire, et de deux agents administratifs. Des dispositions ont effectivement été prises durant la précédente législature pour transformer ce secrétariat en une direction d’appui. Une procédure de recrutement de cette direction est déjà en cours.
Concernant la concrétisation des engagements budgétaires, je serai en mesure de vous confirmer les montants dans les prochaines semaines. Les travaux budgétaires ont commencé tant pour le budget ajusté de 2019 que pour le budget initial de 2020. Laissez-moi donc le temps de progresser de manière sereine.
Comme vous le soulignez, l’éducation aux médias au sein de l’enseignement est une question centrale. L’expérience de terrain met d’ailleurs en évidence les liens étroits entre ces deux secteurs. Il est crucial de renforcer la place de l’éducation aux médias dans le monde scolaire. J’ai confiance dans le travail collaboratif qu’effectuent mes collègues. Les premiers travaux que nous menons ensemble sont positifs et vont dans ce sens. Nous aurons des contacts réguliers entre ministres compétentes ; je pense à la ministre de l’Enseignement obligatoire et à celle de l’Enseignement supérieur, également concernée.
S’agissant de collaboration, je tiens aussi à rappeler les différentes opérations d’éducation aux médias menées par nos partenaires. Ce matin même, j’ai eu un contact avec l’Association des journalistes professionnels (AJP). C’est l’un des axes centraux que j’ai développés avec eux. Nous disposons des données relatives aux opérations de l’année 2018. Elles figurent dans le rapport annuel du CSEM. En guise d’exemple, l’opération « Ouvrir mon quotidien », menée par LaPresse.be, a concerné 845 implantations scolaires de l’enseignement primaire et 676 implantations scolaires de l’enseignement secondaire. Dans le cadre de l’opération « Journalistes en classe » menée par l’AJP, 338 journalistes sont intervenus dans les écoles.
Concernant les appels à projets comprenant une dimension numérique, le CSEM a lancé en 2018-2019 une recherche-action dans le but d’émettre des recommandations en vue de la mise à disposition des écoles de la presse en ligne. Cette recherche-action est un partenariat entre le CSEM, le Centre de recherche en communication (RECOM) de l’Université catholique de Louvain (UCL), LaPresse.be, l’AJP et les centres de ressources en éducation aux médias. Nous recevrons ces recommandations lorsque la recherche sera terminée, fin 2019. Cette façon de fonctionner en concertation me paraît indispensable dans le domaine de l’éducation aux médias et je souhaite poursuivre dans cette voie.
Réplique de Madame Roberty :
Je vous remercie, Madame la Ministre, pour ces informations précises. Je vous confirme mon soutien concernant cette question qui m’intéresse énormément et dont nous aurons certainement l’occasion de débattre à nouveau. Les médias évoluent en effet tous les jours et ce qui est dit aujourd’hui ne sera peut-être plus vrai dans cinq ans. C’est donc une matière qu’il faut travailler en permanence.