L’écriture inclusive, une écriture non-genrée, non sexiste qui permet d’éviter les discriminations par le langage ou l’écriture. A-t-elle sa place dans notre enseignement ?
Question de Sabine Roberty à Caroline Désir, Ministre de l’éducation
Madame la Ministre, lors de la dernière séance plénière, j’ai eu l’occasion d’interroger votre collègue chargée de l’enseignement supérieur sur la généralisation de l’écriture inclusive dans les documents officiels des universités francophones. Nous avons débattu de l’usage d’une écriture non genrée, non sexiste, qui permet d’éviter les discriminations par le langage ou l’écriture.
En effet, s’il s’agit d’une question de détails pour certains, n’oublions pas que le langage structure notre pensée. Vu sous cet angle, le développement d’une écriture inclusive prend donc tout son sens. Bien évidemment, l’instauration d’une égalité entre les hommes et les femmes n’est pas uniquement une question de langage, mais ce dernier participe tout de même à lutter contre les stéréotypes.
Qu’en est-il de l’évolution d’une écriture plus inclusive dans nos écoles et dans les manuels scolaires ? L’encouragez-vous ? Pouvez-vous faire le point sur la situation ? Dans la rédaction des référentiels, la question de l’écriture inclusive et, plus largement, celle des stéréotypes de genre est-elle abordée ? Si nous comprenons l’intérêt d’une telle évolution, celle-ci ne doit pas nuire à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Nous devons encourager l’usage d’une écriture plus inclusive tout en conservant une clarté et en limitant les complications.
Parallèlement aux mesures débattues au niveau de l’enseignement supérieur, serait-il opportun d’encourager un usage de l’écriture inclusive dans les documents officiels, par exemple ceux destinés aux équipes pédagogiques ? Peut-être s’agit-il déjà d’un usage courant dans les établissements ?
Réponse de Caroline Désir, Ministre de l’éducation
Madame la Députée, votre question est à la fois lourde de sens et très symbolique. En effet, la question de l’écriture inclusive fait toujours débat à l’heure actuelle, et à juste titre. L’avis relatif à la rédaction dite inclusive du Conseil de la langue française et de la politique linguistique (CLFPL) indique dans ses conclusions que la meilleure option serait d’alterner différentes ressources linguistiques, tout en gardant à l’esprit que les textes doivent être non seulement inclusifs, mais les plus accessibles possible. Il est important de mesurer la portée des moyens langagiers que l’on met en œuvre, certaines pratiques inclusives pouvant être parfois considérées comme exclusives.
Cette recommandation met en avant le poids de la langue qui affecte indirectement notre manière de penser le monde, de le concevoir et d’agir sur lui. Comme vous l’avez souligné en séance plénière, notre langage exprime notre pensée et nous confronte continuellement à des codes symboliques.
L’écriture inclusive ou non genrée a pour objectif de réduire à la fois les préjugés sexistes, mais aussi les inégalités sociétales. Il s’agit donc de travailler sur les évidences ancrées dans notre mémoire collective, tout en ne perdant pas de vue que le monde est loin d’être binaire. Dans ce cadre, la féminisation des noms de métier peut revêtir une importance particulière.
Je suis convaincue que cette lutte contre les exclusions et l’inclusion de tout un chacun et chacune doit s’intégrer de manière globale. Le débat qui gravite autour de l’écriture inclusive représente une des facettes de cette bataille. L’égalité grammaticale visée par l’écriture inclusive ne doit pas être utilisée comme un prétexte au détriment du vrai débat de fond.
Même si la Fédération Wallonie-Bruxelles se positionne dans la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière de lutte contre l’inégalité de genre, certains acteurs de l’école, souvent mal outillés, transmettent encore involontairement des stéréotypes. La Déclaration de politique communautaire (DPC) ainsi que le Pacte, qui ont en commun la volonté de rendre l’école plus inclusive, prévoient une formation et une sensibilisation spécifiques des enseignants à la prise en compte de cette problématique. Cette mesure est complémentaire à la formation initiale des enseignants (FIE).
En parallèle, la sensibilisation des élèves, dès leur plus jeune âge, à la lutte contre le racisme, à l’histoire des migrations, des mouvements féministes et des Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender, Queer and Intersex (LGBTQI+) doit également faire partie intégrante des cursus scolaires. C’est à l’école que le respect de l’égalité entre les genres se construit. En tant que ministre de l’Éducation, je serai particulièrement attentive à cette dimension. Plus qu’utiliser l’écriture inclusive ou épicène, il est primordial d’éduquer les enfants et les jeunes à l’égalité.
Réplique de Sabine Roberty
Comme vous l’avez souligné à bon droit, Madame la Ministre, l’écriture inclusive fait encore débat et certaines personnes affirment même qu’elle constitue un péril pour la langue française. Vous affirmez également que le poids de la langue est un élément important pour réduire les inégalités et que vous serez attentive à cette dimension particulière. Je m’en réjouis. Je n’hésiterai pas à revenir sur cette question au cours de la présente législature, pour voir comment évoluent les débats et les travaux.