Un constat : face au vieillissement de la population, les maisons de repos et de soins accueillent de plus en plus de cas lourds et des personnes désorientées atteintes de troubles cognitifs plus ou moins importants. Quelles difficultés pour les gestionnaires des institutions ?
Question orale du 4 février 2020 de Madame Roberty à Madame Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes
Madame la Ministre, tout d’abord un rappel, le trouble cognitif est une altération des fonctions cérébrales, en particulier de la mémoire. Cela peut se traduire par un ralentissement de la pensée due notamment au vieillissement, un traumatisme cérébral ou à une maladie, par exemple.
Un constat : face au vieillissement de la population, les maisons de repos et de soins accueillent de plus en plus de cas lourds et des personnes désorientées atteintes de troubles cognitifs plus ou moins importants.
Les directions essaient de s’adapter au mieux pour apporter un accompagnement de qualité et adapté à ce public bien spécifique. Ainsi, de nouveaux modèles d’accompagnement voient le jour et plusieurs solutions cohabitent avec, par exemple, des établissements qui intègrent entièrement leurs résidents au sein de la structure, la création d’unités adaptées ou encore la création d’un projet de vie qui s’adresse exclusivement aux personnes atteintes de démence. Mais vu l’évolution de la réalité de terrain, les directions et le personnel des institutions ne sont pas toujours outillés pour faire face à ces situations. L’intégration peut également être contraignante pour les résidents moins dépendants. Il semble également que les directions soient confrontées à des demandes venant directement d’institutions psychiatriques qui sont aussi confrontées au problème de manque de places et au vieillissement de leur propre population.
Avez-vous eu des retours des gestionnaires de maisons de repos et de maisons de repos et de soins à ce sujet ?
La DPR prévoit d’être attentif au besoin d’accueil des personnes les plus dépendantes, en ce compris celles qui nécessitent un encadrement plus spécifique. Avez-vous initié une réflexion sur le sujet ? Envisagez-vous de revoir la réglementation ?
En 2018, l’AViQ a réalisé un diagnostic et a mis en évidence les différents modèles de gestion. Quelle suite a été réservée à cette étude par votre prédécesseur ? Un accompagnement de l’AViQ est-il proposé pour aider les institutions à apporter les évolutions nécessaires ?
Réponse de Madame Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes
Madame la Députée, les établissements d’hébergement et d’accueil pour aînés accueillent de plus en plus de personnes qui présentent des troubles cognitifs. L’AViQ a réalisé, en 2018, un diagnostic sur les différents modèles de gestion dans l’accompagnement de ce public cible. Plusieurs constats et recommandations ont été proposés.
Au niveau de l’accompagnement de la personne, l’attention des équipes reste trop centrée sur les soins et sur les incapacités. Un manque d’activités adaptées est souligné notamment pour les résidents qui présentent des troubles avancés ou des comportements dits « inadaptés ».
Au niveau de l’accompagnement du personnel, la fonction de référent pour la démence est à revaloriser et à redéfinir. C’est aussi important de pouvoir valoriser des formations qui sont pertinentes, qui sont efficaces autour d’une approche que l’on dit non médicamenteuse pour l’ensemble des membres du personnel.
Au niveau de la réglementation, l’idée est de soutenir une politique d’amélioration continue des pratiques et de développer des projets de vie individualisés.
Depuis l’élaboration de ce diagnostic, il y a un certain nombre d’actions qui ont été entreprises ou qui sont toujours en cours. Il y a un décret de novembre 2019 qui dispose qu’au moins un objectif est spécifiquement établi dans le projet de vie de l’établissement pour améliorer la qualité d’accompagnement des personnes avec troubles cognitifs. Je le demande dans chacun des dossiers pour les maisons de repos qui reçoivent un subside. De plus, chaque établissement qui organise une unité adaptée ou bien une unité de vie en journée doit aussi rédiger un projet de vie spécifique. Chaque résident qui vit dans une unité adaptée va bénéficier de ce projet de vie individualisé.
En fait, c’est une pratique qui est encouragée aussi pour l’ensemble des résidents.
L’AViQ a formé plus de 100 directions et des infirmiers-chefs à la mise en place du projet de vie individualisé. Les sensibilisations continuent. Il y en a encore qui sont organisées dans les deux mois à venir. Au total, cela fera plus de 300 professionnels qui auront été formés à cette approche qui consiste à soutenir le résident à réaliser ce qui est le plus important pour lui en fonction de ses capacités et de son histoire de vie. On sort de l’infantilisation dans laquelle on a parfois conduit les personnes en maison de repos.
Enfin, pour valoriser les accompagnements alternatifs, mon cabinet vient de débloquer un budget de 150 000 euros pour permettre à 45 établissements de mettre en place un mode de gestion spécifique qui s’appelle gestion Tubbe. En fait, c’est un modèle que la Fondation Roi Baudouin nous a présenté et a découvert dans le nord de l’Europe. Il développe le sentiment d’utilité et de citoyenneté des résidents. C’est vraiment des projets qui sont très encourageants parce qu’ils changent complètement le rapport à la vie dans une maison de repos, à l’implication des résidents dans les décisions, à la désinstitutionnalisation qui est souhaitée parfois par rapport notamment aux personnes handicapées, mais qui s’étend aussi au secteur des maisons de repos. Quand on veut rester chez soi, le plus longtemps possible, et qu’après on se retrouve en maison de repos, l’idée est de pouvoir continuer à se sentir chez soi. Quand je suis allée à Moresnet, il y a quelques jours, pour annoncer avec la Fondation Roi Baudouin qu’on allait élargir très largement à 45 maisons de repos, on a, par exemple, discuté avec du personnel.
Celui-ci nous disait l’importance de ne plus porter de tenues blanches pour ne pas justement médicaliser l’environnement et que cela change complètement le rapport à l’autre, même si l’on reste dans des relations professionnelles. Ce sont parfois des petits détails, mais qui changent tout à fait les conditions et l’environnement dans lequel on se trouve. L’AViQ a organisé aussi des sensibilisations à destination des établissements, qu’il s’agisse de la philosophie Montessori Senior ou encore du travail plateforme pour l’amélioration continue de la qualité des soins, de la sécurité des patients qui est soutenue financièrement par la Wallonie. Sur l’augmentation du nombre de demandes qui viendraient d’institutions psychiatriques, l’AViQ va réaliser une étude épidémiologique pour connaître l’ampleur du phénomène, les différents types de profils et les difficultés rencontrées. Des mesures adaptées pourront être envisagées le cas échéant à l’issue de cette étude.
Réplique de Madame Roberty :
Je vous remercie, Madame la Ministre, pour vos réponses, je souhaite ajouter une chose qui me paraît essentielle dans l’accompagnement des personnes porteuses de troubles cognitifs, en maison de repos en tout cas. Peu importe ce qui sera mis sur pieds, il faudra veiller – j’entends dans vos réponses que vous y êtes particulièrement attentive – à ce que les personnes puissent être valorisées, accompagnées dans leurs activités quotidiennes, dans la dignité et dans la réalité de leur handicap. Ce sentiment d’utilité et de citoyenneté développée dans le projet Tubbe me paraît vraiment important pour le bien vivre et pour le bienêtre des résidents.