Chaque année, le mois d’octobre, avec la campagne Octobre rose, est consacré à la sensibilisation au dépistage du cancer du sein. Comment la Wallonie soutient-elle la campagne ? Quelles conséquences de la crise sanitaire sur les dépistages ?
Question orale du 13/10/20 de Sabine Roberty à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes
Madame la Ministre, chaque année, le mois d’octobre, avec la campagne Octobre rose, est consacré à la sensibilisation au dépistage du cancer du sein.
Avec la crise sanitaire, en particulier durant le confinement, les dépistages ont dû être momentanément interrompus – ma collègue vient de le souligner – et plusieurs oncologues ont alerté sur les conséquences que cela pouvait avoir. En ce qui concerne le cancer du sein, la présidente de l’ASBL Octobre Rose s’attend également à des conséquences importantes sur le long terme. Aujourd’hui plus que jamais, il est fondamental de remettre un focus sur l’importance du dépistage précoce.
De manière générale, pouvez-vous faire le point sur la reprise des activités de dépistage en Wallonie ?
Certaines personnes craignent encore de consulter les médecins ou de se rendre à l’hôpital de peur d’être confrontés à la maladie. De nouvelles campagnes de promotion sont-elles envisagées ?
En ce qui concerne le cancer du sein, comment soutenez-vous la campagne Octobre rose qui se déroulera jusqu’à la fin du mois ?
Un rappel pour les femmes entre 50 et 69 ans qui avaient reçu une invitation pour réaliser un mammotest durant la période de confinement est-il envisagé par vos services ?
En décembre dernier, vous précisiez que l’opportunité de mettre en place une conférence scientifique, afin de mettre à jour le protocole du programme de dépistage organisé au niveau du cancer du sein afin de le renforcer, était à l’étude. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Enfin, deux études récentes reviennent sur les risques de surdiagnostic et de surtraitement liés à la mammographie qui pourraient concerner la moitié des cancers dépistés. Sans remettre en cause l’utilité et l’importance des dépistages, elles incitent à informer les femmes sur cette réalité.
Je pense qu’il est essentiel de dire aujourd’hui, de le répéter le plus clairement possible, qu’il ne faut pas remettre en cause l’importance du dépistage, peu importe la situation. C’est une opportunité unique de détecter la maladie à son stade le plus précoce, de prendre la tumeur de vitesse et donc d’améliorer probablement aussi la prise en charge de la maladie.
Quelle est la position du Centre communautaire de référence pour le dépistage des cancers à ce sujet ? Une information en ce sens est-elle déjà prévue lors des dépistages ?
Réponse de Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes
Mesdames les Députées, je vous remercie pour vos questions.
Les activités liées au dépistage du cancer du sein en Wallonie ont été suspendues mi-mars suite à la crise covid, et ce comme tous les programmes de dépistage conformément aux directives fédérales pour se concentrer sur les soins essentiels.
Les invitations et les réinvitations qui ont été envoyées mensuellement à la population aux femmes entre 50 et 69 ans ont été suspendues depuis mi-mars.
Dès le début du confinement, le centre communautaire de référence à renvoyer les invitations et les réinvitations – qui étaient jusque-là suspendues – pour essayer de rattraper le retard et revenir à un risque normal dès le mois d’août 2020.
Le centre communautaire a donc invité mi-mai l’unité de radiologie agréée à reprendre ses activités sur le programme du dépistage du cancer du sein.
Une reprise des activités dans les unités agréées de radiologie s’est déroulée très progressivement et avec un rendu d’activités qui s’est avéré nettement moindre comparativement aux années antérieures.
En comparaison avec 2019, le nombre de mammotests entre le 1er janvier et le 31 août a diminué de 37 %. Néanmoins, le nombre de mammotests mensuels est revenu à un niveau légèrement supérieur par rapport à 2019, dès le mois d’août, mais encore trop peu significatif que pour que l’on puisse déjà en tirer des conclusions.
En fait tout cela vient aussi du fait que des femmes restaient hésitantes à se présenter dans les institutions de soins malgré les messages de sensibilisation rassurants et le respect strict des mesures d’hygiène.
Pour mémoire, le centre communautaire qui organise le programme de dépistage du cancer du sein à Bruxelles a soutenu scientifiquement la campagne Octobre rose. C’était largement diffusé et j’ai vu que vous l’aviez diffusé également dans les médias, Madame Roberty.
Force a été de constater que cette campagne n’a pas produit l’effet escompté pour le dépistage organisé ni en Wallonie ni à Bruxelles.
Le taux de participation aux mammotests organisés par la Wallonie est de 7,4 % de 2009 à 2017. Cependant, suivant les données de l’Agence intermutuelliste en Région wallonne en 2016, on était à 47 % des femmes de la population qui ont fait une mammographie diagnostique dans le cadre d’un dépistage opportuniste.
Malheureusement, avec l’arrivée de la crise du covid, l’opportunité de travailler à la mise à jour du protocole de dépistage organisé du cancer du sein n’a pas pu se concrétiser en 2020. On met tout en œuvre pour que cela soit possible en 2021, mais le covid balaie, malheureusement, toutes les autres priorités. On comprend qu’il est difficile, à ce stade, de donner une échéance sur la tenue de cette conférence scientifique compte tenu de l’évolution de l’épidémie.
Concernant le surdiagnostic et le surtraitement, il faut préciser que le surdiagnostic n’est pas une erreur de diagnostic : c’est la mise en évidence d’un cancer prouvé histologiquement, qui ne se serait pas manifesté cliniquement en l’absence de dépistage, soit parce que la patiente décédera d’autre chose avant que le cancer n’ait pu être symptomatique, soit parce que le cancer n’aura pas progressé.
Il est donc impossible d’évaluer le surdiagnostic au niveau individuel. Son étendue peut seulement être évaluée au niveau de la population après une certaine période.
Le surdiagnostic expose les patientes au risque potentiel d’un traitement inutile. Heureusement, des techniques permettant d’identifier le comportement biologique des cancers dépistés sont en cours de développement. Cela permettra, je l’espère, de distinguer ceux qui nécessitent un traitement de ceux pour lesquels une surveillance active suffit ou un traitement personnalisé pour réduire la morbidité liée au traitement.
Les bénéfices et les limites du dépistage dans la notion de surdiagnostic sont communiqués aux femmes du groupe cible au travers du dépliant explicatif qui est joint à l’invitation à participer au dépistage. Ces informations sont également disponibles sur le site du centre communautaire.
Des campagnes de communication pourraient être envisagées dans le courant de l’année 2021. Le rattrapage complet des invitations et réinvitations ayant lieu entre mi-mai et mi-juillet, il n’a pas été envisagé de faire, dans l’immédiat, un rappel ou une campagne supplémentaire, compte tenu de la situation sanitaire.
Réplique de Sabine Roberty
Je remercie Mme la Ministre pour l’ensemble de ses réponses. Je suis ravie d’entendre que les invitations et que les réinvitations ont été envoyées. C’est une bonne chose.
Je voudrais rappeler que le mammotest est gratuit pour les femmes entre 50 ans et 69 ans. On sait que cet examen coûte encore.
Puisqu’il subsiste des craintes de la part de certaines femmes, je pense que c’est l’occasion d’en parler tout ce mois-ci lors de cette campagne « Octobre rose ». Il est important de dire que l’on peut aussi faire de l’autosurveillance, une autosurveillance active chaque mois. Si l’on a peur, il faut aussi parler des craintes à son médecin traitant, qui peut regarder ce qui nous inquiète et peut-être nous mobiliser, mobiliser les femmes ou les filles qui ont encore des craintes à se faire dépister, parce qu’elles auront alors un avis médical qui les y incitera. Il ne faut jamais hésiter à aller trouver son médecin traitant à la moindre inquiétude. C’est important et il faut le rappeler durant ce mois d’octobre.
Il est important de pratiquer l’autodépistage, de parler de ses symptômes et de ses craintes à son médecin traitant ainsi que de faire le mammotest à partir de 50 ans puisque celui-ci est gratuit et que c’est une opportunité