Google annonce l’ouverture d’un nouveau data center en Wallonie. Quelles sont les obligations auxquelles doivent répondre ces acteurs internationaux pour assurer une transparence quant à l’exploitation des données, l’intégrité et à la confidentialité de celles-ci ?
Question orale du 01/12/20 de Sabine Roberty à Willy Borsus, Ministre de de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences
Monsieur le Ministre, en 2019, Google ouvrait son premier data center sur le site de Saint-Ghislain. Aujourd’hui, alors que sa quatrième infrastructure de ce type sur le site devrait être opérationnelle dans les prochaines semaines, le géant américain semble déjà projeter la construction d’un nouveau centre, d’un cinquième centre. Cela porterait le total des investissements de Google sur notre sol wallon à plus de 2 milliards.
Ces investissements sont liés à l’augmentation considérable des besoins en capacité de stockage pour Google qui a développé de façon intensive son offre du cloud.
Je pense pouvoir dire aujourd’hui que vous connaissez tout mon attachement à la question de la protection des données et notamment au maintien de leur souveraineté territoriale.
Cette annonce de Google me permet de revenir sur l’aspect particulier de ces sites physiques sur lesquels se trouvent regroupés les équipements permettant le stockage des données. Ces data centers jouent en effet un rôle considérable qui doit se trouver au cœur des politiques de souveraineté des données.
Comment percevez-vous ce nouvel investissement du géant américain ?
Pouvez-vous revenir sur les obligations auxquelles doivent répondre ces acteurs internationaux pour assurer une transparence quant à l’exploitation des données, l’intégrité et à la confidentialité de celles-ci ?
Combien de data centers sont actuellement établis sur notre territoire wallon ?
Comment inciter les acteurs wallons à développer ce type d’infrastructures sur le sol wallon ?
Enfin, ma dernière question, au niveau écologique, des normes doivent-elles être respectées par ces acteurs ?
Réponse de Willy Borsus, Ministre de de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences
Madame la Députée, l’annonce que vous évoquez, confirmant l’ancrage en Wallonie du géant informatique, ainsi que sa stratégie de développement, a fait grand bruit.
L’entreprise californienne a décidé, en 2007 déjà, d’implanter son premier data center hyperscale européen en région montoise. Elle a fait l’acquisition d’un terrain de grande taille et s’est engagée à développer ses activités par phases successives. Cette annonce concrétise donc ces engagements et nous nous réjouissons des effets positifs de cette extension : création d’emplois directs ou indirects, valorisation du foncier, contribution au développement d’une expertise sectorielle régionale.
Depuis octobre dernier, la Belgique, comme les autres États membres de l’Union européenne, est soumise au règlement régissant le mécanisme d’un filtrage, d’un screening, des investissements étrangers.
L’article 6, point 3, de ce dispositif de coopération prévoit que, lorsque la Commission considère qu’un investissement direct étranger faisant l’objet d’un filtrage est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public d’un État membre, ou qu’elle dispose d’informations pertinentes concernant cet investissement direct étranger, elle peut émettre un avis à l’attention de l’État membre procédant au filtrage.
Le point 4 du même texte indique qu’un État membre, qui considère avec raison qu’un investissement direct étranger sur son territoire est susceptible de porter éventuellement atteinte à sa sécurité ou à son ordre public, peut demander à la Commission d’émettre un avis ou aux autres États membres de formuler des commentaires à cet égard.
En outre, le règlement communautaire liste, en son article 4, un certain nombre de facteurs susceptibles d’être pris en considération par les États membres ou la Commission pour estimer si un investissement étranger est critique ou doit être considéré comme tel, ou à l’inverse, pas du tout. Parmi ces facteurs, sont mentionnés les infrastructures de communication, le traitement ou le stockage des données – nous y voici – ainsi que les technologies concernant l’intelligence artificielle.
Enfin, pour déterminer, au sens du règlement, si un investissement direct est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public, les États membres et la Commission peuvent aussi prendre en compte, en particulier : le fait que l’investisseur étranger soit contrôlé directement ou indirectement par le gouvernement, y compris des organismes publics, des forces armées, d’un pays tiers, notamment à travers une structure de propriété ou un appui financier significatif.
Le deuxième élément, à prendre éventuellement en compte, est le fait que l’investisseur étranger ait déjà participé à des activités susceptibles d’être considérées comme portant atteinte à la sécurité ou à l’ordre public d’un État membre.
Enfin, il est à prendre en compte le fait qu’il existe un risque, éventuellement grave, que l’investisseur étranger exerce des activités considérées comme illégales sur notre territoire.
À ce stade de nos informations, les activités développées par Google en Wallonie ne font pas l’objet, bien sûr, de suspicions particulières ni ne ressortent de ce type de présomptions telles que je viens de les décrire, par ce qui est établi par le règlement.
Google reste naturellement le plus grand data center wallon et sera amené, dans les années à venir, à poursuivre son développement, tant en termes d’activités concrètes, de nouvelles phases et de nouveaux investissements, que d’intelligence environnementale, en recherche et développement, notamment en ce qui concerne l’amélioration continue de l’efficacité énergétique des serveurs, et cetera.
Il existe différents acteurs sur la carte des data centers en Wallonie. Certains sont wallons et les principaux sont : Engie à Gembloux, le data center opéré par IBM à Bastogne, NRB à Herstal, Belgium DC à Villers-le-Bouillet – un joint-venture entre NRB et ETIX –, le Wallonia Data Center à Villers-le-Bouillet.
Google se donne les moyens de limiter son empreinte écologique à travers différentes initiatives. La faible consommation d’énergie : Saint-Ghislain a été dès le début le premier data center à fonctionner sans réfrigération. L’entreprise pompe l’eau du canal industriel voisin et utilise un système avancé de refroidissement par évaporation. En 2018, l’entreprise a investi 3 millions d’euros dans un parc de panneaux photovoltaïques. Au niveau du carbone, l’intégralité des activités Google repose à 100 % sur l’énergie renouvelable. Les besoins mondiaux, estimés à plus de 5,5 gigawatts, sont couverts soit par leur propre production, soit par des achats massifs, donc des formes de compensation d’électricité verte.
L’entreprise respecte évidemment toutes les normes en matière environnementale telles que prescrites par les permis qui lui ont été délivrés.
Voilà le petit tour d’horizon, dans le laps de temps qui m’était confié, voire un tout petit peu plus, que je me permets de vous communiquer.
Réplique de Sabine Roberty
Je vais remercier M. le Ministre pour l’ensemble de ses réponses, qui sont particulièrement concrètes. Vous avez répondu à toutes les questions que je vous ai posées. Ce sont aussi des réponses rassurantes parce que je pense que l’on mesure bien l’importance de ce nouvel or noir en Wallonie. Vous avez parlé de faire un petit tour d’horizon, mais vous nous avez démontré que ce n’était pas un tout petit tour d’horizon parce que, ensemble, cela fait déjà quelques semaines que l’on débat de cette problématique et je pense que l’on a vraiment fait un beau plan d’horizons et de perspectives pour l’avenir avec ce sujet qui, vous l’avez compris, est un sujet qui m’intéresse vraiment.
Source : Parlement de Wallonie, Compte-rendu de la séance du 1/12/20 de la Commission de l’économie, de l’aménagement du territoire et de l’agriculture