Question du 5 janvier 2021 de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes
La dépression postpartum se distingue du baby-blues par sa gravité. Alors que le baby-blues intervient dans les quinze premiers jours suivant l’accouchement, qu’il disparaît naturellement dans les deux semaines et qu’il résulte principalement de changements physiologiques et hormonaux, la dépression postpartum peut se manifester de longs mois après l’accouchement et durer.
La gravité de la dépression postpartum n’est plus à démontrer. Bien installée, elle est dangereuse à la fois pour la maman, pour son enfant et pour le couple.
D’après les chiffres dont je dispose, il semble qu’elle survienne en moyenne chez 7 % des femmes durant les trois premiers mois qui suivent l’accouchement. Le risque s’accroît ensuite puisque 41 % des femmes en seraient victimes après les trois premiers mois.
Un phénomène plus étonnant et qu’il faut mettre en lumière: les hommes sont aussi sujets à la dépression postpartum. Durant les trois premiers mois qui suivent l’accouchement, ils sont 7 % à en être victimes et 25 % durant la période qui suit.
Le sujet est tabou. La société véhicule l’image de la mère parfaite qui, en outre, ressent immédiatement un amour incommensurable pour son nouveau-né. La maternité doit être une expérience positive. Quant aux pères, ils sont aussi victimes de stéréotypes de genre à cet égard. Nous pourrions presque entendre: «Comment un homme, viril et fort, pourrait-il connaître cette fragilité passagère? De quel droit d’ailleurs puisqu’il n’a pas porté l’enfant dans son ventre?»
Madame la Ministre, des efforts sont-ils entrepris pour informer le public sur cette dépression et lever les tabous qui l’entoure, tant celui de la mère «parfaite» que du père «intouchable»? Un suivi systématique ou, à tout le moins une attention particulière, sont-ils mis en place pour les parents ayant été victimes de cette dépression lors de l’arrivée de leur premier enfant? Comment et dans quel cadre cette dépression est-elle dépistée et prise en charge? Quel a été l’impact du confinement sur ce phénomène? Les travailleurs médicosociaux témoignent-ils d’une augmentation de cas de dépression postpartum, voire de dépression prénatale, chez les parents?
Qu’en est-il du dépistage lorsqu’un seul parent a été autorisé à se rendre en consultation? Au début de l’année, en réponse à une question parlementaire, vous aviez évoqué l’existence de l’ONE Academy, partenariat entre l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE) et les universités. Vous aviez lancé un appel à projets sur la thématique du genre. Le but était d’établir le profil sociodémographique des pères, leurs attentes et besoins par rapport aux professionnels qu’ils côtoient et d’analyser les représentations des professionnels sur leur rapport avec les pères. Vous aviez sélectionné quatre projets qui devaient aboutir en décembre 2020. Les résultats devaient permettre d’améliorer les pratiques professionnelles, notamment à l’égard des pères.
Pourriez-vous m’informer de l’état d’avancement du projet?
Réponse de Bénédicte LINARD
L’ONE n’a entrepris actuellement aucune action spécifique d’information du grand public sur la dépression postnatale des pères.
Par contre, dans le cadre du partenariat ONE Academy, des travaux ont débuté en 2018 suivant un axe de recherches portant sur les questions de genre dans les métiers de l’enfance et de l’exercice de la parentalité. Ils ont mené à la rédaction d’un guide qui permet de mieux comprendre les spécificités de la paternité en période périnatale et de déconstruire de nombreuses idées reçues autour de la paternité.
Un autre axe de recherches est envisagé sur l’impact des médias sur les représentations et l’exercice de la parentalité. La santé mentale du couple peut, en effet, avoir des conséquences importantes sur le déroulement de la grossesse et ses suites.
Le début des travaux est prévu en 2021. Les stratégies à mettre en œuvre pour prévenir la dépression postpartum concernent des actions en amont de la grossesse, pendant celle-ci et après la naissance. Dans son guide de consultation prénatale, l’ONE aborde cette problématique dans le chapitre consacré à la dépression postpartum et dans celui consacré à la sécurité émotionnelle de la grossesse. Le guide est destiné à tous les professionnels de la santé qui accompagnent des femmes enceintes tout au long de leur grossesse.
Par les services qu’il offre, l’ONE est un centre de prévention de première ligne qui peut, le cas échéant, proposer un suivi renforcé, c’est-à-dire des rencontres plus rapprochées pour les futures mères perçues comme plus fragiles. Toutefois, l’ONE ne prend pas en charge les personnes souffrant de dépression postpartum. Lorsqu’ils sont alertés par certains signaux, ses professionnels les transmettent, en toute transparence avec les familles, au gynécologue et/ou à la sage-femme ainsi qu’au médecin traitant. C’est le médecin qui décide d’orienter la personne vers un spécialiste. Les services de santé mentale, qui dépendent des Régions, peuvent également être d’une aide précieuse.
Nous ne disposons pas de chiffres qui nous aideraient à mesurer quantitativement l’impact du confinement sur la problématique. Je peux néanmoins vous affirmer que, qualitativement, les professionnels des plateformes prénatales sont confrontés à une détresse psychologique importante. Il est donc important d’orienter les personnes vers les services de santé mentale régionaux.
Les deux projets de recherche de l’ONE Academy, lancés fin 2018 sur la thématique du genre, sont en passe d’aboutir. Les activités de recherche ont été légèrement retardées par la crise sanitaire. Les rapports finaux seront disponibles le 15 janvier 2021 et les outils issus des recherches le 28 février 2021. Ils seront prochainement valorisés par le site internet, à travers des articles scientifiques et de vulgarisation et des ateliers; ils seront diffusés auprès des professionnels de l’enfance, en étroite collaboration avec les différentes équipes de recherche.
Réplique de Sabine ROBERTY
Je prends bien note des dates de publication des rapports et outils des deux projets de recherche de l’ONE Academy. Je me réjouis de l’existence du guide de l’ONE chargé de déconstruire les idées préconçues sur la paternité. C’est une thématique qui me tient à cœur. Devenir parent peut parfois être vécu de manière difficile, surtout en cette période de confinement où la solitude peut davantage peser.
Crédit photo: Photo de Anna Shvets provenant de Pexels