Question orale du 26
octobre 2021 de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD, ministre de l’Enfance, de la
Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes, intitulée « Évaluation
de Cinecheck, le nouveau système de signalétique ».
Lors de la dernière séance plénière, nous avons discuté de «Squid Game», une
série de Netflix suivie notamment par de jeunes enfants qui ne sont pourtant
pas censés la regarder puisqu’elle ne leur est pas destinée. Les codes de cette
série, enfantins par les couleurs et les symboles, attirent un jeune public et
l’induisent en erreur. Certains enfants reproduisent des scènes de la série,
d’une extrême violence, dans les cours de récréation. «Squid Game» n’est pas
l’unique inspiration de ces jeux, certains mangas le sont aussi. Toujours
est-il que, dans ces différents cas de figure, contrôle parental et
signalétique restent des alliés indispensables. Madame la Ministre, je vous
interroge aujourd’hui sur la nouvelle classification des films, mise en œuvre
le 8 janvier 2020. Elle remplaçait alors l’ancienne signalétique qui datait de
1920 et était devenue pour le moins obsolète. La nouvelle classification,
Cinecheck, comprend une série de pictogrammes: sept pour définir les
différentes catégories d’âge et six pour le type de contenu. Les distributeurs
de films doivent remplir au préalable un questionnaire qui détermine la
signalétique à apposer. Quel est le bilan de cette nouvelle signalétique?
Relève-t-on des problèmes particuliers quant à son application, sa
compréhension, son appréhension? Des plaintes ont-elles été déposées depuis son
lancement? Qu’en est-il de l’idée de l’appliquer aussi à la télévision? Quels
sont les retours des cinémas? Le public semble-t-il adhérer à ces
recommandations? Pour rappel, il n’est plus question d’interdire purement et
simplement l’accès à certains films, mais plutôt de guider et de faire des
recommandations aux parents et aux accompagnateurs, voire aux enfants euxmêmes.
De quelle marge de manœuvre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
dispose-t-il si des entreprises qui diffusent sur notre territoire, mais n’en
dépendent pas, comme Netflix par exemple, utilisent des signalétiques non
réglementaires? Comment le public est-il sensibilisé à cette signalétique? Du
reste, comment sensibiliser les parents au respect de la signalétique et à
l’importance du contrôle parental? Enfin, l’utilisation de cette signalétique
pourrait-elle être élargie aux sites internet?
Réponse de
Bénédicte LINARD, ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias
et des Droits des femmes
J’ai pris
connaissance, à la fin du mois d’août, du rapport d’évaluation du comité de
pilotage sur la mise en œuvre de Cinecheck, le nouveau système de
classification des films diffusés en salle, pour l’année 2020. Ce rapport
invite, fort logiquement, à replacer les éléments chiffrés et les
recommandations dans le contexte de la crise sanitaire qui est intervenue un
peu plus de deux mois après l’entrée en vigueur de Cinecheck. Durant la crise,
les cinémas sont restés fermés du 13 mars au 30 juin 2020, puis du 29 octobre
2020 au 9 juin 2021. Dans son rapport du 15 mars 2021, le comité d’experts avait
estimé que le système de classification Cinecheck était adéquat pour la
Belgique. Des questionnaires ont été adressés au secteur, et il en ressort que
le nouveau système de classification est généralement bien accueilli. Le
secteur estime que Cinecheck fournit suffisamment d’informations aux visiteurs
et évalue le système comme étant transparent, clair et nuancé. Divers moyens
ont été déployés à l’automne 2019 pour préparer les cinémas et les
distributeurs à l’introduction de Cinecheck dans les salles, par le biais
notamment de séances d’information, de journées de formation et par l’envoi de
boîtes à outils. Ces efforts semblent avoir porté leurs fruits. La majorité des
personnes interrogées indiquent que la mise en œuvre de la réglementation s’est
déroulée sans heurt, qu’un délai suffisant a été accordé et que la
communication des autorités concernées était claire. Les formations que les
distributeurs doivent suivre pour obtenir un certificat de codeur ont également
été jugées positivement. Quelque 37 codeurs ont été formés à la classification
Cinecheck en 2019; 45 personnes supplémentaires l’ont été en 2020. Les
distributeurs indiquent qu’il leur faut en moyenne quinze minutes de travail
pour remplir le questionnaire. 91 % des personnes interrogées considèrent qu’il
s’agit là d’un délai approprié. Ce formulaire a également été jugé convivial et
facile à remplir. Une plainte a été introduite au premier trimestre de l’année
2020 pour le film «Lucky», classé «+9» avec angoisse et langage grossier. À la
suite d’une médiation opérée par le secrétariat belge de la classification des
films, le film a été rehaussé à la catégorie «+12», avec violence et langage
grossier. Au cours du troisième trimestre de 2020, deux plaintes ont été
déposées pour le film «La revanche des Ninjas». Le dossier a fait l’objet d’un
examen approfondi par le comité scientifique du Nederlands Instituut voor de
Classificatie van Audiovisuele Media, l’institut néerlandais pour la
classification des médias audiovisuels, titulaire de la licence Cinecheck.
L’institut a procédé à un ajustement de classification, le film passant de la
catégorie «+6» à «+9». Ces procédures et ces ajustements montrent bien qu’il
existe une part de subjectivité dans l’appréciation des niveaux de
classification. Néanmoins, il existe un consensus général, dans le comité
d’experts, pour affirmer que Cinecheck introduit une systématisation et une
forme d’objectivité dans l’évaluation des contenus préjudiciables. Le rapport
d’évaluation retient quelques points d’attention: premièrement, la nécessité
d’instaurer une évaluation bisannuelle du système Cinecheck et, deuxièmement,
l’amélioration de la sensibilisation du public. Si une campagne de
sensibilisation a été menée au tout début de l’année 2020, ses effets, jugés
positivement par les experts, ont été rapidement estompés en raison de la crise
sanitaire. Les experts plaident également pour une plus grande sensibilisation
des publics jeunes par le biais des organismes d’éducation aux médias, afin
d’informer les enfants et d’éduquer les parents sur leur rôle dans la
préparation du visionnage d’un film. Enfin, le rapport pointe également la
nécessité d’amélioration les rapports avec le Nederlands Instituut voor de
Classificatie van Audiovisuele Media. J’attache une grande importance à ces
recommandations et je veillerai à en tenir compte dans les diverses actions à
mener dans ce domaine. Concernant l’application du système Cinecheck à la
télévision, il était nécessaire d’obtenir les premiers résultats de
l’évaluation avant d’envisager un élargissement du système à d’autres services.
Désormais, il convient de permettre aux acteurs concernés de se positionner sur
la base de ce rapport d’évaluation, dans le cadre du collège d’avis du CSA.
Madame Roberty, j’en viens à votre question sur la marge de manœuvre dont
dispose le CSA à l’égard des éditeurs de services de média non linéaires
extérieurs, tel que Netflix. Dans un tel cas de figure, c’est le système du
pays d’origine qui s’applique. Pour Netflix, c’est le régulateur des Pays-Bas,
le Commissariaat voor de media, qui est compétent afin d’assurer l’application
des dispositions de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du
Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la
coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres relatives à la fourniture de directive (UE)
2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la
directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions
législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à
la fourniture de services de médias audiovisuels (directive «SMA»). Le CSA peut
néanmoins soulever ce point auprès du Groupe des régulateurs européens des
services de médias audiovisuels (European Regulators Group for Audiovisual
Media Services, ERGA), qui réunit l’ensemble des régulateurs des États membres
ainsi que la Commission européenne. Monsieur Maroy, Netflix s’est conformé aux
dispositions de la directive «SMA» en adoptant des mesures de protection des
mineurs. Toute la difficulté réside cependant dans le fait que les mineurs
peuvent contourner ces mesures de protection si les parents ne les ont pas
mises en œuvre ou si les extraits de ces contenus se retrouvent sur les
plateformes de partage de vidéos.
Réplique de Sabine
ROBERTY
Madame la Ministre,
j’entends bien qu’il était nécessaire d’attendre le rapport de l’étude pour
déterminer un plan d’action concernant la signalétique de la télévision.
Toutefois, vous ne m’avez pas donné de réponse concernant l’élargissement de la
signalétique aux sites internet. Je note que le contexte de crise sanitaire n’a
pas amélioré la situation. Vous avez dit que le rapport serait revu tous les
deux ans. Cela nous donnera l’occasion de reparler de cette thématique. Il
importe de tenir compte de l’évolution de la société et du mode de consommation
des médias. Les médias changent très vite, les enfants aussi. Il est souvent
difficile de présupposer du contenu d’un film ou d’une série; c’est parfois sur
le moment même que les parents se rendent compte que le film n’est pas adapté
pour leur enfant. Une communication efficace sur le code parental et sur la
nouvelle signalétique est dès lors nécessaire.
Photo de Luis
Quintero provenant de Pexels