Influenceurs et influenceuses : comment protéger les plus jeunes de contenus dangereux ?

Question orale du 18 juillet 2022 de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes (exceptionnellement remplacée par P-Y JEHOLET, Ministre Président de la FWB)

Aujourd’hui, de plus en plus de marques font appel à des influenceurs pour promouvoir leurs produits sur les réseaux sociaux. Ces communications commerciales d’un nouveau genre peuvent cependant interpeller, car il est parfois difficile de les identifier comme telles.

Un autre danger réside aussi dans les produits qui font l’objet d’une telle promotion. Ainsi, il n’est pas rare de trouver des publications contenant des publicités déguisées en faveur de la chirurgie esthétique. Les influenceurs partagent des séquences «avant/après», filment parfois leur opération et invitent à se rendre dans la clinique mentionnée. Cette pratique soulève des questions quant à la marchandisation de la médecine.

La majorité des individus qui suivent ces influenceurs sont des jeunes. Ceux-ci sont aussi souvent confrontés à des publications concernant des produits supposés faire maigrir. La situation peut avoir des conséquences négatives sur leur estime de soi, voire sur leurs comportements alimentaires.

Monsieur le Ministre-Président, le décret du 4 février 2021 relatif aux services de médias audiovisuels et aux services de partage de vidéos (nouveau décret «SMA») a déjà permis des avancées sur ce sujet, notamment vis-à-vis des youtubeurs. Il prévoit notamment l’élaboration de plusieurs codes de conduite en ce qui concerne les communications commerciales, entre autres.

Pouvez-vous revenir sur l’élaboration de ces codes qui doivent être établis par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)? De nouvelles rencontres, à l’instar de celle organisée en 2019 par le régulateur, sont-elles proposées aux vlogueurs pour les accompagner dans l’application de ces codes ? Qu’est-ce que la ministre Linard met en œuvre pour sensibiliser ces créateurs de contenus aux responsabilités qui sont les leurs ?

Le nouveau décret «SMA» ne s’applique pas aux réseaux sociaux et les dispositions concernant les influenceurs relèvent de la protection des consommateurs assurée par le pouvoir fédéral. Comme je l’ai dit précédemment, certaines publications posent pourtant particulièrement question sur le plan de la protection des jeunes et des mineurs d’âge.

D’après la ministre, quelles dispositions doivent-elles être prises pour assurer la protection des plus jeunes vis-à-vis de certains contenus ? La ministre est-elle en contact avec le ministre fédéral de la Justice, Vincent Van Quickenborne ? Dispose-t-elle de données qui nous éclaireraient sur l’impact potentiellement négatif de ces publications sur les adolescents ?

Par ailleurs, l’axe n° 4 du Plan «Éducation aux médias» prévoit le développement de nouvelles initiatives d’éducation aux médias numériques et aux réseaux sociaux. Comment la ministre intègre-t-elle la question des influenceurs dans cette réflexion ?

Réponse de Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes. (exceptionnellement remplacée par P-Y JEHOLET, Ministre Président de la FWB)

La régulation des influenceurs est en effet une matière relevant de plusieurs niveaux de compétence. Madame la Députée, la ministre Linard partage votre opinion vis-à-vis des dangers que représentent, pour les jeunes, les recommandations de traitements esthétiques. Celles-ci, par ailleurs, constituent une publicité pour des actes de médecine esthétique, une pratique qui n’est pas conforme à la législation fédérale, en particulier l’article 20 de la loi du 23 mai 2013 réglementant les qualifications requises pour poser des actes de médecine esthétique non chirurgicale et de chirurgie esthétique.

Le collège d’avis du CSA vient de finaliser ses travaux sur le code de conduite relatif à la publicité sexiste et hypersexualisée. Les travaux sur le code de conduite relatif à la publicité pour la «malbouffe» ne sont pas encore terminés. Prochainement, le développement du code de conduite déterminant les modalités d’insertion et les durées des spots publicitaires dans l’environnement non linéaire doit également faire partie des travaux du collège d’avis. Les youtubeurs doivent respecter l’ensemble de la législation relative à la communication commerciale, y compris les dispositions contenues dans le nouveau décret «SMA».

La ministre Linard estime toutefois qu’il est essentiel d’agir sous l’angle de l’éducation aux médias. À cet égard, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan «Éducation aux médias», le Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM) vient de lancer deux appels à projets. L’un des deux est spécifiquement destiné aux créateurs de contenus natifs numériques pour permettre une éducation aux médias numériques par les spécialistes maîtrisant les codes spécifiques de ces canaux. Cet appel à projets permettra le développement d’outils d’éducation aux médias touchant les jeunes générations, là où elles se trouvent: réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéos et autres médias numériques natifs.

Réplique de Sabine ROBERTY

Je répondrai à la ministre Linard qu’on ne peut pas toujours se retrancher derrière les responsabilités des autres ! Je l’ai déjà dit et signalé dans ma question orale: le nouveau décret «SMA» ne s’applique pas aux réseaux sociaux et les influenceurs et leur statut relèvent de la législation sur la protection des consommateurs, compétence exclusive du pouvoir fédéral. J’en suis consciente, mais ce n’est pas nécessairement sur ces plans-là qu’il faut agir.

La ministre Linard partage mes inquiétudes et je m’en réjouis, mais une ministre de l’Enfance et de la Petite Enfance a toutefois son mot à dire et une empreinte à laisser en ce qui concerne la protection des plus jeunes, en l’occurrence les mineurs d’âge.

Je suis étonnée que la ministre ne parle pas davantage du rôle, des compétences et de l’expertise du CSA. Le CSA est notamment compétent pour travailler avec les influenceurs reconnus comme éditeurs de plateformes de partage de vidéos. Je m’inquiète du fait qu’elle ne mentionne pas le CSA et son excellent travail.

Concernant la protection des mineurs, cette matière relève des compétences de Mme Linard et est uniquement de son ressort. Par conséquent, il lui appartient d’agir et de se démarquer.

Même s’il est essentiel de prôner l’éducation aux médias – je suis la première à le faire –, ce n’est pas uniquement par ce prisme-là que l’on peut aborder le travail des influenceurs. La ministre Linard peut compter sur moi et mon groupe pour y travailler.

Crédit photo :  George Milton: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-smartphone-internet-connexion-6953585/