Madame la Ministre, selon Stéphane Gaillard,
directeur de l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), Louis Braille
était une sorte de «codeur geek» avant l’heure, un gamin génial qui a inventé
ce code à seize ans: le braille, un système d’écriture tactile à points
saillants destiné aux déficients visuels. Ses 63 signes permettent une lecture
avec les doigts.
M. Braille est entré au panthéon depuis
maintenant 70 ans. Nous lui devons donc cette écriture si particulière, un bien
culturel utilisé aujourd’hui dans 142 langues.
Le braille donne de meilleures chances aux
déficients visuels d’obtenir un emploi, mais il permet aussi d’accéder à la
culture, à la connaissance. C’est un langage universel qu’il faut préserver et
promouvoir.
Madame la Ministre, comment la Fédération
Wallonie-Bruxelles assure-t-elle la préservation et la promotion du braille,
pas seulement à des fins d’inclusion, mais comme élément culturel à part
entière ? Avez-vous des contacts avec le service culturel de la Ligue Braille à
ce sujet ? Si le contact avec la culture peut avoir lieu de différentes façons,
cela s’avère souvent plus compliqué pour les déficients visuels. Qu’en est-il
des supports culturels et touristiques en Fédération Wallonie-Bruxelles ? Les
œuvres littéraires importantes sont-elles régulièrement traduites en braille ?
Les lieux culturels sont-ils pourvus d’inscriptions en braille, tant pour le
contenu que pour la signalétique ? Les milieux d’accueil proposent-ils un
éveil, un premier contact avec le braille pour les enfants déficients visuels ?
Devenu un bien culturel précieux, le braille
est un système d’écriture à part entière utilisé par des personnes aveugles ou
déficientes visuelles. Comme tout un chacun, celles-ci ont le droit de
participer à la vie culturelle. Plusieurs associations et initiatives soutenues
par la Fédération Wallonie-Bruxelles ont pour objectif de favoriser cette
participation par le biais de la promotion de l’écriture braille, mais
également grâce à l’édition d’audiolivres, la création de podcasts ou encore
l’audiodescription de réalisations cinématographiques et télévisuelles.
Plusieurs autres associations se donnent pour
mission de lutter contre les discriminations liées au handicap, dont la
déficience visuelle, et la sensibilisation du grand public au vécu des
personnes en situation de handicap. Parmi elles, la Ligue Braille propose
différentes animations ainsi que des outils d’information tels que les Clubs
Braille, le Musée Braille ou les «bibliothèques spéciales». À l’instar de la
bibliothèque d’Eqla, ces dernières rassemblent des livres audio et des livres
en braille, en grands caractères. Elles sont reconnues par la Fédération et
bénéficient d’un soutien de 263 000 euros.
Si de telles activités permettent aux
personnes déficientes visuelles de maintenir le contact avec d’autres, de créer
des liens, de rompre l’isolement, elles sont aussi vectrices d’épanouissement
individuel et collectif, de participation culturelle, de développement de
l’expression et de la créativité.
J’attire également votre attention sur
l’existence de l’ASBL Le Troisième Œil. Cette association travaille
spécifiquement sur la question du handicap visuel et est reconnue, en vertu du
décret relatif à l’éducation permanente, pour son action au profit de la
sensibilisation au handicap envers le «tout public». Elle cherche ainsi à
favoriser une prise de conscience des obstacles rencontrés quotidiennement par
les personnes malvoyantes, ainsi que leur reconnaissance à part entière. Elle
développe également des activités favorisant une citoyenneté autonome dans le
chef des publics non voyants ou malvoyants.
Pour en finir avec cet aperçu non exhaustif
des initiatives culturelles, je pointerai l’existence d’un dispositif de
soutien à l’audiodescription. Octroyé par la Commission du cinéma, celui-ci
concerne les aides à la préproduction des longs métrages de fiction ou
d’animation. Les projets concernés par ces aides sont majorés de 5 000 euros
destinés à couvrir les frais d’une copie de film en audiodescription. Pour
rappel, cette copie est obligatoire pour les films d’initiative belge
francophone, majoritaires comme minoritaires, tournés en langue française.
En ce qui concerne l’éveil et le premier
contact avec le braille au sein des milieux d’accueil de la petite enfance, les
enfants présentant une déficience visuelle, au même titre que tous les autres
enfants, ont leur place au sein des milieux d’accueil. L’Office de la naissance
et de l’enfance (ONE) défend en effet une conception inclusive des milieux
d’accueil de la petite enfance. Ensuite, en termes de développement de
l’enfant, un consensus est largement partagé dans la communauté scientifique et
éducative concernant la période sensible de la petite enfance. Durant cette
période, les enfants effectuent des apprentissages au travers d’explorations
multiples de l’environnement, et ce, principalement au travers de leur corps et
de leurs mouvements. Envisager une sensibilisation précoce à l’apprentissage de
la lecture ou de l’écriture d’une langue relèverait d’une pratique non
respectueuse du rythme de l’enfant, qu’il soit porteur d’une déficience ou pas.
Des études ont clairement démontré qu’un accueil orienté vers les
apprentissages formels est de moindre qualité et aura des effets moins
bénéfiques pour les enfants. Ainsi, les besoins spécifiques de l’enfant
présentant une déficience visuelle sont évidemment pris en considération par le
milieu d’accueil, mais dans une perspective généraliste.
Réplique
de Sabine ROBERTY
Madame la
Ministre, je vous rejoins totalement lorsque vous dites que le braille est un
bien culturel précieux. Vous avez évoqué l’édition d’audiolivres et de
podcasts. Il est vrai que ces supports viennent en aide aux personnes atteintes
de déficience visuelle. Vous avez également cité toute une série d’initiatives
prises par la Fédération Wallonie-Bruxelles, notamment le soutien à
l’audiodescription. Vous avez aussi confirmé que, lors de l’éveil au braille,
les rythmes de l’enfant sont bien respectés. C’est une bonne chose. Par contre,
vous n’avez pas répondu à ma question sur les supports culturels et touristiques;
mais ce n’est pas grave, car j’aurai l’occasion de vous réinterroger à ce
sujet.
Crédit photo :
Photo de Eren Li:
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