Le cadre légal en matière de communications commerciales est-il bien respecté par les influenceurs et les influenceuses ?
Question de Sabine Robert à Bénédicte Linard, Ministre des Médias (question groupée avec Olivier Maroy, MR)
Madame la Ministre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) vient de publier son rapport sur la place de la communica- tion commerciale et son utilisation par les influenceurs et les influenceuses en Fédération Wallonie-Bruxelles. De manière générale, le régulateur relève sur- tout le poids considérable des communications commerciales des influenceurs, dont les audiences sont exponentielles. Ainsi, au moins une vidéo sur deux con- tient un lien promotionnel et ce chiffre dépasse même les deux tiers des vidéos sur YouTube.
Concernant l’identification des communications commerciales, le CSA juge les résultats assez positifs. Les influenceurs semblent intégrer de mieux en mieux les règles relatives à l’utilisation de la communication commerciale. Le régula- teur précise également que les plateformes respectent les nouvelles obligations et proposent des outils aux influenceurs pour les aider à mieux identifier les con- tenus commerciaux.
En termes de chiffres, 63,9 % des vidéos examinées par le CSA indiquaient clai- rement qu’elles contenaient du contenu commercial. 14,8 % des vidéos exami- nées étaient identifiées comme contenant du contenu commercial, mais pouvaient prêter à confusion. Enfin, seulement 21,3 % des vidéos contenant une communication commerciale n’étaient pas identifiées comme telles. Si une marge de manœuvre existe donc encore, ces résultats témoignent, d’après le CSA, d’une réelle volonté de transparence de la part des influenceurs.
Au-delà de l’identification des communications commerciales, le CSA pointe surtout les enjeux liés à l’objet de certaines communications proposées, voire encouragées, par les plateformes. Certaines publications posent ainsi question, notamment sur le plan légal ou éthique. À titre d’exemple, le CSA évoque comme problématiques les publications qui valorisent le cannabidiol (CBD) à fumer ou qui relèvent d’une possible désinformation médicale. La chirurgie es- thétique est également identifiée comme objet sensible.
Les plateformes ont aussi une responsabilité dans la diffusion de certains objets publicitaires. Le CSA a ainsi identifié de nombreuses occurrences touchant à la thématique de l’argent facile et dont la diffusion était encouragée par les plate- formes.
Enfin, rappelons que la régulation des influenceurs relève de plusieurs niveaux de pouvoirs, ce qui rend la tâche encore plus complexe.
Madame la Ministre, comment accueillez-vous les résultats de l’étude du CSA?
Je sais que vous êtes convaincue qu’il est essentiel d’agir en termes d’éducation aux médias. Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan «Éducation aux mé- dias», il est prévu de lancer un appel à projets spécifiquement destiné aux créa- teurs de contenus numériques. Ce lancement a-t-il déjà eu lieu?
Le CSA a établi des contacts avec les influenceurs concernés par des publica- tions problématiques ou des publicités mensongères et leur a rappelé la législa- tion en vigueur. Des contacts ont également été établis avec le SPF Économie, et ce, en vue d’examiner conjointement les meilleures suites à donner à la régu- lation des influenceurs. Disposez-vous de plus amples informations à ce sujet? Le SPF Économie a-t-il déjà précisé son positionnement? D’autres mesures sont-elles envisagées par le régulateur pour mieux informer les acteurs concer- nés? Quelles sont les dispositions envisagées par rapport aux plateformes qui encourageraient certaines publications problématiques?
Après avoir finalisé un code de conduite relatif à la publicité sexiste et hyper- sexualisée, le CSA devait se pencher sur la question de la publicité relative à la «malbouffe», ainsi que sur un code de conduite déterminant les modalités d’insertion et les durées des spots publicitaires dans l’environnement non li- néaire. Pouvez-vous également faire le point sur ces travaux?
Réponse de la ministre :
Madame la Députée, Monsieur le Député, j’ai pris connaissance de ce rapport plutôt encourageant, qui démontre le respect accru des règles régissant la com- munication commerciale.
Le dialogue entamé par le CSA avec les influenceurs et divers acteurs institu- tionnels semble porter ses fruits. Le CSA poursuit ce dialogue avec les influen- ceurs à travers l’organisation de rencontres professionnelles, dont la prochaine est prévue en novembre. Une FAQ destinée aux influenceurs vient également d’être créée.
Pour qu’un influenceur soit considéré comme un service de médias audiovisuels (SMA) et, par conséquent, relève de la compétence d’un régulateur audiovisuel, il doit répondre à une série de critères. Le niveau de professionnalisation est pris en compte, ainsi que l’audiovisuel comme objet principal de son activité. Par exemple, un compte Facebook dont les publications sont essentiellement audio- visuelles sera considéré comme un SMA. Par contre, un compte Instagram cen- tré sur la publication d’images fixes et publiant accessoirement des vidéos ne répond pas à la définition d’un SMA. L’analyse se fait au cas par cas et cer- taines situations problématiques incitent à la discussion entre les différents ac- teurs concernés par la régulation de la communication commerciale. Une réunion est notamment prévue dans les jours qui viennent entre le CSA et le SPF Économie, et ce, en vue d’optimiser leur collaboration autour de cas pra- tiques.
La législation européenne relative à la régulation des plateformes se renforce actuellement avec le Digital Services Act (DSA), qui est en cours de transposi- tion en Belgique, et le European Media Freedom Act (EMFA).
L’appel à projets visant à soutenir les spécialistes des réseaux sociaux désireux de développer des contenus d’éducation aux médias innovants a bien été lancé en 2022 et en 2023. Les projets des bénéficiaires de l’appel à projets 2022 sont en cours de réalisation et nous devrions bientôt en voir les résultats. L’appel à pro- jets 2023 vient de se terminer. Le processus de sélection est en cours et les résul- tats devraient être connus dans les prochaines semaines.
La question de la régulation des influenceurs sera probablement mise à l’agenda par la Belgique lors de sa présidence du Conseil de l’Union européenne en 2024.
Enfin, concernant les travaux du CSA sur la «malbouffe» et la communication commerciale non linéaire, ils ne seront probablement pas à l’ordre du jour en 2023.
Réplique de la députée
Madame la Ministre, le «marketing d’influence» est en pleine explosion. C’est la raison pour laquelle mon collègue et moi-même in- tervenons très souvent sur cette thématique, qui pose question.
Le CSA réalise un travail extraordinaire. Il se distingue des autres institutions concernées par le problème, comme le SPF Économie, le Jury d’éthique publici- taire (JEP) ou la Commission des jeux de hasard (CJH), en adoptant une posi- tion pédagogique, inclusive et flexible. Cette position est un pas dans la bonne direction, comme en témoignent les résultats du rapport.
Ce rapport indique également qu’il n’y a pas que des «influvoleurs» profitant du flou juridique existant. Certains influenceurs font un excellent travail. Il faut le souligner, car c’est encourageant.
Par ailleurs, début juin, le Parlement français a adopté à l’unanimité une nou- velle loi de régulation des influenceurs. Cette loi prévoit de nouvelles interdic- tions et de nouvelles obligations, tout en rappelant les mesures déjà existantes. L’objectif est de clarifier les règles et de protéger les plus jeunes. Même si cette question dépasse largement le cadre des compétences de notre commission, nous devrions peut-être envisager de travailler en faveur d’une telle clarification dans un futur proche.
Source : Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes du 4 juillet 2023 (Compte-rendu provisoire, le texte n’engage ni le Parlement, ni les orateurs)