La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la Belgique depuis 2009, consacre le droit au mariage, à la famille et à la fonction parentale. Pourtant, force est de constater qu’aujourd’hui, le parcours est encore compliqué pour les personnes en situation de handicap qui souhaitent fonder une famille.
Question orale du 7 novembre 2023 de Sabine Roberty à Bénédicte Linard, Ministre de l’Enfance
Madame la Ministre, je vous ai précédemment interrogée au sujet de l’accompagnement à la parentalité pour les personnes en situation de handicap. Je reviens vers vous aujourd’hui afin d’effectuer un suivi de cette question. Depuis nos derniers échanges, j’ai eu l’occasion de rencontrer les responsables d’Esenca Liège et de discuter avec eux des besoins des personnes en situation de handicap désireuses d’avoir un enfant, ainsi que des besoins des professionnels des différents secteurs qui les accompagnent.
Depuis le mois de janvier 2019, Esenca Liège coordonne un groupe de travail en collaboration avec l’Agence pour une vie de qualité (AViQ), l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), l’Administration générale de l’aide à la jeunesse (AGAJ) et plusieurs autres structures ou services travaillant autour de la parentalité. Ce groupe de travail a produit en novembre 2022 un rapport intitulé «Être parent?», à la croisée des secteurs. Leur constat principal est que l’aide existante est morcelée. En outre, il y a un manque de transversalité intersectorielle. Ce constat rejoint les conclusions de l’étude commandée par l’ONE et intitulée «Améliorer la cohérence de l’accompagnement des parents avec déficience intellectuelle en FWB», que vous avez mentionnée en réponse à ma précédente question.
Madame la Ministre, compte tenu de ma visite de terrain et de nos derniers échanges, avez-vous eu l’occasion de vous pencher sur les résultats du rapport produit par le groupe de travail coordonné par Esenca? Quels enseignements pouvez-vous en tirer?
Une réflexion est-elle engagée, en concertation avec les autres niveaux de pouvoir, afin de coordonner le travail entre les différents acteurs? Le travail en réseau entre ces différents acteurs existe depuis toujours, mais il semblerait qu’il soit nécessaire de l’améliorer pour optimaliser l’accompagnement des familles à besoins spécifiques, notamment en identifiant clairement les rôles de chacun.
Dans le contrat de gestion de l’ONE, une des missions transversales est le soutien à la parentalité. Comment l’organisme intègre-t-il la question du handicap dans la concrétisation de cet axe? Comment la Fédération Wallonie-Bruxelles peut elle équiper les professionnels de la santé, en particulier les partenaires enfants parents (PEP’S) afin de leur permettre de sensibiliser, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap dans leur désir de parentalité?
Enfin, quels sont les outils à la disposition des PEP’S pour accompagner les personnes en situation de handicap dans le deuil de la parentalité? En effet, s’il faut respecter les droits de ces personnes à être parents, il est également indispensable de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant. Faire le deuil de la parentalité peut parfois s’avérer difficile. Dès lors, existe-t-il une aide psychologique gratuite à la disposition de ces personnes?
Réponse de la ministre :
Madame la députée, bien que je n’aie pas eu spécifiquement connaissance du rapport produit par Esenca, l’ONE participe activement à ses travaux. Vous mentionnez que les conclusions de ce rapport rejoignent celles de l’étude commandée par l’ONE et intitulée «Améliorer la cohérence de l’accompagnement des parents avec déficience intellectuelle en FWB». Les conclusions de cette étude mettent en exergue la nécessité d’une bonne accessibilité aux informations, aux services de première ligne, à la formation des professionnels ou encore à un meilleur travail en partenariats décloisonnés et intersectoriels.
À cet effet, un projet de protocole d’accord interfédéral relatif à une meilleure prise en charge des «jeunes à la croisée des secteurs» entre les ministres de l’Aide à la jeunesse, du Handicap, de l’Enfance, de l’Éducation et de la Santé mentale est en voie de conclusion. Ce protocole d’accord a pour objectif de mieux coordonner les pratiques et de mobiliser les structures existantes afin d’améliorer la prise en charge intersectorielle, à tous les niveaux, en réduisant les effets du morcellement des compétences.
Vous m’interrogez quant à l’offre de services de l’ONE. En matière d’accompagnement à la parentalité, les projets subventionnés par le service Coordination et appui en matière de prévention et de protection de l’enfant (CAPP) sont attentifs aux futurs parents et aux parents en situation de handicap. Ces services mobilisent leurs ressources internes, ainsi que leur réseau, afin de s’adapter au contexte familial et d’apporter la réponse la plus adéquate possible aux besoins des parents.
D’autres actions sont organisées, comme les formations des professionnels de l’ONE sur les parents en situation de handicap ou l’acquisition de l’outil «Accompagner les parents en situation de handicap mais pas que…», élaboré par l’ASBL SISAHM. Tout récemment, une trentaine de PEP’S de l’ONE ont d’ailleurs participé à la journée d’information portant sur les services et aides activables pour les parents en situation de handicap. D’autres modules de formation continue sont prévus en 2023 et en 2024 à ce sujet.
En termes de suivi, les futurs parents en situation de handicap peuvent être pris en charge lors des consultations prénatales ou des consultations prénatales en ligne de l’ONE. Les entretiens autour de la naissance réalisés par les PEP’S sont également un moyen de toucher les futurs parents. Si les rencontres de ce type permettent aux parents de créer un lien avec l’ONE dès la naissance, il permet également aux PEP’S d’activer le réseau autour des parents et, dès lors, de préparer au mieux l’arrivée du bébé.
Le deuil à la parentalité est abordé dans la brochure «Être parent?», destinée aux futurs parents en situation de handicap et rédigée en langage Facile à lire et à comprendre (FALC). Quant à l’aide psychologique gratuite, les PEP’S de l’ONE proposent un accompagnement global et préventif à toutes les familles. Les professionnels activent les relais nécessaires le cas échéant: les psychologues de première ligne ou les services des milieux hospitaliers, par exemple. Enfin, les PEP’S de l’ONE ont accès à une formation intitulée «Accompagner le deuil périnatal», dont les objectifs sont de les sensibiliser à la complexité du deuil périnatal, d’identifier leur rôle et les limites de leurs interventions, ainsi que de découvrir le réseau
spécialisé.
Réplique de la députée
Madame la Ministre, je vous remercie pour vos éléments de réponse. J’entends que la réflexion est menée en concertation avec les autres niveaux de pouvoir pour mieux coordonner le travail entre les différents agents. Je ne peux que vous féliciter et vous remercier d’y avoir été attentive.
Je veux souligner l’importance fondamentale de veiller à ce que les niveaux se parlent, ce que vous faites très bien. Ce travail va permettre d’identifier clairement les rôles de chacun afin d’optimaliser cet accompagnement, de voir ce qui peut coincer et de voir aussi comment mieux y faire face, le but étant toujours d’éviter au maximum ce morcellement qui existe aujourd’hui dans les faits. C’est du moins ce que nous avons pu constater avec mon équipe quand nous sommes allés rencontrer Esenca.
Vous avez parlé du deuil et je relirai votre réponse sur ce point. Il faut quand même rappeler que les services sont tellement morcelés qu’ils sont en difficulté. De plus, ils ne sont pas suffisamment nombreux sur le terrain. Aujourd’hui, il est fondamental de leur venir en aide et je voudrais saluer leur travail au quotidien, qui n’est pas toujours facile. En effet, accompagner des personnes qui éprouvent une envie de parentalité peut s’avérer difficile lorsqu’il faut leur annoncer et leur expliquer qu’elles ne pourront jamais être parents. Ces travailleurs abattent donc un travail colossal, très humain, et je me réjouis que cette question m’ait donné l’occasion de les remercier.
Source : Compte-rendu intégral de la réunion de la commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes – Séance du mardi 7 novembre 2023.