Baby signs : une forme de communication prometteuse?

Question orale du 12 octobre 2021 de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes sur « les Baby signs »

Les bébés disent leurs premiers mots vers l’âge de douze mois. Pourtant, quelques semaines seulement après leur naissance, ils montrent déjà une intention de communiquer.

En réalité, la motricité se développe bien avant le langage. Cela étant, les gestes sont fortement liés au langage. Mieux, ils peuvent être, selon certains, un outil pour le soutenir. C’est ainsi qu’est née l’approche dite des Baby signs, laquelle utilise des gestes symboliques, c’est-à-dire des mouvements de la main qui servent à montrer une forme ou une fonction d’objet et qui peuvent être utilisés afin de nommer, décrire et demander. Il ne s’agit dès lors pas de remplacer les mots par des gestes, mais d’associer, lorsque c’est possible, un signe à la parole.

Venue des États-Unis, cette méthode permettrait de faciliter une communication précoce, mais aussi de mieux comprendre les besoins des enfants en bas âge et donc d’éviter un grand nombre de frustrations.

Cela étant, l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), dans un article daté de 2018, indique qu’aucune étude scientifique ne prouve que la communication gestuelle pour bébé a un effet significatif sur l’acquisition précoce du langage. Le constat serait identique concernant la gestion des émotions grâce à cette approche. Pourtant, d’autres études semblent indiquer le contraire.

Madame la Ministre, quelle analyse portez-vous sur l’utilisation de cette communication gestuelle ? Disposez-vous d’informations complémentaires à ce sujet ? Quelle est la position actuelle de l’ONE en la matière ? Utilise-t-on ce type de communication avec les enfants porteurs d’un handicap ?

Réponse de Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes.

En moyenne, les premiers mots d’un enfant apparaissent vers l’âge de douze mois, alors que la production de combinaisons de mots est observée durant la deuxième année. Pourtant, dès l’âge de quelques semaines, les bébés manifestent effectivement leur intention de communiquer. Bien avant l’apparition de ses premiers mots, l’enfant est déjà équipé pour interagir avec les autres : ses pleurs, ses mimiques, ses sourires sont autant de moyens de communication qui incitent aux échanges relationnels dont le tout-petit a besoin.

La technique des signes pour bébé est une approche qui vient des États-Unis et qui vise à communiquer avec les enfants au travers de signes associés à la parole. Cette technique est assez récente et ses effets sur le long terme n’ont pas encore pu être analysés de manière systématique et complète par la communauté scientifique. Actuellement, cette dernière reste donc divisée sur le sujet.

Sur le terrain, des professionnels témoignent du fait que cette méthode permet de diversifier la palette communicative propre aux interactions avec les tout petits, à condition d’être appliquée en même temps qu’une pratique orale rigoureuse.

La position de l’ONE à ce sujet n’a pas changé depuis 2018: l’Office déconseille toujours aux professionnels de l’enfance d’utiliser les signes pour bébé dans les milieux d’accueil et de suivre les formations consacrées à cette technique. En matière de pratiques langagières, l’ONE a créé différents outils pour sensibiliser les parents et les professionnels du secteur à leur rôle et à leur importance dans le développement du langage des enfants. Centrée sur le développement du tout-petit de 2015 à 2018, la réflexion a ensuite été consacrée, en 2019, au développement du langage chez les enfants de 3 à 18 ans. Ces outils sont toujours diffusés aujourd’hui et ils portent leurs fruits.

Pour ce qui est de l’apprentissage de cette communication aux enfants présentant un développement atypique, cette pratique est partiellement mise en œuvre par des professionnels spécialisés et formés dans l’utilisation de signes et de pictogrammes.

Il est important de rappeler que ces pratiques sont instaurées dans le cadre d’un dialogue avec la famille et tiennent compte des besoins spécifiques de l’enfant. Présenter cette technique comme une solution contre les difficultés de communication sur les émotions ressenties est un argument vendeur, mais il ne doit pas nous faire perdre de vue que les professionnels de la petite enfance sont formés et équipés pour comprendre et accueillir les émotions des enfants. L’observation du langage non verbal, la connaissance intime des singularités et des humeurs de chaque enfant restent des manières éprouvées et efficaces pour décrypter et communiquer de manière bienveillante et apaisée avec les toutpetits.

Réplique de Sabine ROBERTY

Madame la Ministre, cette pratique est effectivement récente et on a besoin d’un peu de recul pour se faire une opinion. Après avoir lu la littérature existante, je crois qu’il est important de faire la différence entre le langage des signes pour les bébés et la communication gestuelle. Le langage des signes est une vraie langue, qui a sa grammaire et qui est codifiée. Il faut donc savoir de quoi on parle : du langage des signes adapté aux bébés ou de la communication gestuelle, c’est tout à fait différent.

La communication gestuelle fait déjà partie de notre manière de communiquer avec un enfant. Vous l’avez dit, les professionnels savent décoder et entrer en communication alors que ce ne sont pas leurs propres enfants. Quand un enfant n’est pas porteur d’un handicap, adapter sa communication gestuelle à la communication classique est un plus. Ce n’est pas un passage obligé. On n’est bien sûr pas obligé de faire des signes quand on s’adresse à son bébé. Mais au fond, si cela permet de communiquer davantage, d’une autre façon et de manière bienveillante, alors pourquoi pas ?

Il est important de dire que le langage des signes est codifié. De même, il est important de protéger les écoles qui assurent les formations de ce type. L’ONE pourrait peut-être se pencher sur la communication gestuelle pour les enfants porteurs de handicap.