Depuis quelques temps la plateforme X (anciennement Twitter) voit se développer de plus en plus de propos complotistes, mensongers ou encore haineux. Quelle responsabilité pour les propriétaires de ces types de plateforme ?
Question orale du 7 novembre 2023 de Sabine Robert à Bénédicte Linard, Ministre des médias
Dernièrement, la Commission européenne a appelé X – anciennement Twitter – à se conformer aux règles européennes relatives à la désinformation et à la modération de contenus, sous peine d’amendes ou d’ un éventuel bannissement de l’Union européenne. Il s’agit ici de la première procé- dure lancée dans le cadre de la loi sur les services numériques (Digital Services Act, DSA).
En effet, depuis qu’il a acquis la plateforme, Elon Musk est accusé d’avoir ouvert la porte aux contenus complotistes et haineux, dont il fait lui-même la promotion. La modération sur X est défaillante et des politiques plus permissives ont été instaurées. Depuis l’embrasement du conflit au Proche-Orient, la violence sur X a atteint des sommets inédits, mais la plateforme était déjà, malheureusement, bien connue pour ses contenus racistes, antisémites, homophobes, complotistes, sexistes, etc. Cette situation soulève des questions sur la responsabilité des propriétaires de ce type de plateformes et la gestion de la modération des contenus qui s’y trouvent.
Le 27 octobre, un collectif français a organisé le #NoTwitterDay visant à boycotter X pendant 24 heures pour dénoncer les dérives de ce réseau. Ce #NoTwitterDay a été l’occasion pour ce collectif de faire pression et de montrer symboliquement son mécontentement et son inquiétude à l’égard de cette plate- forme qui est devenue un défouloir, un véritable lieu de haine, de harcèlement et de désinformation, un lieu hypertoxique où tout est permis. Ce jour-là, les Français se sont mobilisés en masse contre cette plateforme. Par ailleurs, Elon Musk a transmis à la Commission européenne son premier rapport de transparence sur la modération; il apparait que X est devenue la plus grande passoire aux contenus de haine et à la désinformation sur internet.
Madame la Ministre, quelle est votre lecture de ces faits? Le DSA, en vigueur depuis août, se veut être un outil dans la lutte contre la désinformation. Où en est l’élaboration du projet d’accord de coopération entre l’État fédéral et les entités fédérées, qui doit permettre la création d’un poste de coordinateur des services numériques en Belgique?
Des plateformes comme X sont massivement utilisées par des adolescents. Il est donc primordial de les protéger de contenus violents et erronés. Pouvez-vous, au regard de la résolution du 20 janvier 2021 relative à la sensibilisation, la prévention et la lutte contre les discours de haine et le harcèlement, y compris dans l’univers numérique, me dire quelles sont les actions mises en œuvre en Fédération Wallonie-Bruxelles pour lutter contre la désinformation et la déferlante de haine en ligne, qui touchent notamment les jeunes?
Enfin, dans les 18 projets d’éducation aux médias récemment soutenus par le gouvernement, quels sont ceux qui sensibilisent les jeunes aux dangers de la désinformation et à la lutte contre la cyberhaine?
Réponse de la ministre :
La lutte contre les discours de haine doit se concevoir dans un projet global d’éducation aux médias (EAM) qui fait appel à de multiples compétences à développer chez les citoyennes et les citoyens.
Je continue donc à promouvoir et renforcer l’EAM en Fédération Wallonie-Bruxelles, en cohérence avec la résolution relative à la sensibilisation, à la prévention et à la lutte contre les discours de haine et le harcèlement, y compris dans l’univers numérique, et en cohérence avec le plan relatif à l’EAM.
Le renforcement de cette dernière passe par plusieurs mesures, dont des appels à projets visant à développer des outils pour atteindre tous les publics, dont les plus fragilisés, l’intégration de l’EAM dans le tronc commun de l’enseignement ou encore la modification du décret du 5 juin 2008 portant création du Conseil supérieur de l’Éducation aux Médias et assurant le développement d’initiatives et de moyens particuliers en la matière en Communauté française. La volonté est que ce Conseil porte une attention particulière aux problématiques de la propagation des discours de haine et du harcèlement, en particulier sur internet et les réseaux sociaux.
Concernant les projets relatifs à la désinformation et à la lutte contre la haine en ligne, plusieurs dossiers très variés nous sont parvenus. Parmi les bénéficiaires de cette seconde édition des appels à projets en EAM, le Centre culturel communal de Seraing développe un escape game sur les fake news et le projet «Ciném’action» vise à créer un outil multimédia permettant à des publics primo-arrivants d’avoir un regard critique, réflexif et créatif sur la désinformation.
Enfin, les travaux relatifs à l’accord de coopération entre le gouvernement fédéral et les entités fédérées reprennent, alors que notre projet de décret et le projet de loi mettant en œuvre le Digital Services Act (DSA) ont été approuvés en première lecture à la fin du mois d’octobre.
Réplique de la députée
J’ai lu aujourd’hui dans la presse l’interview de Karim Ibourki, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Il indique que «X » n’est clairement pas à la hauteur des enjeux et des standards auxquels on est en droit de s’attendre pour les très grandes plateformes en matière de modération». Par conséquent, Madame la Ministre, je vous remercie d’avoir répondu à la question relative au projet d’accord de coopération visant à transposer le DSA. Je suis malgré tout inquiète. Nous sommes en première lecture, mais il faut avouer que la date butoir est en février 2024. Vivement que l’on puisse mettre en œuvre cette coordination, car, tant que nous ne disposons pas d’un coordinateur, rien ne bouge et ne peut changer. Dans le cas de X, on ne peut donc pas modérer. En attendant, la situation est grave puisque tout passe au travers des mailles du filet.
Je vous remercie également d’avoir répondu à propos des discours haineux chez les jeunes. Vous avez cité une action qui me tient à cœur, celle soutenue par le Centre culturel de Seraing. J’entends également l’évocation de plusieurs mesures par le biais d’appels à projets et du tronc commun avec la ministre de l’Éducation, Caroline Désir. Je voudrais également remercier le Conseil supérieur de l’éducation aux médias pour toute son action durant la semaine consacrée notamment à l’éducation aux médias.
Source : Compte-rendu intégral de la réunion de la commission de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes – Séance du mardi 7 novembre 2023 – version provisoire du compte-rendu, les propos repris n’engagent pas les personnes concernées.