Épiceries sociales : comment les aider face à la crise ?

Question orale du 8 novembre 2022 de Sabine Roberty à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Économie sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes.

Madame la Ministre, ces dernières années, les crises se succèdent et se superposent. Cette situation provoque une augmentation des besoins en aide alimentaire. Ces crises plongent encore plus les publics déjà fragilisés dans la pauvreté, mais conduisent également de nouvelles personnes à demander une aide alimentaire.

Dans son bilan 2021, la Fédération belge des banques alimentaires tirait déjà la sonnette d’alarme en mettant en évidence la forte augmentation de la demande, mais aussi la diminution des dons.

Rappelons que, en ce qui concerne les compétences, la Wallonie est compétente pour ce qui concerne l’agrément et le subventionnement des épiceries et des restaurants sociaux et qu’elle soutient la Fédération des services sociaux.

Depuis le début de la crise, le Gouvernement est intervenu à plusieurs reprises pour soutenir le secteur au travers d’appels à projets.

Dans ma question telle que je l’avais déposée, je vous demandais si vous entendiez de nouveau activer des leviers, notamment au vu de la crise énergétique qui se prolonge. Depuis, nous avons appris que 2 millions avaient été débloqués pour renforcer l’aide alimentaire urgente. Il s’agit de la première tranche d’une enveloppe de 10 millions destinée à renforcer le secteur. Ce premier appel à projets de 2 millions d’euros sera destiné aux épiceries et restaurants sociaux et aux CPAS.

Dès lors, pouvez-vous revenir sur cette enveloppe de 2 millions d’euros, sur les procédures de sélection pour le premier appel à projets et les procédés de répartition du budget ? Dans ma question, je vous demandais également si d’autres pistes de soutien avaient été envisagées. Il s’agit évidemment ici de montants considérables, mais peut-être que des systèmes autres que des appels à projets ont été étudiés.

Enfin, des enquêtes sont régulièrement envoyées aux opérateurs de l’aide alimentaire pour évaluer l’impact des crises sur le secteur. Je me demandais si vous aviez pris la décision d’interroger récemment le secteur sur l’impact de cette nouvelle crise énergétique. Si oui, qu’en est-il ressorti ? Peut-être que ce sont de telles démarches qui ont conduit à la décision de renforcer finalement le soutien financier que vous allez accorder au secteur.

Réponse de Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Économie sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes.

Madame la Députée, les besoins en aide alimentaire – vous le savez, puisque nous sommes allées ensemble à « Un toit pour la nuit » – ne cessent d’augmenter, notamment en raison du chevauchement des crises.

À cette situation, vient s’ajouter une pénurie croissante de dons d’invendus alimentaires et non alimentaires. Depuis l’entame de cette législature, le Gouvernement wallon, sur ma proposition, est intervenu à plusieurs reprises en matière d’aide alimentaire. Depuis le début, on a octroyé des aides alimentaires exceptionnelles pour 7,2 millions. Cinq appels à projets ont été lancés et ont d’ailleurs – malheureusement, j’ai envie de dire – remporté un large succès, reflétant l’ampleur de la problématique. Quand je l’avais fait au début, on avait fait un appel à projets pour 1 million d’euros, et l’on avait été submergé de demandes d’opérateurs. À plusieurs reprises, j’ai eu des associations, des éducateurs de rue, des associations qui sont tous venus me dire : « La demande est criante. On a besoin que la Wallonie nous soutienne. » Malheureusement, l’augmentation des prix liée au contexte actuel le montre davantage encore.

Dans ce contexte, on a décidé d’intervenir en faveur du secteur avec un appel à projets doté d’une enveloppe de 2 millions d’euros qui a été lancé le 28 octobre dernier et qui se clôturera le 13 novembre prochain.

Complémentairement à cette enveloppe, on va encore mobiliser, pour 2023, un budget de 8 millions d’euros pour un appel à projets qui s’adresse aux organisations qui poursuivent un but social désintéressé, qui sont confrontées aux crises successives, plus précisément aux épiceries sociales, aux restaurants sociaux, aux CPAS, aux plateformes de récolte, d’achat, de tri, de stockage, de transformation et de distribution de denrées alimentaires et de produits de première nécessité établis en Wallonie.

Les moyens libérés devront être utilisés pour rencontrer directement les besoins des bénéficiaires : récolte et stockage de denrées, achat de denrées et de produits de première nécessité, préparation de repas et colis, bons alimentaires, chèques, livraisons, équipements et investissements, factures énergétiques, frais de carburant, et cetera. Les frais de personnel sont exclus. La période d’éligibilité des dépenses sera fixée du 1er octobre 2022 au 31 décembre 2023. Le formulaire de candidature qui doit être complété reprend les coordonnées et les informations utiles de l’organisation, l’offre de services, le budget sollicité, ainsi que la nature des dépenses envisagées et le lien éventuel – et je le dis notamment pour une question qui aurait dû être jointe – avec des producteurs locaux, parce que Mme Vandorpe voulait poser la question. Comme pour les appels antérieurs, l’enveloppe sera répartie en fonction du nombre de candidatures réceptionnées et du budget disponible, en fonction des besoins et du recours éventuel aux producteurs locaux.

On va évidemment s’assurer de répartir équitablement l’enveloppe disponible entre tous les projets recevables, en fonction du budget que l’on a. Tout projet pouvant attester du recours aux producteurs locaux a également été, à chaque fois, valorisé. C’est en ce sens que nous collaborons entre collègues du Gouvernement. Nous avons d’ailleurs déjà soutenu conjointement des projets, avec mon collègue M. Borsus. Je le dis parce que Mme Vandorpe avait la même question que vous, Madame Roberty, mais elle posait également la question de savoir si l’on favorisait aussi les agriculteurs locaux pour travailler à l’économie circulaire et effectivement, on le fait.

Enfin, je continuerai à soutenir le secteur de l’aide alimentaire pour 2023 de manière encore plus substantielle pour renforcer les besoins les plus élémentaires de nos concitoyens. J’en termine simplement en vous disant que je suis allée avec le Président et par ailleurs député, M. Legasse à Rixensart dans une épicerie sociale, qui a comme particularité d’être une unité mobile qui va apporter des colis ou qui vend une partie. À Rixensart, qui est une des communes les plus riches de la Wallonie, les travailleurs sociaux m’expliquaient qu’ils étaient non seulement confrontés à la précarité, mais aussi à des parents. Ils m’expliquaient le cas d’un monsieur qui était père de plusieurs enfants, qui était à la tête d’une famille monoparentale, qui travaillait, mais qui était en difficulté, qui n’arrivait pas à faire face aux dépenses énergétiques. Malheureusement, on se retrouvait avec un public bien différent en plus de celui que l’on a l’habitude de voir, qui sont des personnes très précarisées. C’est la raison pour laquelle malheureusement on a dit que l’on allait sortir de la précarité, mais on voit bien que l’on a surtout un filet social et des moyens budgétaires au niveau de la Région qui doivent être étendus pour faire face à la difficulté – notamment de travailleurs qui sont dans des situations de précarité – en raison de la crise que nous connaissons.

Réplique de Sabine Roberty.

Je vous remercie, Madame la Ministre, pour l’ensemble de vos réponses. Vous faites bien de rappeler que les dons sont toujours en nette décroissance alors que l’on n’en a jamais eu autant besoin. C’est vraiment assez paradoxal. Je pense qu’il faut aussi que nous tous, ici, communiquions là-dessus, sur l’importance des dons alimentaires.

On a bien compris que les besoins sont extraordinaires et l’on peut comprendre que les secteurs se manifestent. C’est un beau projet qui est passé ici avec cette première enveloppe de deux millions d’euros, puis une seconde enveloppe de huit millions d’euros. C’est une très belle bouffée d’oxygène pour l’ensemble du secteur et vous parliez de l’importance de travailler avec les producteurs locaux, je ne peux que soutenir cette mesure supplémentaire.

Vous parliez de Rixensart, cette crise réveille vraiment de nouvelles précarités. Je pense que l’on ne sera jamais assez nombreux ici que pour soutenir toutes les formes d’appels à projets comme vous les proposez.

 

 

Crédit photo : Photo de Erik Scheel: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-donnant-des-fruits-a-une-autre-95425/