Question
orale du 28 septembre 2021 de Sabine ROBERTY à Valérie GLATIGNY, ministre de
l’Enseignement supérieur, de l’Enseignement de promotion sociale, des Hôpitaux
universitaires, de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, de la
Jeunesse, des Sports et de la Promotion de Bruxelles
J’ai
récemment été touchée par le témoignage de Lionel Renard, relayé par la RTBF.
Âgé d’à peine 36 ans, ce Liégeois est atteint depuis 2019 d’une sclérose
latérale amyotrophique, appelée SLA ou, plus généralement, maladie de Charcot,
et qu’il faut bien distinguer de la sclérose en plaques. Dans le cas de Lionel,
il n’aura fallu que deux ans à la maladie pour faire des ravages. Aujourd’hui,
Lionel Renard n’a plus que ses yeux pour en parler et continue à s’exprimer
grâce à un écran adapté et à une méthode de communication particulière.
Qu’est-ce que la sclérose latérale amyotrophique ? C’est une dégénérescence des
motoneurones qui sont responsables, dans le cerveau, de la transmission des
ordres aux muscles. Lorsque ces neurones meurent, les muscles deviennent
progressivement inactifs, s’affaiblissent, perdent du volume. Au fur et à
mesure, parler, marcher, déglutir et même respirer deviennent difficile, voire
impossible. Ainsi, une majeure partie des malades meurent de détresse
respiratoire en moyenne trois à cinq ans après le diagnostic. Il ne faut pas
voir cette maladie comme une seule, mais plutôt comme un ensemble complexe de
maladies neurologiques parfois similaires dans leurs manifestations cliniques,
mais avec des différences quant à leurs mécanismes, leur présentation, leur
évolution et, en conséquence, quant à leur prise en charge thérapeutique. Tout
cela complique bien les choses. Lionel Renard ne raconte pas son histoire pour
faire pleurer dans les chaumières, mais pour faire avancer les choses. Il
regrette que la recherche sur la maladie de Charcot soit sous-financée en
raison de sa rareté et du peu de médiatisation dont elle fait l’objet. Plus de
150 ans après sa découverte, on en meurt toujours et on ne sait toujours pas ce
qui en est à l’origine, exception faite, évidemment, des facteurs génétiques.
Le diagnostic est aujourd’hui toujours et encore un diagnostic d’exclusion, ce
qui rend le parcours du malade encore plus long, pénible et incertain. Madame
la Ministre, quel est l’apport de la recherche en Fédération Wallonie-Bruxelles
quant à cette maladie ? Quel financement est-il octroyé à cet effet ? Quels
types de projets sont-ils financés en la matière ? Pour quels résultats ?
Pensez-vous également qu’elle mériterait d’être financée plus largement ? Plus
généralement, comment la Fédération Wallonie-Bruxelles participe-t-elle à la
recherche scientifique ayant trait aux maladies rares, soit ces maladies rares
qui touchent une personne sur 2000. Lionel Renard parle également des six longs
mois qui auront été nécessaires pour enfin obtenir un diagnostic. Pour cela, il
aura vu pas moins de trois neurologues. Il s’estime heureux, affirmant que
d’autres attendent un an, voire deux. Dans quelle mesure, dans le cadre de
leurs études universitaires, nos futurs médecins sont-ils formés à la détection
des maladies rares ? Je ne mets évidemment pas en cause leur cursus
universitaire. Toutefois, quelle est la place accordée à cette maladie dans
leur parcours d’études ? En outre, au cours de leur carrière, ils seront
régulièrement amenés à annoncer de mauvaises nouvelles à des patients souffrant
de maladies graves, incurables ou à leur famille en cas de décès. Comment
sont-ils armés pour le faire efficacement, avec toute l’empathie que cela exige
et qu’on leur reconnaît ? Les maladies rares font-elles l’objet de formations
continues pour ce public particulier que sont nos médecins ?
Réponse
de Valérie GLATIGNY, ministre de l’Enseignement supérieur, de l’Enseignement de
promotion sociale, des Hôpitaux universitaires, de l’Aide à la jeunesse, des
Maisons de justice, de la Jeunesse, des Sports et de la Promotion de Bruxelles.
Il
n’existe actuellement pas de statistiques détaillées quant aux recherches sur
une maladie en particulier. Cependant, il existe en Fédération Wallonie-Bruxelles
des chercheurs qui sont financés pour travailler ponctuellement sur la maladie
de Charcot ou dont les résultats de recherche peuvent être exploités pour mieux
comprendre cette terrible maladie. Pour ce qui est des maladies rares, la
Fondation Roi Baudouin (FRB) gère le Fonds Generet qui accorde chaque année un
prix d’une valeur d’un million d’euros. La recherche sur les maladies rares est
également une priorité au niveau européen, notamment par le biais du réseau
European Reference Network qui regroupe les spécialistes couvrant toutes les
maladies rares afin d’élaborer des registres, des guides de bonnes pratiques et
des protocoles de recherche communs. La Belgique, et donc la Fédération
Wallonie-Bruxelles, est très active dans ce réseau. Bien que l’on compte plus
de 7 000 maladies rares différentes, les principes communs à ces maladies sont
enseignés dans les masters de spécialisation, à la fois lors des stages sur le
terrain et lors de cours organisés. Les formations dépassent le cadre de la
médecine puisqu’elles abordent les aspects éthiques, légaux, sociaux et économiques
propres à ces maladies. Chaque spécialité comporte ses propres maladies rares,
en fonction des symptômes principaux qu’elles engendrent. L’une des priorités
est d’apprendre à tous les futurs médecins quand et qui alerter en cas de
suspicion de maladie rare. Cet apprentissage se fait durant tout le cursus. Les
maladies rares sont également de plus en plus expliquées aux médecins dans le
cadre de la formation continue. La recherche sur ces maladies permet en effet
de mieux comprendre les maladies plus fréquentes qui impliquent les mêmes
mécanismes. Le plan belge pour les maladies rares, introduit en 2013, a permis
de développer une prise en charge plus centralisée et efficace des patients. Il
existe neuf fonctions relatives aux maladies rares en Belgique, ayant chacune
des missions précises en matière de prise en charge, de registre et de
formation. L’approche holistique des maladies rares est déjà de mise et est
également encouragée par les conventions fixées par l’Institut national
d’assurance-maladie invalidité (INAMI) et le plan belge pour les maladies
rares. Les médecins sont évidemment préparés à aborder des sujets très
sensibles avec leurs patients, avec toute l’empathie requise. Cet aspect est
développé lors des cours de formation à la relation et d’enjeux sociaux et
éthiques de la santé et de la médecine. Les étudiants apprennent le cadre
théorique avant de s’entraîner, en petits groupes, à réagir à ces situations
difficiles et à réfléchir sur le sujet.
Réplique
de Sabine ROBERTY
Dans ma
question, j’ai cité le cas de Lionel, un malade qui refuse de mourir sans rien
faire. Il souhaite sensibiliser les autres à sa terrible maladie, et je me fais
son relais dans notre commission. Madame la Ministre, vous avez parlé de toutes
les personnes qui gravitent autour d’un patient. La gestion des patients se
fait de manière conservatrice, avec l’aide de plusieurs donneurs de soins, tels
que les kinésithérapeutes et les ergothérapeutes, mais aussi en recourant à des
orthèses, à des traitements antidouleurs et, parfois même, à la chirurgie
orthopédique. C’est tout un système, qui dépasse le cadre purement médical, qui
s’installe autour de chaque patient. Il importe donc de prendre en compte
toutes les personnes qui travaillent quotidiennement auprès des malades. En ce
sens, le plan belge pour les maladies rares est un levier très intéressant, je
vous l’accorde, tout comme les cours organisés dans les universités de la
Fédération Wallonie-Bruxelles. Je ne remets pas en cause ce cursus, je souhaite
simplement parler de cette maladie pour la démystifier aux yeux de tous.
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