Question
orale du 18 mai 2021 de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD, vice-présidente du
gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias
et des Droits des femmes
La
Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie se
tenait hier, le 17 mai. Comme nous le rappelle régulièrement l’actualité,
l’homophobie demeure malheureusement une réalité dans notre société. Évoquons
notamment les difficultés rencontrées par les couples du même sexe désireux
d’adopter un enfant en Belgique. Une récente étude du Centre de recherche et
d’information sociopolitiques (CRISP) nous apprend que, depuis 2006, seuls 26
enfants – soit à peine 5 % des adoptions – ont été confiés à des couples
homosexuels. Rappelant que l’adoption est ouverte à toute personne âgée d’au
moins 25 ans, l’étude montre par ailleurs que la diversité socioéconomique,
culturelle et ethnique est relativement faible parmi les candidats. L’analyse
visait principalement à évaluer dans quelle mesure la loi du 18 mai 2006
modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l’adoption
par des personnes de même sexe contribue concrètement à ouvrir la voie à la
parentalité adoptive de ces personnes. Les résultats de l’étude sont sans
équivoque et démontrent les difficultés qui subsistent en la matière. Les
parents homosexuels subissent des traitements discriminatoires, volontaires ou
non, de la part d’une société encore « hétéronormée ». Par exemple, 80 % des
parents biologiques refusent de confier leur enfant à l’adoption à des couples
homoparentaux, et ce, malgré le fait que de plus en plus d’études démontrent
que les enfants élevés dans des familles homoparentales ne présentent aucune
déficience par rapport à des enfants grandissant avec des parents
hétérosexuels. Nous pouvons en être fiers : notre pays est l’un des plus
avant-gardistes et ouverts aux droits des homosexuels, notamment sur le plan de
l’adoption. Toutefois, dans la pratique, il semble que les chances pour les
couples homoparentaux de pouvoir adopter un enfant soient toujours faibles. Il
est dès lors important de sensibiliser davantage la population afin de lutter contre
les préjugés entourant l’homoparentalité. Comme l’a rappelé la Cour
constitutionnelle dans divers arrêts, l’intérêt de l’enfant doit primer dans
les procédures d’adoption et il est essentiel de rappeler que celui-ci peut
être respecté aussi bien dans une famille homo qu’hétéroparentale. L’État
fédéral est chargé de déterminer les conditions, les formes ou la révocation de
l’adoption. Toutefois, la Fédération Wallonie-Bruxelles a clairement son mot à
dire dans ce domaine, notamment à travers l’Office de la naissance et de
l’enfance (ONE) et son service ONE Adoption. Celui-ci poursuit plusieurs
missions, dont l’accompagnement des adoptants ainsi que l’accompagnement et
l’assistance des parents souhaitant confier leur enfant à l’adoption.
Dès
lors, Madame la Ministre, avez-vous pu prendre connaissance de l’étude
susmentionnée et êtes-vous au fait du taux anormalement bas d’adoptions par les
couples du même sexe ?
De
quels leviers dispose la Fédération Wallonie-Bruxelles pour réduire le nombre
d’obstacles dans ce domaine ?
Une
sensibilisation accrue afin de lutter contre les préjugés à l’égard des couples
homoparentaux est-elle envisagée ?
Eu
égard au nouveau contrat de gestion de l’ONE, pouvez-vous indiquer ce qui est
envisagé concernant le service ONE Adoption ?
Dans
ce cadre, le problème précité sera-t-il pris en considération ?
Enfin,
une meilleure collaboration avec le secteur de l’aide à la jeunesse est-elle
prévue ?
Réponse
de Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance,
de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes
En
Belgique, l’État fédéral est bel et bien compétent pour déterminer les
conditions, les formes ou la révocation de l’adoption, alors que les
Communautés sont compétentes pour l’aide, l’accompagnement et l’assistance
fournis aux adoptants, aux candidats adoptants, aux adoptés, aux candidats
adoptés, et aux membres de leurs familles respectives. En Fédération
Wallonie-Bruxelles, c’est la Direction de l’adoption de l’Autorité centrale
communautaire (ACC) qui est, depuis 2015, l’administration de référence en
matière d’adoption. Celle-ci relève de l’Administration générale de l’aide à la
jeunesse (AGAJ) du ministère de la Communauté française. C’est donc ma collègue
Valérie Glatigny, ministre de l’Aide à la jeunesse, qui a la tutelle sur le
dispositif de l’adoption en Fédération Wallonie-Bruxelles. Le service ONE
Adoption intervient uniquement comme organisme agréé par la Fédération
Wallonie-Bruxelles pour l’adoption interne, c’est-à-dire lorsque des personnes
qui résident en Belgique adoptent un enfant résidant également en Belgique. Je
ne peux donc répondre à votre question que sous l’angle de la pratique d’un
organisme agréé parmi d’autres pour encadrer les adoptions internes. J’ai pris
connaissance de l’étude que vous mentionnez dans votre question et qui avance
des taux d’adoption assez bas pour les couples de même sexe. Ces couples
représentent par ailleurs 10 % des candidatures à la préparation de base à
l’adoption. Ces différences entre couples homosexuels et hétérosexuels sont
notamment dues, en adoption interne, aux réalités qui président à la
détermination de l’adoptabilité juridique des enfants confiés à l’adoption, en
particulier des enfants confiés à la demande de leurs parents de naissance.
Lorsqu’il est mandaté pour le faire, le service ONE Adoption veille à la
qualité du processus d’accompagnement des parents de naissance afin que
l’engagement qu’ils prennent en signant un acte notarié de consentement ne soit
pas remis en cause. Parmi les éléments qui président à la sécurité du
consentement figure le fait d’informer les parents de naissance du profil de
candidats qui peuvent être choisis pour l’enfant qu’ils confient. Il arrive
alors que des parents de naissance refusent catégoriquement que l’enfant qu’ils
souhaitent confier à l’adoption grandisse dans une famille où il n’y aurait pas
un papa et une maman (80 % des cas), et, plus souvent, où il n’y aurait pas
deux parents (95 % des cas). L’information des parents de naissance – et sans
doute plus largement de l’opinion publique – au sujet des réalités de
l’adoption homoparentale doit donc être envisagée comme une des principales
raisons pour lesquelles les parents de naissance expriment un tel
positionnement à l’égard de certains profils conjugaux d’adoptants. À cet
égard, le rapport fait état de l’importance de médiatiser certains débats de
société et la lutte contre l’homophobie. Une démarche de sensibilisation autour
de l’adoption homoparentale et de ses réalités serait la bienvenue, mais il me
semble difficile d’envisager que cette mission soit confiée aux organismes
d’adoption. En effet, ceux-ci doivent inscrire leur action dans le cadre strict
de leur fonction d’intermédiaire à l’adoption, qui consiste à assurer au mieux
la sécurité de l’enfant dans le processus adoptif, et non à promouvoir la lutte
contre les préjugés qui sont véhiculés dans la société à l’égard de l’adoption
et de ses réalités. Un autre facteur explicatif possible réside dans le fait
que les conditions légales des pays d’origine des enfants sont généralement
plus restrictives que les conditions belges. En outre, elles empêchent
certaines catégories de personnes – personnes célibataires, personnes plus
âgées, couples non mariés, couples de même sexe notamment – d’y mener ou d’y
concrétiser un projet d’adoption. Enfin, concernant votre question relative au
contrat de gestion de l’ONE, celui-ci prévoit qu’en 2021, l’office contribue à
l’évaluation de la nouvelle réglementation menée sous l’égide de la Direction
de l’adoption et analyse le statut de l’enfant en attente d’adoption en vue de
veiller à ce que les autorités, et non plus les parents de naissance,
déterminent le projet de vie de l’enfant.
Réplique
de Sabine ROBERTY
Je
vous remercie pour ces réponses particulièrement claires et précises, Madame la
Ministre. Je n’hésiterai pas à interroger la ministre Glatigny pour éclaircir
cette question sous l’angle de l’Aide à la jeunesse. J’appuie évidemment votre
volonté d’entreprendre une démarche de communication dans ce domaine puisque ma
question évoquait la nécessité d’une sensibilisation poussée pour lutter contre
les préjugés à l’égard des couples homoparentaux. Nous sommes tous d’accord sur
le caractère fondamental de cette sensibilisation qui apporterait plus de
clarté dans les débats. De manière générale, il me semble plus qu’urgent de
faire évoluer nos représentations rétrogrades homophobes et sexistes en cette
matière
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