Question
orale du 14 septembre 2021 de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD,
vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la
Culture, des Médias et des Droits des femmes
Au
mois d’août a eu lieu, comme chaque année, la semaine mondiale de l’allaitement
maternel. Le thème de l’édition 2021 était « Protéger l’allaitement ; une
responsabilité partagée ». Celui-ci nous rappelle évidemment des événements
survenus il y a peu : une jeune maman bordelaise a reçu une gifle pour avoir
osé allaiter son bébé en public. Pourtant, depuis longtemps déjà, les pouvoirs
publics encouragent l’allaitement maternel parce qu’il présente de nombreux
avantages et demeure, entre autres, un moyen de lutte efficace contre la
malnutrition infantile. Ces politiques semblent fonctionner puisque le taux
d’allaitement maternel a progressé de 50 % dans le monde au cours des quatre
dernières décennies. Madame la Ministre, dispose-t-on de chiffres relatifs à
l’allaitement maternel pour notre territoire ? Il semble cependant que, de
manière globale, les services de soutien à l’allaitement aient été perturbés
par la pandémie. Sommes-nous concernés en Fédération Wallonie-Bruxelles ? En
outre, plusieurs pays ont indiqué que les fabricants de substituts au lait
maternel aggravaient la situation en invoquant le risque de transmission de la
Covid-19 par l’allaitement. Le constat est-il similaire chez nous ? Cette
année, protéger l’allaitement est un objectif. Pour y parvenir, il semble plus
que jamais nécessaire de créer des environnements propices à l’allaitement, à
tous points de vue et partout où cela est possible. À ce titre, il faut
d’ailleurs mentionner la création, il y a peu, d’un banc d’allaitement à
Courtrai. Cette initiative innovante permet aux femmes allaitantes de se
réapproprier l’espace public. Madame la Ministre, au regard de vos compétences
en matière d’Enfance, de Droits des femmes et des Médias, pensez-vous que des
initiatives de cette nature et leur promotion puissent faire émerger d’une
image plus positive des femmes qui allaitent en public ? Comment entendez-vous
réagir pour changer le regard négatif que certains portent sur les femmes qui
allaitent dans l’espace public ? Comment l’Office de la naissance et de
l’enfance (ONE) soutient-il et accompagne-t-il les mères qui souhaitent allaiter
? À n’en pas douter, toutes les futures mamans ne souhaitent pas allaiter et
toutes, sans exception, devraient être entendues, comprises et respectées dans
leur choix. Malheureusement, beaucoup sont encore culpabilisées lorsqu’elles ne
souhaitent pas allaiter. Certaines aussi rencontrent des difficultés pour y
parvenir et ne sont pas soutenues. Selon le mythe de la mère idéale, toutes les
mères devraient allaiter de manière naturelle et instinctive. Dans les faits,
on sait que cela ne fonctionne pas aussi facilement. La bienveillance est donc
absolument essentielle. À ce titre, comment l’ONE soutient-il les mères qui ne
souhaitent pas allaiter ?
Réponse
de Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance,
de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes.
Le
taux d’allaitement maternel a progressé de 50 % dans le monde au cours des
quatre dernières décennies. L’ONE récolte aujourd’hui des données relatives à
l’allaitement maternel dans sa banque de données médico-sociales (BDMS). Ces
données sont obtenues à différents moments : à la naissance de l’enfant et lors
des bilans de santé réalisés lorsqu’il a 9, 18 et 30 mois. L’augmentation du
taux d’allaitement maternel observé ces dernières années semble être le fruit
de l’investissement et de la sensibilisation menés par les professionnels de la
santé. À titre d’exemple, en 1994, 67,5 % des enfants étaient mis au sein. Ce
taux n’a cessé d’augmenter depuis lors, pour atteindre 85,4 % en 2020. De plus,
le taux d’allaitement maternel exclusif à la sortie de la maternité était de 68
% en 1994, contre 80,6 % en 2020. Cependant, il est difficile de constater une
influence quelconque de la Covid-19 sur la pratique de l’allaitement. Si le
nombre d’enfants vus à la maternité n’a pas diminué entre 2019 et 2020, le
nombre d’enfants suivis en consultation a, quant à lui, diminué presque de
moitié. Il est donc difficile d’interpréter les chiffres. Nous avons besoin de
plus de recul pour constater les tendances des prochaines années. Il est cependant
évident que les efforts consentis pour la promotion de l’allaitement doivent
être poursuivis. Concernant votre question sur la communication des fabricants
de lait maternel, je ne dispose actuellement pas de données objectives pour y
répondre. La visibilité des femmes allaitantes dans les lieux publics,
l’entourage ou les médias, participe à la prise en considération de
l’allaitement comme une pratique normale et naturelle. C’est évidemment un axe
important pour la promotion de santé. L’ONE contribue également à renforcer ce
message. Quant à la mise à disposition de bancs d’allaitement dans l’espace
public, l’initiative est tout à fait louable. Elle aide à remettre en question
l’hypersexualisation du corps des femmes tout en remettant les femmes au centre
de l’espace public. L’utilisation de l’espace public est déterminée par des
normes de genre, généralement en faveur des hommes. Cela induit une inégalité
d’accès et d’utilisation de l’espace par les femmes. Pour cette raison,
j’encourage les initiatives comme celle-là. L’allaitement constitue un
programme de santé prioritaire de l’ONE et plusieurs mesures ont été prises :
la formation continue et l’information des professionnels de la santé ; la
création d’outils de sensibilisation à l’attention des professionnels de
terrain et des familles ; le dispositif de référents en allaitement maternel
pour les professionnels des consultations ; la création de coins dédiés à
l’allaitement dans toutes les consultations pour enfants. Cette dernière mesure
est également encouragée dans les milieux d’accueil. D’ailleurs, la nouvelle
crèche Hocheporte à Liège, que j’ai visitée hier, a eu la très bonne idée de
créer un coin d’allaitement très confortable pour les mamans. L’ONE entretient
également des collaborations avec le Comité fédéral de l’allaitement maternel
(CFAM), Infor-Allaitement ASBL et La Leche League pour assurer la cohérence des
messages transmis aux familles. Évidemment, l’allaitement maternel est avant
tout un choix personnel. Il m’importe de rappeler que le personnel de l’ONE
soutient avec bienveillance toutes les mères, quel que soit leur choix. Les
mères qui ne souhaitent pas ou qui ne peuvent pas allaiter reçoivent les
conseils qui leur permettent de couvrir adéquatement les besoins nutritionnels
de leur bébé. Les professionnels des consultations reçoivent à ce titre une
formation sur les laits infantiles, afin de conseiller au mieux les familles.
Réplique
de Sabine ROBERTY
Madame
la Ministre, toute personne qui soutient l’allaitement ne peut que se réjouir
de l’augmentation constante des taux d’allaitement maternel. Votre réponse sur
les femmes qui ne souhaitent pas allaiter me satisfait également amplement. Il
s’agit d’un choix de vie tout à fait personnel que nous devons reconnaître.
Pour ce qui est des fabricants de lait en poudre, il est vrai que nous ne
possédons pas encore le recul nécessaire pour faire des statistiques sur une
éventuelle incidence. Peut-être en saurons-nous davantage d’ici quelques
années. J’espère que nous allons dupliquer les initiatives relatives à
l’allaitement en public, comme le banc d’allaitement créé à Courtrai dans
d’autres villes de Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, afin de
changer le regard des hommes et des femmes sur les mères qui allaitent. Ces initiatives
permettent aussi aux femmes de se réapproprier leur corps en assumant le fait
d’allaiter en public, sans y voir quoi que ce soit de malsain ou de laid. Il
est essentiel de soutenir ces initiatives. Si je souhaitais aborder cette
question avec vous, Madame la Ministre, c’est parce que vous êtes également
chargée des médias. Or, la manière dont certains s’expriment sur le sujet dans
la presse et sur les réseaux sociaux est très problématique. Tout part
tellement vite en vrille ! Il convient d’utiliser les mots justes dans les
médias et sur les réseaux sociaux, sans faire de jugement. Il faut accepter
aussi bien qu’une femme allaite en public ou qu’elle n’allaite pas du tout.
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