Question
orale du 28 septembre 2021 de Sabine ROBERTY à Bénédicte LINARD,
vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la
Culture, des Médias et des Droits des femmes
Très
peu connu par certains et même irréel pour d’autres, le déni de grossesse est
pourtant une réalité qui touche entre 400 et 500 femmes chaque année sur une
moyenne de 120 000 naissances. Loin d’être une dissimulation volontaire, il
s’agit d’un processus inconscient par lequel la mère invisibilise sa grossesse
à son insu. Aucun signe externe de grossesse, tel que le ventre arrondi ou les
autres symptômes de grossesse, n’est apparent. Ainsi, certaines femmes
découvrent qu’elles attendent un enfant parfois au début de leur grossesse,
parfois au bout de plusieurs mois et, lorsque vient brutalement le jour de la
révélation, les symptômes de la grossesse apparaissent soudainement. Du jour au
lendemain, elles se retrouvent avec le ventre d’une femme enceinte de 5 ou 6
mois ou, lorsque le déni est total, elles le découvrent même au moment du
déclenchement du travail. Il s’agit réellement d’un choc psychologique pour les
femmes concernées, qui se sentent en plus trahies par leur corps et se
retrouvent souvent envahies d’un sentiment de culpabilité. Alors qu’une prise
en charge spécifique est essentielle dans une telle situation, les témoignages
de spécialistes du terrain affirment qu’elle est encore peu présente, notamment
parce qu’il existe une remise en cause pourtant infondée du déni de grossesse.
Déjà choquées par cet événement, les futures mamans se retrouvent donc souvent
suspectées de manipulation ou de dissimulation, ce qui rend indéniablement la
qualité de leur prise en charge et de celle de leur enfant moins bonne. Le déni
de grossesse concerne toutes les femmes, quels que soient leur milieu social,
leur niveau intellectuel, leur âge, le fait qu’elles soient primipares ou non,
etc. Face au désarroi qui frappe les femmes vivant un déni de grossesse et à la
nécessité d’une prise en charge optimale de leur enfant, il est essentiel de
les soutenir. Madame la Ministre, pourriez-vous nous expliquer si un soutien,
notamment psychologique, existe pour ces femmes de la part de l’Office de la
naissance et de l’enfance (ONE) ? Le cas échéant, pourriez-vous nous donner
plus de détails à ce sujet ? L’ONE sensibilise-t-il les familles au sujet de ce
processus qui touche trois naissances sur mille chaque année ? Le déni de
grossesse touche également beaucoup d’adolescentes. À ce titre, pourriez-vous
nous préciser si une sensibilisation ou une prise en charge spécifique existe
par le biais des services de promotion de la santé à l’école (PSE) ?
Réponse
de Bénédicte LINARD, vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance,
de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des femmes.
Madame
la Députée, je partage votre préoccupation selon laquelle il faut soutenir les
femmes concernées par un déni de grossesse, ainsi que leur entourage. La nature
même du déni ne permet cependant que très difficilement de prévenir ce genre de
situation qui est, par nature, difficilement détectable et dont les
professionnels n’ont, la plupart du temps, pas connaissance. Une prévention de
base alimentée par des actions de sensibilisation des jeunes à la parentalité,
à l’éducation sexuelle, au suivi équilibré de la grossesse, de l’accouchement
et du post-partum, permet néanmoins de réduire les risques de telles
situations. S’il n’y a pas, actuellement, de sensibilisation ou une prise en
charge spécifique par les services PSE des dénis de grossesse, ces services
sont un des prestataires d’animations d’éducation à la vie relationnelle,
affective et sexuelle dans les écoles (EVRAS), et les bilans de santé
périodiques constituent une occasion de rencontres et d’échanges avec les
élèves, échanges au cours desquels ce sujet peut bien entendu être abordé. À
cet égard, le Plan « Droits des femmes » prévoit, dans le cadre des animations
EVRAS en milieu scolaire, des interventions des centres PMS. En outre, dans le
cadre de la PSE, un renforcement de l’information objective et systématique des
jeunes filles et des femmes quant à leurs droits, leurs choix et leurs
possibilités de disposer de leur propre corps, est à l’ordre du jour. Une
action de prévention basée, dès le plus jeune âge, sur un encadrement
psycho-médico-social de qualité, caractérise la promotion du soutien à la
parentalité prônée par l’ONE. C’est également le cas de la surveillance
périnatale. Les actions menées par l’ONE dans le cadre du suivi périnatal
visent une préparation à la grossesse et à l’accouchement, en portant une
attention particulière aux situations de vulnérabilité. Si les travailleurs de
l’ONE sont informés d’un déni de grossesse, ils proposent un suivi
psychologique et social, en collaboration avec la famille et ses partenaires de
terrain. De plus, pour toute femme ayant déjà vécu un déni de grossesse, un
suivi obstétrical régulier par un professionnel de proximité est recommandé.
Comme vous pouvez le percevoir, la question de la formation des professionnels
de première ligne est ici centrale. Le Plan « Droits des femmes » prévoit, dans
le cadre de la lutte contre les violences obstétricales et gynécologiques,
l’amélioration de la formation du personnel des consultations prénatales et des
services d’accompagnement périnataux, par le biais du programme de formation
continue de l’ONE, mais sans toutefois spécifiquement cibler les situations de
déni de grossesse.
Réplique
de Sabine ROBERTY
Prévenir
ce genre de situation est en effet presque impossible. Cela étant, au travers
de l’EVRAS ou des consultations de l’ONE, plus particulièrement avec les
jeunes, il faudrait communiquer sur le fait que ces femmes ne mentent pas. Le
«déni de grossesse» est une expression plutôt mal choisie par le monde médical
pour exprimer le vécu de ces femmes qui portent un bébé. Le fait d’en parler et
d’informer est déjà important, car cela permet de démystifier cette
problématique. Madame la Ministre, vous évoquez le fait que la formation des
professionnels de première ligne est centrale en la matière. Cette
problématique doit s’inscrire dans la cadre d’une formation continuée, laquelle
doit aller au-delà de cette situation spécifique.
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