À cet égard, l’incidence négative des
réseaux sociaux sur des jeunes en pleine construction n’est plus à prouver.
Anorexie ou encore dysmorphophobie, les troubles liés à l’image sont courants.
La dysmorphophobie, pour ne citer qu’un exemple, concernerait une personne sur
cinquante et serait en constante augmentation.
En 2017, une étude britannique, menée
par la Royal Society for Public Health (RSPH) et le Young Health Movement (YHM),
l’avait d’ailleurs mis en évidence. Instagram, majoritairement consacré au
partage d’images, serait le plus nocif. Sur 1 500 Britanniques de 14 à 24 ans
interrogés, la moitié dit que Facebook et Instagram exacerbent leur sentiment
d’anxiété et sept personnes sur dix affir[1]ment qu’ils
contribuent à leur donner une mauvaise image de leur corps. En conséquence, la
RSPH avait notamment recommandé de repérer les photos retouchées. C’est dans ce
sens et dans le même esprit que la Norvège a légiféré en la matière. En cas de
non-respect de ces dispositions, les contrevenants risqueraient une amende.
Madame la Ministre, que pensez-vous
des mesures adoptées par la Norvège ? De telles dispositions pourraient-elles
être instaurées par la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Je sais bien évidemment
que la protection des consommateurs ne dépend pas de vos compétences, mais je
vous interroge ici en votre qualité de ministre des Médias.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel
(CSA) avait par ailleurs rédigé une note d’orientation relative à la lutte
contre les contenus illicites sur internet, dont sont particulièrement victimes
les jeunes. Selon le CSA, l’autorégulation et le cadre juridique qui existent
actuellement à cet égard sont insuffisants pour répondre efficacement à cette
problématique. Or, si les photos retouchées ne sont pas des contenus illicites
à proprement parler, elles n’en demeurent pas moins néfastes pour les jeunes.
Qu’en pensez-vous ? Quelle est votre marge de manœuvre à ce sujet ?
Enfin, notre Parlement a adopté, le 6
novembre 2013, la proposition de résolution visant à mieux prévenir et
combattre l’anorexie mentale. Il y était notamment question de renforcer la
lutte contre l’incitation à la maigreur lors de la diffusion d’images à
caractère commercial, de continuer une concertation et une collaboration
optimale «avec les représentants de l’industrie de la mode belge, les
représentants de concours de beauté, les représentants des médias et les publicitaires»
quant au «code de bonne conduite destiné à lutter contre l’anorexie mentale
chez les top-modèles, les participants à des concours de beauté», mais aussi
«d’imposer une signalétique “image retouchée afin d’amincir tout ou partie du
corps”» et même «d’examiner la faisabilité d’une interdiction des images
corporelles retouchées pour amincir le corps». Cette résolution a-t-elle été
suivie d’effet ? Comment avez-vous prévu de l’appliquer en vertu de vos
compétences croisées de ministre des Droits des femmes et des Médias ?
Réponse de Bénédicte LINARD,
vice-présidente du gouvernement et ministre de l’Enfance, de la Santé, de la
Culture, des Médias et des Droits des femmes.
Le baromètre de la communication
commerciale dans les services télévisuels actifs en Fédération
Wallonie-Bruxelles, réalisé par le CSA en 2017, a abordé en son temps la
question de la représentation des corps féminins et masculins. S’agissant de la
morphologie des personnages, une large majorité des intervenantes et
intervenants, soit 98,65 % d’entre eux, se classent dans des morphologies dites
moyennes, de tendance mince à plus forte. Toutefois, nous observons une nette
surreprésentation des personnes à tendance mince: 92,11 % d’entre elles ont
ainsi été encodées dans cette catégorie. Plus précisément, 93,27 % des femmes
ont été catégorisées comme minces, soit 762 sur 817, et 91,03 % des
intervenants masculins, soit 802 sur 881.
Néanmoins, la question de la
représentation des corps et des possibles altérations d’images dépasse
évidemment largement le cadre des médias audiovisuels. C’est pourquoi
l’obligation d’indiquer la mention «photo retouchée» sur les clichés qui le
sont est reprise dans le Plan «Droits des femmes» que j’ai défendu dès mon
arrivée en tant que ministre. J’ai également veillé à ce que la thématique des
publicités sexistes et hypersexualisées, qui ont un impact sur les
représentations que se créent les internautes – notamment les plus jeunes –,
soit inscrite dans le décret du 4 février 2021 relatif aux services de médias
audiovisuels et aux services de partage de vidéos. Conformément à ce décret,
j’ai ensuite saisi le Collège d’avis du CSA afin qu’il rédige un code de conduite
à ce sujet. D’après mes informations, il devrait l’élaborer au début de 2022.
Ce n’est évidemment qu’une première
étape, et je compte continuer le travail vers plus de réalisme des contenus
publicitaires et de protection des publics. Comme vous l’avez souligné, Madame
la Députée, tout n’est pas entre mes mains, et j’examinerai dans les prochains
mois comment avancer avec les autres ministres compétents.
Réplique
de Sabine ROBERTY
Je
note qu’un code de conduite rédigé par le CSA verra déjà le jour en 2022. Il
s’agit d’une très bonne nouvelle qui me donnera à nouveau l’occasion d’aborder
cette thématique qui m’est chère. Je tenais également à mettre en lumière
d’autres initiatives positives déjà existantes, comme la campagne
«#MontrezNous», qui entend montrer les femmes telles qu’elles sont, les
hashtags #objectifbikinifermetagueule et #skinpositivity, sans oublier la
campagne «Je poste, donc je suis?!» de la Fédération des centres de planning
familial (FPS) lancée en juillet dernier et qui propose un jeu de cartes
interactif comme autre outil pédagogique qui permet d’exprimer son point de
vue, de faire réfléchir et de débattre à propos de l’hypersexualisation et des
normes de beauté sur les réseaux sociaux.
Photo
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