Et aujourd’hui, bien qu’une loi existe contre le sexisme dans l’espace public, l’on constate que très peu de victimes poussent la porte d’un commissariat pour porter plainte. Comment mieux sensibiliser ?
Question orale du 16/06/2020 de Sabine ROBERTY à Christie MORREALE, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des femmes
« Vous vous êtes comportés comme des animaux. Mais bordel, quand serons-nous tranquilles ? ».
Madame la Ministre, chers collègues, c’est en ces mots que Laura, étudiante à Liège, victime de harcèlement de rue, a dénoncé des comportements inappropriés sur les réseaux sociaux, il y a quelques jours. Son témoignage a été grandement partagé et a suscité de nombreux commentaires. Ce qui démontre une nouvelle fois le caractère prégnant de cette problématique dont les femmes sont les victimes quotidiennes. Car oui, pas un jour, pas une semaine, on ne découvre des témoignages de filles, de femmes, sur les réseaux sociaux, suite à des coups de klaxon, de sifflements, des regards qui déshabillent, des gestes déplacés, qui évidemment ne sont pas des compliments.
Et aujourd’hui, bien qu’une loi existe contre le sexisme dans l’espace public, l’on constate que très peu de victimes poussent la porte d’un commissariat pour porter plainte. On a tendance à se dire que ce n’est pas grave, qu’il suffit de ne pas faire attention, que l’on ne nous a finalement pas blessées physiquement.
Outre l’aspect légal, il est donc fondamental de sensibiliser. Sensibiliser pour que, comme le dit très justement Laura : « Aucune fille ne dise encore « Ce n’est pas grave » ». En janvier dernier, vous annonciez par ailleurs, en collaboration avec votre collègue en charge de la Mobilité, un renforcement de la lutte contre le harcèlement dans les transports en commun.
Si nous comprenons que l’actualité a perturbé les agendas, pouvez-vous nous revenir sur l’évolution de ce dossier ? Disposez-vous de plus amples informations sur les modalités qui encadreront les futures campagnes de sensibilisation ? Enfin, cette problématique du harcèlement dans l’espace public a-t-elle été abordée au cours de la Conférence interministérielle du 8 mai dernier ? Sinon, est-il prévu de la mettre à l’ordre du jour d’une future réunion ?
Réponde de Christie MORREALE, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des femmes
Madame la Députée, j’ai été tout particulièrement attentive parce que je considère aussi – et je l’ai dénoncé un certain nombre de fois – que l’accès à l’espace public était genré et que très souvent, et pendant fort longtemps, on a considéré que le harcèlement dans l’espace public était quelque chose de futile alors que, aujourd’hui, il y a des tas de femmes qui choisissent des phénomènes de déplacements, qui n’utilisent pas l’espace public parce qu’elles ne s’y sentent pas en sécurité. On a sorti cela du tabou, comme la violence conjugale, il y a 20 ans. Maintenant, il faut faire en sorte que plus personne n’accepte ce type de situation, en ce compris les témoins. Souvent dans les transports en commun, cela a été le cas ; si tous les témoins s’insurgent quand l’on est confronté à des situations de harcèlement, je pense qu’il y aurait un vrai basculement.
En attendant, le pouvoir public doit jouer son rôle. En 2019, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, qui est un organisme chargé notamment de traiter les plaintes à propos de la discrimination fondée sur le genre, a vu les signalements relatifs au sexisme tripler par rapport à 2018.
Soixante-huit pour cent de tous les signalements concernent des faits relatifs à l’espace public, qui se sont produits sur Internet, à la radio, à la télévision ou dans des lieux publics.
Si la prise de conscience qu’il ne faut pas banaliser de tels faits est croissante, le défi est encore important pour véritablement toucher l’ensemble de la population, pour inciter à signaler les faits et, le cas échéant, à déposer plainte.
La loi fédérale du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme a un problème de mise en œuvre. Elle reste symbolique. De ce point de vue là, c’est bien, mais on sait aussi qu’elle montre ses limites, notamment en raison du fait que la charge de la preuve qui incombe à la victime est extrêmement difficile à apporter. Il est important, je crois, que cette loi soit évaluée. La prochaine CIM Droits des femmes, qui aura lieu le 26 juin prochain, devrait acter la mise en place de ce chantier. En effet, dans le cadre des échanges préparatoires, tout comme d’autres entités, j’ai veillé à ce que cette question soit inscrite à l’agenda des travaux.
Toutefois, la répression n’est certainement pas l’unique voie pour lutter contre le sexisme. La prévention, c’est la base, c’est l’enjeu majeur. C’est un travail qui en même temps est le plus compliqué, c’est un travail de longue haleine. Le Plan intra-francophone de lutte contre les violences sexistes et intrafamiliales, qui devrait voir le jour dans le courant du dernier trimestre 2020, contiendra un volet important en la matière avec notamment des mesures visant la généralisation de l’EVRAS.
Parmi les actions plus spécifiques, il me semble essentiel de mettre en œuvre la résolution du Parlement wallon du 28 février 2018 relative au phénomène de harcèlement dans les transports en commun, qui a fait l’objet d’un travail collaboratif entre de nombreuses députées.
La campagne annoncée en début d’année avec mon collègue Phillipe Henry pour lutter contre le sexisme dans les transports en commun est évidemment toujours d’actualité. Il est vrai que le processus a été ralenti en raison du contexte. Toutefois, celle-ci devrait voir le jour dans le courant du dernier trimestre de cette année.
Pour rappel, cette campagne entend faire évoluer les mentalités, de manière à remettre au centre des échanges entre les hommes et les femmes les notions de respect et d’égalité. Elle devra aussi permettre aux victimes d’en référer à un service de soutien en cas d’agression.
D’une certaine manière, c’était une des mesures de cette résolution qui avait été votée à l’unanimité au Parlement wallon en 2018, qui n’avait malheureusement pas encore été suivie de faits ; ce sera le cas dans le cours de cette année.
Réplique de Sabine ROBERTY
Merci pour toutes ces réponses qui témoignent de l’intérêt que vous portez, que vous avez toujours porté de toute façon à cette thématique.
Vous l’avez dit, la porte d’entrée pour avancer et pour travailler dans sur cette problématique, c’est la prévention. Je pense aussi que c’est à coups de prévention et de sensibilisation que l’on pourra peut-être un jour en arriver au bout.
Je n’hésiterai pas à revenir, d’autant plus que maintenant on a une date pour une prochaine CIM, vivement votre rendez-vous du 26 juin. En tout cas, il faut faire tout ce qui est de notre ressort pour que ce sexisme ne devienne pas du sexisme ordinaire, j’ai envie de dire