Une enquête de Solidaris met en avant un problème dans la gestion des médicaments pour les résidents des maisons de repos. Quelles sont les pistes afin de lutter contre cette surmédication dans les structures d’hébergement pour nos aînés ?
Question orale de Sabine ROBERTY à Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes sur la surmédication au sein des maisons de repos.
Madame la Ministre, Solidaris vient de publier une enquête relative à la prise de médicaments par la population belge.
Cette étude montre que 53,9 % des Belges estiment prendre trop de médicaments. Toutefois, les professionnels de la santé interrogés, en parallèle de cette enquête, disent être parfois confrontés à des patients ne voulant pas quitter leur cabinet sans une prescription médicale.
Par ailleurs, l’enquête met également en avant un problème dans la gestion des médicaments pour les résidents des maisons de repos, que l’on peut davantage qualifier de « mésusage » que de surmédication.
Le service d’études de Solidaris pointe, parmi les causes de cette utilisation trop grande des médicaments, une culture pour le « curatif » au lieu « du préventif » dans notre société.
Dans la Déclaration de politique régionale, le Gouvernement s’engage à encourager les maisons de repos et les maisons de repos et de soins à un usage rationnel des médicaments, afin d’éviter la surmédication.
Par ailleurs, le Gouvernement est également en charge d’implémenter le Plan wallon de prévention et de promotion de la santé.
Quelles sont les pistes qui seront privilégiées, afin de lutter contre cette surmédication dans les structures d’hébergement pour nos aînés ?
D’autres institutions de soins ou d’hébergement, comme les structures qui accueillent des personnes avec un handicap, seront-elles sensibilisées ?
Des pistes d’action ont-elles été proposées dans le rapport servant de base au Plan wallon de prévention et de promotion de la Santé ?
Réponse de Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes
Madame la Députée, effectivement, il faut peut-être que l’on réexplique la différence en termes de compétences, dire ce qui relève du Fédéral et puis les leviers dont on dispose à la Région.
La politique pharmaceutique et l’art de guérir, y compris dans les maisons de repos, sont des compétences exclusives du Fédéral. Dans ce cadre, le Fédéral a lancé différentes campagnes de sensibilisation, entre autres, pour réduire la consommation de somnifères et de calmants et aider les prestataires de soins à guider leurs patients vers une approche, à long terme, des troubles du sommeil, de l’anxiété et du stress.
Différents outils ont été développés pour les professionnels de la santé : une plateforme d’aide en ligne, des formations, du matériel de sensibilisation avec des fiches pratiques, avec des directives pour les médecins, des affiches et des brochures pour les salles d’attente ou la pharmacie.
Le Gouvernement wallon a également la volonté d’encourager un usage rationnel des médicaments en maison de repos, afin d’éviter la surmédication. Comme vous l’évoquez, différentes pistes doivent être investiguées et, pour certaines, sont déjà développées par nos établissements pour aînés.
La question relative à la sensibilisation à la surmédication est traitée de la même manière par la Direction de l’audit et de l’inspection de l’AViQ, qu’il s’agisse des structures d’hébergement pour les aînés ou de celles destinées aux personnes en situation de handicap.
L’Agence a à cœur de sensibiliser tant le personnel soignant que les gestionnaires d’établissements sur ces questions. Un inspecteur-pharmacien de l’AViQ intervient pour cela dans tous les établissements d’hébergement, afin de sensibiliser les gestionnaires sur l’importance d’une organisation optimale du circuit des médicaments. Si ce sont bien les médecins généralistes qui sont en première ligne pour inverser la tendance, le rôle des médecins coordinateurs et conseillers en maisons de repos et de soins est primordial.
La réglementation précise leur rôle tant en termes d’organisation de la concertation pluridisciplinaire avec les médecins traitants qu’en termes de relations à établir avec les médecins traitants et les cercles de médecins généralistes au niveau local mais également en termes d’organisation d’activités, de formation dans le domaine des soins de santé aussi pour les médecins traitants.
Ils ont donc un rôle de concertation avec le médecin généraliste mais aussi avec le pharmacien, qui est un maillon essentiel de la chaîne de la concertation pluridisciplinaire.
Cependant, des retours du terrain – et j’imagine que vos sources viennent aussi de là – il revient que, malgré les efforts de concertation des médecins coordinateurs, les médecins généralistes sont peu présents lors de ces concertations pluridisciplinaires.
Des pistes d’action possibles sont sans doute à trouver avec la Société scientifique de médecine générale, l’Association francophone des médecins coordinateurs, les pharmaciens et les cercles de médecine générale actifs au niveau local.
On peut également affirmer qu’en maison de repos, les pratiques non médicamenteuses, à destination des aînés les plus fragiles, reconnues et valorisées, favorisent leur bien-être physique, psychologique et social.
Le personnel de réactivation, qui est obligatoire en MRS – par exemple, les psychologues – pose, dans ce cadre, des actes qui sont dans le registre du care et non du cure et proposent ainsi des activités porteuses de sens.
Ces méthodes sont de plus en plus nombreuses et spécifiques au public ou à la pathologie visés. Citons à titre illustratif : la méthode Montessori, la validation, la musicothérapie, l’humanitude, le snoezelen, la zoothérapie, et cetera. Ces méthodes ne remplaceront évidemment pas définitivement la prise de médicaments et il convient de se les approprier avec prudence mais elles peuvent se révéler être un outil intéressant, voire complémentaire.
Quant au Plan wallon de prévention et de promotion de la santé Horizon 2030, le WAPPS, il s’agit d’une vision stratégique, au sens large, guidant les actions en matière de prévention et de promotion de la santé au niveau des usagers et patients, nos concitoyens wallons.
Il s’agit donc de prévention primaire, secondaire et tertiaire. Or, la prévention de la surmédication relève de la prévention quaternaire.
Il faudrait donc agir au niveau de la formation des professionnels de soins de santé, en particulier des médecins généralistes, afin de renforcer leur approche gériatrique de la pharmacologie en maisons de repos ou en dehors.
La formation des PSS relève des compétences fédérales.
Cependant, notons tout de même que, dans le WAPPS, la nécessité de faire le lien avec d’autres plans actuels et futurs, nationaux ou régionaux, traitant de questions plus spécifiques est soulignée, dans une optique de santé, dans toutes les politiques, comme cela est recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.
Réplique de Sabine Roberty
Je vous remercie, Madame la Ministre, pour vos éléments de réponse. Effectivement, on ne soupçonne pas vraiment les risques de la surmédication mais ils existent bel et bien : chutes, allergies, addiction, sevrage, hospitalisation, parfois très longue, d’autant plus que plus on vieillit, pire c’est ; les capacités d’épuration diminuent au niveau du foie.
C’est un sujet particulièrement interpellant et je me réjouis d’avoir entendu certains mots, comme « formation », « concertation », dans vos réponses, qui sont de nature à m’apaiser.