L’Appel de Lyon ? Une pétition qui vise à promouvoir une société du logement abordable et de qualité et appelle la future Commission européenne et le Parlement européen à adopter un plan d’action pour soutenir le logement social et abordable.
Question orale de Sabine ROBERTY à Pierre-Yves DERMAGNE, Ministre des pouvoirs locaux et du logement
Monsieur le Ministre, il y a deux semaines, Herstal devenait la toute première ville wallonne à adhérer à l’appel de Lyon. La Ville de Seraing, ma ville, la signait la semaine dernière. Concrètement, cet appel de Lyon vise à promouvoir une société du logement abordable et de qualité et appelle la future Commission européenne et le Parlement européen à adopter un plan d’action pour soutenir le logement social et abordable.
Le texte invite également à débattre de cinq propositions :
- Placer la question du logement social et abordable au cœur des priorités de l’agenda urbain de l’Union européenne
- Faire du logement un « investissement protégé d’avenir », en excluant les investissements en logement social du Pacte de stabilité
- Mettre en œuvre de façon effective le volet européen, je cite : « Logement et aide aux sans-abri » ;
- Conforter le cadre juridique européen pour le logement social et abordable ;
- Créer un fonds européen d’investissement dédié au logement « abordable ».
Des propositions concrètes mais, surtout, une portée symbolique qui tend à remettre la question du logement au cœur de l’agenda politique européen. Nous le savons, l’accès au logement est un enjeu majeur et nous nous devons d’apporter de nouvelles réponses pour relever ce défi. Cet appel de Lyon apporte un nouveau coup de projecteur sur la problématique mais vise aussi à fédérer les acteurs et les niveaux de pouvoir.
Monsieur le Ministre, la question de l’accès au logement occupe une place considérable dans la Déclaration de politique régionale et nous savons toute l’importance que vous y accordez.
Voici donc mes questions. Avez-vous pu prendre connaissance de ce texte ? Quelle est votre position par rapport à celui-ci ? Que pensez-vous des propositions développées dans la pétition ? Enfin, quel rôle pensez-vous que l’Union européenne doit jouer face à la crise du logement que nous connaissons ?
Réponse de Pierre-Yves DERMAGNE, Ministre des pouvoirs locaux et du logement
Madame et Monsieur les députés, comme vous l’avez rappelé, « l’appel de Lyon » est intervenu lors de la séance d’ouverture du Festival international du logement social qui s’est déroulé à Lyon du 4 au 8 juin derniers. Les organisateurs de ce festival, soit l’Union sociale pour l’habitat, Housing Europe, la Métropole de Lyon et AURA-HLM, ont en effet décidé de lancer un appel à l’Union européenne en faveur d’un plan d’action sur le logement abordable 2019-2024.
J’ai pris connaissance du texte, bien entendu, et je souscris pleinement aux propositions qu’il contient. Je salue d’ailleurs les démarches entreprises par les communes de Herstal et de Seraing, qui vont en ce sens dans la signature de cet « appel de Lyon ».
Comme vous le savez, l’Europe a longtemps considéré que le logement était une compétence exclusive des États et, par conséquent, ne s’est jamais véritablement investie dans cette question. Le manque de logements abordables est néanmoins devenu une problématique sociale européenne et internationale, tel que les autorités de l’Union ne peuvent plus l’ignorer, aujourd’hui, et ce, d’autant plus qu’elles soutiennent des politiques visant à réinsérer les sans-abri ou encore à réduire la pauvreté infantile.
On constate donc une évolution positive. Ainsi, en 2017, le logement et l’aide aux sans-abri ont été intégrés au socle des droits sociaux européens. Or, à partir du moment où le logement fait partie de ce qui s’apparente à des droits fondamentaux européens, il est tout à fait pertinent que des fédérations, telles que Housing Europe, dont la Société wallonne du logement et le Fonds du logement de Wallonie sont des membres actifs, vous l’avez rappelé, interpellent les autorités européennes pour lever les obstacles à la mise en œuvre efficace et effective de ce droit, voire dénoncent des contractions.
Je voudrais faire une petite incise. Housing Europe était présent, il y a une quinzaine de jours, au colloque organisé par la Société wallonne du logement sur les 100 ans de logement social en Wallonie. Il a pu présenter un état des lieux assez détaillé de la problématique à la fois en Wallonie, en Belgique, mais au-delà, dans les pays qui nous entourent et qui sont membres de l’Union européenne. Si vous pouvez prendre connaissance des actes de ce colloque, je vous invite à le faire. C’était un moment particulièrement intéressant et précis, avec toute une série de données qui permettent de nourrir notre réflexion et surtout notre action.
Pour illustrer mon propos, je prendrai trois des propositions de « l’appel de Lyon » citées dans vos questions. Tout d’abord, la demande de création d’un fonds européen d’investissement dédié au logement. Puisque l’Europe considérait le logement comme une compétence des États, les fonds européens ne le concernent jamais directement, ou en tout cas jusqu’à présent, mais plutôt via des aspects périphériques comme l’énergie, l’innovation ou encore la cohésion sociale. Le changement de cap qui est suggéré par « l’appel de Lyon » me paraît aujourd’hui indispensable et je m’en réjouis.
Autre proposition : « l’appel » invite à faire du logement un investissement protégé d’avenir. Qu’entend-on par-là ? Nous sommes dans une situation où, depuis plusieurs années, l’Europe pousse les États à investir dans le logement. Or, on le sait, ces politiques d’investissement impliquent des montants considérables. Dans le même temps, le Pacte de stabilité impose des règles budgétaires très strictes qui réduisent fortement la capacité d’emprunt et d’investissement des États. Il s’agit donc là d’une injonction qui paraît et qui est paradoxale. Il existe certes une clause appelée « clause d’investissement » dans le Pacte de stabilité qui permet de sortir certains investissements prioritaires du périmètre de l’endettement public mais ces conditions extrêmement strictes la rendent inopérante pour le moment.
J’imagine que cette question sera abordée par les négociateurs fédéraux et qu’une position claire de la Belgique sera adoptée et défendue auprès de la Commission européenne. En tout cas, je l’appelle de tous mes vœux.
Enfin, une troisième proposition demande à l’Europe de persévérer et de conforter un cadre juridique européen pour le logement social et abordable. Cette demande renvoie à l’insécurité juridique qui entoure la notion de logement social au niveau européen, puisque, comme vous le savez, le logement social est reconnu comme un service d’intérêt économique général, un SIEG, par l’Europe ; ce qui autorise notamment les États à y consacrer des aides publiques.
L’organisation des SIEG est en principe laissée à l’initiative discrétionnaire des États. Néanmoins, la Commission européenne peut intervenir lorsqu’elle constate une erreur manifeste, je cite « dans la manière dont un État a défini les contours de ce SIEG ». Le concept d’erreur manifeste n’est pas défini avec précision. Pour un SIEG comme le logement social, la Commission peut, par exemple, estimer que la politique mise en œuvre fausse la concurrence ou crée du logement pour des publics cibles qui, à ses yeux, n’en ont pas réellement besoin. Cela peut paraître tout à fait théorique mais cela a eu une conséquence tout à fait pratique sur le terrain, puisque les Pays-Bas ont été confrontés à cette intervention de la Commission et que leur modèle de logement social en a été fortement ébranlé puisque au terme d’une procédure de 16 années lors de laquelle les bailleurs sociaux néerlandais estimaient que la Commission avait interféré dans une compétence relevant des États, la Cour de justice européenne les a finalement déboutés le 15 novembre 2018.
En Wallonie, comme ailleurs, nous devons rester vigilants quant aux conséquences de cette décision et il conviendra de rester attentifs aux travaux de la future commission dans ce domaine.
Voilà, par l’exemple, trois axes autour desquels, selon moi, l’Union européenne peut agir afin d’aider les États membres à faire face à la crise du logement.
Différents points pourraient être également abordés en Comité de concertation avec nos homologues des autres Régions et du Fédéral comme la question du taux de TVA de 6 % que certains, en j’en fais partie, souhaitent voir appliquer à des prestations qui entourent la création de logements publics. Dans le contexte politique que l’on connaît actuellement, ce n’est pas quelque chose qui est aisé mais je ne doute pas – en tout cas, ma formation politique y sera attentive – que cette question soit abordée et mise sur la table des négociations au niveau du Fédéral et je ne doute pas di soutien des uns et des autres au sein de cette commission pour faire avancer cette problématique et faire en sorte que ces questions, notamment, en termes de fiscalité, relatives à la création de logements publics, soient mises en avant et soutenues au niveau du Comité de concertation et au niveau des négociations du Fédéral. Certains de l’extérieur puisque l’on a entendu les positions des uns et des autres par rapport à la formation d’un Gouvernement au niveau fédéral, mais aussi dans le cadre de celles et ceux qui voudront bien s’y investir pleinement.
Enfin, en ce qui concerne les communes wallonnes, je salue volontiers – je l’ai fait il y a quelques instants – celles qui ont décidé de signer cet appel et, pour les autres, bien entendu, je respecte l’autonomie communale mais en tout cas, je les invite à lire et à prendre connaissance de cet appel de Lyon avec intérêt et à s’engager dans la lignée qui a été tracée par les communes de Herstal et de Seraing.
Réplique de Sabine Roberty :
Je vous remercie Monsieur le Ministre, pour vos éléments de réponse. Aujourd’hui, avec cet appel de Lyon, mes questions sonnent donc comme une invitation à mettre la pression sur la future Commission européenne pour qu’elle intègre dans sa note d’orientation politique et stratégique l’exclusion du périmètre SEC du financement du logement social.
Faire du logement un investissement protégé de l’avenir, c’est aussi considérer le logement comme une condition majeure à l’épanouissement et à la dignité humaine. Rappelons que 40 000 candidatures restent encore en souffrance mais je constate tout l’intérêt de notre ministre pour cette problématique.