Le rapport d’Unia pour l’année 2019 démontre une nouvelle fois que la discrimination liée au handicap est malheureusement toujours une réalité. L’inadaptation de l’environnement de travail reste un obstacle considérable pour assurer une réelle inclusion, et les personnes en situation de handicap ont encore moins de chance que les autres de trouver un emploi.
Question orale du 30/06/2020 de Sabine Roberty à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des femmes
Madame la Ministre, le rapport d’Unia pour l’année 2019 démontre une nouvelle fois que la discrimination liée au handicap est malheureusement toujours une réalité. L’inadaptation de l’environnement de travail reste un obstacle considérable pour assurer une réelle inclusion, et les personnes en situation de handicap ont encore moins de chance que les autres de trouver un emploi.
Ainsi, les personnes en situation de handicap ont droit à des aménagements raisonnables qui prennent en compte leurs besoins pour leur permettre d’accéder à une vie professionnelle la plus autonome possible. Ces aménagements peuvent être matériels, organisationnels ou encore, par exemple, prendre la forme d’un accompagnement.
En Wallonie, en ce qui nous concerne, les aménagements matériels peuvent faire l’objet d’une intervention financière pour l’aménagement du poste. Des primes de compensation sont également possibles pour les mesures relatives à l’organisation. Cette notion est encore trop peu connue des personnes en situation de handicap elles-mêmes, mais également des employeurs qui ne sont parfois pas suffisamment informés de leurs obligations et des aides existantes.
Pouvez-vous revenir sur les mécanismes d’aides qui existent en Wallonie ?
Il semble que ces mesures souffrent encore aujourd’hui d’un problème de visibilité. Comment allez-vous, au regard des constats d’Unia, renforcer la visibilité de ces aides auprès des employeurs et des personnes avec un handicap ? Qu’en est-il des aides pour l’aménagement d’un poste de travail pour les travailleurs indépendants ? Celles-ci sont-elles mieux connues des intéressés ?
Quelles sont les mesures que vous envisagez d’implémenter pour renforcer la lutte contre la discrimination des personnes avec un handicap sur le marché de l’emploi ?
Enfin, dans son dernier rapport, Unia revient sur l’usage croissant des primes au présentéisme. Selon l’organisme, elles peuvent être discriminantes envers les personnes qui souffrent d’un handicap ou d’une mauvaise santé, car elles ne tiennent pas compte des raisons de l’absence. Quelle est votre position face à ce constat ?
Réponse de Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des femmes
Madame la Députée, le rapport d’Unia que vous évoquez démontre effectivement que la discrimination liée au handicap demeure une réalité.
Unia attribue l’augmentation des dossiers de signalements notamment en raison
– du fait qu’il y a une meilleure connaissance du centre en tant que tel et de son offre, c’est quelque chose de positif en soi ;
– une mise à disposition et une diffusion accrue d’outils dont les brochures d’information sur les aménagements raisonnables dans tous les domaines de la vie quotidienne ;
– le fait que les personnes handicapées font, et l’on peut s’en réjouir, plus systématiquement valoir leurs droits. Cela veut aussi dire que peut-être, au niveau de la prise de connaissance, la prise de conscience de l’appropriation du fait que, si je fais un parallélisme avec la question du sexisme dans l’espace public, il y a 5 ans, il y avait très peu de gens qui trouvaient cela anormal.
Je pense que la question de l’égalité dans l’espace public pour des personnes en situation de handicap semble être quelque chose qui est maintenant adopté par chacun et une prise de conscience dont on peut se féliciter.
En termes d’incitants à l’emploi de personnes en situation de handicap, le Code wallon de l’action sociale prévoit six dispositifs :
– le stage de découverte ;
– le contrat d’adaptation professionnelle ;
– la prime à l’intégration ;
– la prime au tutorat ;
– la prime de compensation ;
– l’intervention pour aménagement du poste de travail.
Des aides sont également prévues pour les travailleurs indépendants en situation de handicap, avec une prime trimestrielle, les aménagements du poste de travail ou bien encore une intervention dans les frais de déplacement entre le domicile et le siège de l’activité pour l’indépendant qui doit assumer des frais supplémentaires en raison de sa situation de handicap, toujours avec pour objectif de favoriser l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap. C’est pour cela que l’AVIQ finance, depuis plusieurs années, un projet pilote de soutien à l’emploi de « jobcoaching ».
Il va de soi qu’au-delà de ces aides spécifiques, les personnes handicapées ont accès, comme tout un chacun, à l’ensemble des dispositifs généraux d’aide à l’emploi et à la formation.
Dans le cadre d’une convention-cadre entre l’AViQ et l’IFAPME, des actions sont aussi organisées pour essayer de faciliter l’accès du public aux personnes en situation de handicap aux différents services de l’institut.
La question de la visibilité des aides auprès des employeurs et des travailleurs et l’implémentation de dispositifs pour renforcer la lutte contre la discrimination constituent une réelle priorité pour l’AViQ. Avec pour objectif d’accroître le taux d’emploi et lutter contre les discriminations, l’AViQ organise de nombreuses et régulières actions d’information et de conseil, tant auprès des personnes handicapées que des entreprises ou des opérateurs d’insertion socioprofessionnelle, via son site Internet, des bureaux régionaux, le téléphone vert, le carrefour Emploi Formation-Orientation.
L’objectif est d’essayer de donner envie aux employeurs d’engager des personnes en situation de handicap au travers de la diffusion d’expériences et de bonnes pratiques et l’organisation d’événements médiatiques comme DuoDay où au cours d’une journée, des duos travailleur ordinaire/travailleur porteur de handicap vont partager les mêmes activités, ou via des collaborations avec des opérateurs de placement, que ce soit le FOREm ou des entreprises intérimaires.
Je pourrais encore citer les 14 centres de formation et d’insertion socioprofessionnelle agréés par l’AViQ, l’emploi dans les entreprises de travail adapté et l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans la fonction publique régionale et locale. Malgré cet important panel d’aides et d’incitants que je viens de citer, nous devons admettre que le taux d’emploi des personnes handicapées n’est pas satisfaisant. L’emploi des personnes handicapées doit être une préoccupation partagée par tout le Gouvernement, par l’ensemble des intervenants. Il s’agit encore et toujours, à défaut d’une obligation d’emploi dans le secteur privé, par exemple, d’inciter les entreprises à engager et même à maintenir à l’emploi des travailleurs porteurs de handicap. Cela reste une vraie préoccupation et je pense que l’on doit continuer les efforts, trouver d’autres pistes, pouvoir le renforcer pour essayer d’atteindre un objectif qui reste vraiment insatisfaisant.
Vous évoquez l’usage croissant de primes au présentéisme et leur caractère discriminant. Je ne suis pas particulièrement favorable à cette pratique qui risque effectivement de pénaliser certains travailleurs peut-être atteints de maladies chroniques et qui ne prend pas en compte les compétences et l’efficacité des travailleurs en général. Dans ce domaine, des efforts importants doivent encore être consentis pour lutter contre l’absentéisme qui, il ne faut pas l’oublier, est aussi souvent le reflet d’une forme de malaise au sein de certaines entreprises, de malaise ou de problèmes de pénibilité également.
Il ne faut pas confondre maladie de travail et travailleur malade, dont les causes et le levier d’action sont significativement distincts. Mettre en place des plans de prévention de la charge psychosociale, le maintien du lien avec les travailleurs en incapacité ainsi que le travail en réseau en vue de leur réintégration rapide, éventuellement dans un poste adapté, me paraissent des chantiers beaucoup plus constructifs, beaucoup plus prometteurs que le recours à des primes « au présentéisme ». C’est en tout cas mon avis.
Réplique de Sabine Roberty :
Je remercie Mme la Ministre pour tous ces éléments de réponse qui nous montrent toute sa sensibilité envers ce secteur.
Pour ma réplique, j’ai envie de souligner qu’une personne porteuse d’un handicap n’est pas uniquement prisonnière de ses propres limites – et on vient de l’énoncer avec toute la multitude d’aides qui leur sont proposées –, quelles qu’elles soient, mais bien de celles que les autres lui imposent.
Je ne vais pas paraphraser Zazie ni même chanter sa chanson, mais je rêve d’un monde où il n’y aurait plus besoin de légiférer en la matière. Un monde où il n’y aurait plus de quotas, de règles, d’aides, à établir pour tendre à l’égalité de traitement et à l’égalité des chances. D’un monde où notre conscience collective nous permettrait d’avoir une vision différente du handicap – car le problème est là aussi – pour lutter de manière humaine et efficace à défendre les droits fondamentaux de tous les citoyens et de toutes les citoyennes.
Ce qui me permet de souligner une nouvelle fois que dans la lutte contre la discrimination des personnes avec un handicap sur le marché de l’emploi, nous avons encore du pain sur la planche