Plusieurs personnes plaident aujourd’hui pour l’ouverture à d’autres modes de gestion des dépouilles, comme l’humusation. Cependant, ce genre de pratiques pose d’importantes questions, notamment d’ordre sanitaire, écologique, juridique ou encore mémoriel.
Question orale de Sabine ROBERTY, députée wallonne à Pierre-Yves Dermagne, Ministre des pouvoirs locaux et du logement
Monsieur le Ministre, depuis le 15 avril dernier, avec le nouveau décret, de nouveaux matériaux ont été autorisés pour les cercueils en Wallonie.
Ainsi, le carton et l’osier peuvent maintenant être utilisés pour les inhumations en pleine terre et les crémations.
L’utilisation de ces matériaux constitue un avantage écologique et économique, mais cela a également pour vocation d’améliorer les conditions de travail des fossoyeurs. En effet, la décomposition du corps étant plus rapide, leur travail serait facilité en cas d’exhumation.
Monsieur le Ministre, depuis leur autorisation, ces matériaux sont-ils choisis par les citoyens ou le bois massif reste-t-il le plus souvent utilisé ?
D’un autre côté, plusieurs personnes plaident aujourd’hui pour l’ouverture à d’autres modes de gestion des dépouilles, comme l’humusation, par exemple.
Ainsi, en mars dernier, pas moins de 3 500 Wallons avaient signé leur acte de dernière volonté en optant pour l’humusation.
Cependant, ce genre de pratiques pose d’importantes questions, notamment d’ordre sanitaire, juridique ou encore mémoriel et elles doivent être considérées malgré tout.
Monsieur le Ministre, quelle est votre position sur cette question ?
Une réflexion plus poussée sur d’autres nouvelles techniques de gestion des dépouilles, telles que la résomation ou l’aquamation – je peux fournir quelques éléments de définition au besoin – doivent-elles selon vous être initiées ?
La décomposition du corps humain est un phénomène complexe et on ne peut pas affirmer que l’humusation soit un procédé écologique sans s’appuyer sur des conclusions scientifiques.
Une subvention a été octroyée par M. Di Antonio, alors ministre de l’Environnement, à l’Université de Louvain afin d’étudier la faisabilité de cette technique funéraire en Wallonie.
En avril dernier, il précisait que cette étude avait entamé sa seconde phase sur les quatre prévues. Savez-vous où en est cette étude ? Des conclusions préliminaires peuvent-elles être éventuellement avancées ?
Enfin, une réflexion sur les lieux capables de prendre en charge ces différentes nouvelles techniques, le personnel et les formations nécessaires pour gérer l’humusation doivent également être pris en compte. Une analyse auprès des communes est-elle envisagée ?
Réponse de Pierre-Yves Dermagne, Ministre des pouvoirs locaux et du logement
Madame et Monsieur les députés, merci de me permettre d’aborder toute une série de thèmes divers et variés au sein de cette commission, notamment la question des funérailles et sépultures, et de l’inhumation sous diverses formes. Concernant l’usage des cercueils en carton, en osier ou en tout autre matériau biodégradable, le décret n’a pas encore un an d’application. Il est un peu trop tôt pour tirer un bilan, même si, au vu de témoignages diffusés par les médias, on constate qu’un certain mouvement existe et a vu le jour pour ces pratiques nouvelles.
S’agissant des enveloppes d’ensevelissement, comme le rappelle M. Hazée, notre Parlement a adopté le décret prévoyant l’inhumation des dépouilles en pleine terre au sein de telles enveloppes, aussi appelées « cercueils souples ».
En vue de rédiger l’arrêté d’exécution de ce décret, un groupe de travail, composé d’experts régionaux, de représentants communaux et de représentants professionnels, a récemment été mis en place.
Il est chargé d’envisager l’ensemble des contraintes liées à ce mode de sépulture, tant du point de vue technique – cercueils de transport, mode de descente en terre, et cetera – que des conditions auxquelles doivent répondre ces enveloppes d’ensevelissement : être biodégradables. Par ailleurs, des contacts ont été pris avec la Région bruxelloise, concernant sa pratique à elle.
Ce groupe poursuit ses travaux et recherches afin de respecter le délai d’exécution du décret, fixé au 15 novembre 2020, au plus tard. Bien entendu, si l’on peut anticiper ce délai, tout sera mis en œuvre pour que ce soit le cas. Concernant maintenant les processus d’écofunérailles comprenant les modes de bioincinérations – aquamation, promession, résomation, l’inhumation bio et l’humusation – un groupe de travail a été constitué sous la législature précédente. Il est composé d’experts régionaux, de représentants communaux, d’intercommunales et de professionnels. Il est chargé d’envisager l’ensemble des aspects qui entourent ces processus de traitement des corps, au travers de leurs dimensions administratives, des responsabilités publiques, communales et intercommunales, de sécurité et de salubrité.
Des réunions avec la Région bruxelloise sont également organisées afin de favoriser une approche interrégionale commune via un groupe de travail interrégional.
Pour parler plus précisément de l’humusation, je dirai qu’il n’est pas possible de l’envisager uniquement en termes poétiques.
Par exemple, considérer que cette pratique est écologique par nature ne s’appuie sur aucune étude relative aux corps humains, qui ont un parcours alimentaire et médicamenteux que l’on ne peut négliger. La décomposition d’un corps humain est un phénomène particulier. Or, à aucun moment, le processus invoqué n’envisage les risques de pollution des sous-sols par les liquides organiques, ou les risques de pollution gazeuse et encore moins ces deux risques amplifiés par un nombre important de corps traités de cette manière sur un même espace.
Des questions se posent aussi en termes d’aménagement du territoire et de compétences communales. Lorsque l’on connaît les sous-effectifs communaux pour la gestion des cimetières, il semble peu pertinent ou réaliste d’imposer à chaque commune la création d’un espace dévolu à l’humusation, d’autant que cette pratique implique un personnel formé au traitement des restes humains à plusieurs moments du processus de décomposition.
L’analyser, comme ce fut le cas pour l’incinération, au niveau intercommunal induit une réflexion sur les terrains à allouer à cette méthode, leur nature, leur sécurisation, l’organisation du voisinage avec les vivants, la formation d’un personnel spécifique, les coûts, et cetera.
Des questions éthiques et mémorielles se posent également, au moins concernant le devenir de ce – permettez-moi l’expression – « super compost » dans lequel se retrouvent des escarbilles osseuses.
S’agissant des expériences d’humusation sur des dépouilles de porcs, à propos desquelles le ministre Di Antonio avait mandaté l’UCL, elles sont en cours et aucun résultat ne sera officiellement accessible avant quelques mois.
Enfin, je rappelle que, à l’heure actuelle, un acte de dernières volontés envisageant un autre mode que ceux reconnus par la législation wallonne n’a pas de valeur légale. La position du Service public de Wallonie consiste à encourager les communes à ne pas refuser ces demandes, tout en invitant les demandeurs à opter également pour un mode de sépulture reconnu : incinération ou inhumation.
Le temps des décisions viendra après celui de l’expérimentation. Ma position sur ces questions dépendra, fort logiquement, des conclusions des groupes de travail actuellement à l’œuvre et des expérimentations en cours. Je compte d’ailleurs m’enquérir de l’état d’avancement de ces travaux en me rendant sur place.
Réplique de Madame Roberty :
Merci, Monsieur le Ministre, pour vos éléments de réponse qui sont de nature à me rassurer. Il est vrai que seulement quelques mois se sont écoulés depuis la mise en place du nouveau décret. Je voudrais signaler que c’est un décret qui répondait particulièrement aux besoins des communes.
Ceux qui me connaissent autour de cette table connaissent également ma passion pour les cimetières et pour la gestion des sépultures. Vous me verrez très souvent dans votre commission afin de vous poser des questions sur cette matière.