Les femmes sans-abri ont des besoins spécifiques et un projet européen propose des formations aux équipes des structures d’accueil, afin d’améliorer l’aide apportée aux femmes sans-abri. Comment ce projet est-il mené en Wallonie ? D’autres initiatives existent-elles ?
Question orale de Sabine ROBERTY à Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes sur l’accompagnement des femmes sans-abri.
Madame la Ministre, certaines sources posent le constat que le nombre de femmes sans-abri a tendance à augmenter ces dernières années ; d’autres estiment que cela s’explique surtout par une augmentation globale du nombre de personnes sans-abri.
Le fait est que, sans recensement officiel, il est très difficile de quantifier la situation. Les femmes sans-abri ont des besoins spécifiques, notamment parce qu’elles sont parfois accompagnées d’enfants ou que leur situation est souvent liée au fait qu’elles sont ou ont été victimes de violences de genre. Lorsqu’elles sont dans la rue, elles sont aussi plus vulnérables et risquent de nouveau d’être victimes de violences ou de harcèlement.
Dans ce contexte, le projet européen PIE4shelters souhaite proposer des formations aux équipes des structures d’accueil, afin d’améliorer l’aide apportée aux femmes sans-abri. Chez nous, c’est le Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE) qui s’occupe des formations, actuellement subventionnées par le programme de la Commission européenne, Droits, égalité et citoyenneté, « l’objectif est d’apporter les outils permettant aux intervenants d’être plus attentifs, de mieux comprendre ces femmes et leur situation ». Actuellement, 30 intervenants ont été formés et une réelle demande existe, selon le Collectif contre les violences familiales et l’exclusion, qui souhaite poursuivre par lui-même les formations.
Madame la Ministre, avez-vous pu prendre connaissance du projet PIE4shelters ? Ces formations semblent correspondre aux besoins du terrain. Comment alors les valoriser ? D’autres initiatives semblables existent-elles en Wallonie ?
D’un autre côté, les structures d’accueil pour sans-abri sont-elles en mesure d’accueillir des femmes lorsqu’elles sont accompagnées d’enfants ? Ces structures sont-elles souvent confrontées à cette situation ? De manière plus générale, quels dispositifs pourraient, selon vous, être mis en place pour accompagner en particulier les femmes sans-abri ?
Réponse de Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes
Madame la Députée, j’ai pris connaissance de ce projet, mené simultanément dans divers pays européens, qui porte une attention particulière aux traumatismes, aux vécus spécifiques des femmes sans-abri, victimes de violence de genre et à leur prise en charge dans l’environnement d’accueil.
Ce projet spécifique participe à renforcer la conscientisation des professionnels aux violences de genre que subissent les femmes souvent isolées et vulnérables lorsqu’elles sont dans la rue. Je ne peux que soutenir cette initiative. Dans la mesure où il s’agit d’un projet assez récent, il faudra que l’on procède à une évaluation avec le Collectif des violences conjugales et familiales pour examiner comment le faire rayonner davantage.
D’autres formations tendent à former des professionnels de première ligne. Je pense aux Pôles de ressources, spécialisés en violences conjugales et familiales et composés d’un service d’accompagnement d’auteurs de violences – c’est l’ASBL Praxis – et de deux maisons d’hébergement de victimes – le Collectifs des violences à Liège et pour La Louvière, c’est Solidarité Femmes, qui vient de fêter ses 40 ans d’existence. Ils ont développé une forme d’avancée, de coopération entre services pour garantir la sécurité des victimes et optimaliser le travail d’accompagnement de celles-ci et des auteurs. Ils partagent leur expertise avec les travailleurs de première ligne via des programmes de formation. Ces programmes en violence conjugale sont d’ailleurs financés par la Wallonie à hauteur de 70 000 euros pour 60 journées. Je soutiens pleinement ce projet qui vise à mieux outiller les professionnels pour optimaliser l’aide qu’ils peuvent apporter aux femmes notamment.
Depuis l’adoption du décret du 1er mars 2018 et de l’arrêté du Gouvernement du 21 mars 2019 relatif à l’agrément des services et dispositifs d’accompagnement de violences entre partenaires et des violences fondées sur le genre, les associations spécialisées en violence ont la possibilité de demander un agrément. Les services et dispositifs agréés ont, entre autres, pour mission de former les professionnels sur les violences entre partenaires et/ou violences fondées sur le genre.
Par ailleurs, sur les 12 abris de nuit agréés, il n’y en a qu’un seul, situé à Charleroi, qui accueille principalement les familles ; les autres en accueillent plus rarement. En présence d’enfants, les femmes sont généralement orientées vers des maisons d’accueil en capacité de les accueillir ou bien vers des logements d’urgence sociale. La présence d’enfants n’est pas vraiment indiquée dans un abri de nuit. À mon avis, elle n’est indiquée nulle part pour aucun être humain. Ces dispositifs d’urgence ne sont vraiment pas bons pour les enfants.
Au regard des chiffres 2018 disponibles, la proportion de femmes ayant eu recours aux abris de nuit est l’ordre de 20 %. L’abri de nuit spécifiquement dédicacé aux familles, qui est à Charleroi, a accueilli 114 mineurs en 2018. En Wallonie, certaines maisons d’accueil s’adressent aux femmes ainsi qu’à leurs enfants. Elles se sont spécialisées dans l’accueil des femmes victimes de violences conjugales et bénéficient, à ce titre, d’un financement additionnel qui leur permet de proposer des services adaptés à leur public.
En effet, l’accueil des femmes et des enfants nécessite un cadre et un accompagnement adapté à leurs besoins, raison pour laquelle les intervenants développent des pratiques spécifiques.
Les maisons d’accueil comptent 1 910 places. Parmi elles, 914 sont réservées aux femmes avec enfants et 600 aux familles.
Il semble que les dispositifs wallons sont en mesure d’accueillir les femmes lorsqu’elles sont accompagnées d’enfants, tant en termes d’infrastructure que de formation.
Par ailleurs, des études soulignent le recours plus fréquent de la population féminine exclue du logement au réseau informel, c’est-à-dire aller dormir chez un tiers, notamment lorsqu’elles sont accompagnées d’enfants, craignant que si elles révèlent leur situation à un travailleur social, cela ne mène au placement de leurs enfants. Ce phénomène retardera l’entrée des femmes dans la situation déclarée de « personne sans-abri » et exclue du logement. Ainsi, les chiffres ne sont pas, à mon avis, tout à fait fiables parce qu’il y a un biais.
Malgré les difficultés vécues par ces femmes, les acteurs sociaux me renvoient le fait de constater une faculté plus importante dans leur chef à se prendre en charge ou à utiliser le réseau dont elles disposent pour ne pas se retrouver à la rue.