Question orale du 20 septembre
2022 de Sabine Roberty à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Santé, de l’Action sociale et de
l’Égalité des chances.
Madame la Ministre, le 11 septembre
dernier, un nouveau féminicide avait lieu. C’est Madison, 27 ans, qui a perdu
la vie, abattue par son ancien compagnon.
Très régulièrement, malheureusement,
l’actualité nous conduit au sein de cette commission à revenir sur ce sujet
difficile. Nous savons que cette question de l’accompagnement, du soutien et de
l’accueil des victimes de violences conjugales vous tient tout particulièrement
à cœur.
Dans sa Déclaration de politique
régionale, votre Gouvernement s’est engagé à augmenter le nombre de places
d’accueil pour les victimes et, à mi-législature, 127 places étaient déjà
enregistrées.
Avez-vous demandé un état des lieux
afin de définir les besoins qui doivent encore être rencontrés en la matière ?
Quels objectifs vous êtes-vous encore fixés d’ici la fin de la législature ?
Avez-vous prévu de nouveaux appels à projets, par exemple, afin de renforcer
cette politique ?
Actuellement, la programmation prévue
par le Code wallon de l’action sociale en ce qui concerne le nombre de maisons
d’accueil spécialisées dans l’accompagnement des victimes de violence n’est pas
encore complète. En effet, on compte aujourd’hui 21 structures alors que le
Code en prévoit 24. Des opportunités existent encore dans les provinces de
Namur, de Hainaut et de Liège.
Avez-vous connaissance de volontés
locales à ce sujet ? Comment, le cas échéant, les stimuler ? Soutenez-vous la
création de nouveaux dispositifs ? Si oui, comment ? En 2020, suite aux mesures
de confinement, les pharmaciens et pharmaciennes ont été invités à jouer un
rôle pour réorienter les victimes vers des services spécialisés. Avez-vous
demandé un suivi de cette mesure ? Qu’avez-vous mis en place pour accompagner
les pharmaciens et les pharmaciennes dans cette démarche ?
Réponse
de Christie Morreale, Ministre de
l’Emploi, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des chances.
Madame la Députée, selon la
plateforme associative « Stop Féminicide », on dénombre malheureusement au
moins 15 victimes de féminicide en Belgique depuis le début de l’année.
Derrière ces chiffres il y a, à chaque fois, une histoire tragique et
révoltante qui nous rappelle combien la lutte contre les violences conjugales
doit rester une priorité.
Bien sûr, nous avons pris des
engagements forts dans le cadre du Plan intrafrancophone de lutte contre les
violences faites aux femmes pour la période 2020- 2024. Nous avons ouvert énormément
de nouvelles places d’accueil pour permettre aux victimes de se sentir en
sécurité et se reconstruire. Nous avons aussi travaillé sur des places de «
transit », comme la maison Kahdja Nin, en collaboration avec l’Économie sociale
et des agences immobilières sociales, comme les Tournières. Comme vous
l’évoquez, 127 places d’accueil ont ainsi été créées pour les victimes de
violences conjugales via trois appels à projets, dont deux en action sociale et
un en économie sociale, pour un montant total de plus de 2,5 millions d’euros.
Il faut maintenant pérenniser ces
places. J’ai envie que l’on en ouvre, mais également qu’une fois que j’aurai
remis les clés de mon département, celui ou celle qui me succède, s’il avait
envie de changer de politique, ne revienne pas sur les nouvelles places, comme
l’agrément sur les victimes de violences conjugales qui a permis de cadenasser
et de sécuriser des politiques structurelles en matière de lutte contre les
violences faites aux femmes.
Ainsi, en 2023, je veillerai à ce que
les 92 places créées dans le cadre des appels à projets en actions sociales
puissent ainsi être agréées et subventionnées dans le cadre légal, si les
conditions réglementaires sont respectées et les crédits budgétaires
suffisants. C’est mon travail de le défendre dans le cadre du conclave
budgétaire des prochaines semaines.
Par ailleurs, au 1er janvier 2022, on
comptait 21 maisons spécialisées dans l’accueil des victimes de violences conjugales
qui disposent de ce que l’on appelle « l’article 97 du Code réglementaire
wallon de l’Action sociale et de la Santé ». La programmation n’est pas encore
complète puisque le Code prévoit 24 maisons d’accueil. Cela veut dire que l’on
peut en ouvrir trois de plus. Il y a effectivement encore des possibilités en
provinces de Namur, de Hainaut et de Liège. En vue de combler ce déficit,
plusieurs maisons d’accueil se mettent actuellement en conformité avec les
conditions prévues par la réglementation, notamment en termes de nombre de
nuitées requises. La Wallonie, si l’on devait faire un bilan provisoire à ce
stade, comptait en début de législature 879 places d’accueil pour les femmes
victimes de violence et leurs enfants. Après ces trois appels, nous avons 1 006
places. C’est plus de 14 % de nouvelles places qui sont créées sur l’ensemble
du territoire wallon. C’est un effort considérable, mais cela ne répond pas
encore à la totalité des besoins, il faut donc continuer à agir fortement et
durablement pour mieux accompagner les femmes et leurs enfants en situation de
détresse. L’objectif est de maintenir cet effort d’accroissement et de pouvoir
avoir la situation de manière directe.
Je suis allée, il y a quelques jours,
à l’AMA, qui organisait une sorte de mémorandum et d’aide à la question, disant
que, en Wallonie, il y a un état de la situation et que cela n’existe pas à
Bruxelles. Je leur ai dit de ne pas crier trop vite victoire, car il est vrai
que nous avons cela en Wallonie, mais parfois une personne ou une institution
va appeler cinq, six ou sept infrastructures au même moment. La
comptabilisation ne correspond donc pas à une personne en particulier. Il faut
pouvoir affiner les choses pour permettre, par exemple, que, lorsqu’une
personne téléphone au call center avec les personnes spécialisées, il y ait une
vision – selon moi, c’est l’idéal – du nombre de places qui sont disponibles et
où. Cela permettrait d’orienter les femmes directement et beaucoup plus
rapidement.
Dans le cadre du projet 252 du Plan de
relance, nous avons aussi lancé un appel à projets de 30 millions d’euros pour
le subventionnement d’infrastructures pour le secteur de l’action sociale au
sens large. L’objectif est de créer ou de rénover des places d’accueil et/ou
d’hébergement pour des personnes sans-abri, mal logées, vulnérables, en ce
compris les personnes victimes de violences conjugales. Le jury s’est réuni à
deux reprises. On devrait pouvoir valider la sélection, au niveau du
Gouvernement, dans les prochaines semaines. Il y a plusieurs dizaines de places
supplémentaires liées à l’accueil des femmes victimes de violences qui
devraient à nouveau être créées. Je m’en réjouis.
Nous avons également des dispositifs
« Relais pharmacie », dont j’ai déjà eu l’occasion de parler. Nous avons 1 800
pharmacies en Wallonie. Les pharmaciens sont parties prenantes, les fédérations
sont très preneuses de pouvoir jouer un autre rôle qu’uniquement celui de
vendre des médicaments, en disant : « Je suis une personne de contact, je suis
une personne de confiance, si l’on vient me trouver et si je détecte une
situation, que puis-je répondre ? »
Les collectifs de violence conjugale
et familiale de la Wallonie, au travers de Jean-Louis Simoens, ont travaillé à
l’information, à la sensibilisation et à des supports dans les pharmacies qui
permettent de pouvoir éviter les trous dans la raquette et éviter que des
femmes ne se retrouvent dans des situations de grande détresse, voire, comme
cela a été évoqué, pour 15 femmes au moins en 2022, qu’elles ne meurent sous
les coups de leur conjoint ou leur ex-conjoint parce qu’elles sont des femmes.
Réplique de Sabine Roberty
Nous entendons bien que les réponses
que vous formulez aujourd’hui témoignent à nouveau de tout l’intérêt que vous
apportez à ce dossier. Nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir des ministres
qui ont vraiment envie de s’investir pour le droit des femmes et contre les
féminicides.
Vous dites quelque chose de très
important : pérenniser les places pour ne pas pouvoir revenir en arrière dans
le futur. En effet, il est fondamental de sécuriser les politiques
structurelles qui ont été mises en place en ce sens par votre Gouvernement et
vous-même. Je pense que passer de 21 structures à 24 apportera à nouveau une
réponse positive au secteur.
Nous avons évoqué ensemble les
fédérations des pharmaciens qui sont preneuses. À nouveau, cela témoigne de
tout l’intérêt de travailler à ce niveau dans le cadre de la gestion de la
première ligne. Les pharmaciens peuvent apporter énormément. Ils le font déjà
dans la vaccination. C’est un deuxième témoin positif.
Crédit
photo : Photo de Anete Lusina:
https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-tenant-une-carte-de-joyeux-anniversaire-5723325/