Malgré le lancement de projets pilotes, des difficultés persistent pour faire entrer les psychologues dans les prisons. Comment assurer une meilleure promotion de la santé dans les établissements pénitentiaires ?
Question orale de Sabine Roberty du 03/05/22 à Christie Morreale, Ministre de la santé (Question groupée avec Madame la députée Vandorpe)
Madame la Ministre, lors de la législature précédente, un rapport parlementaire avait mis en lumière d’importantes carences en la matière et qualifiait la santé de « parent pauvre du système carcéral ».
Dans la foulée, le Gouvernement avait débloqué la somme de 900 000 euros par an pour un projet pilote de promotion de la santé et de prévention des maladies en prison, un marché qui avait été attribué à « Un Pass dans l’impasse » avec une convention pluriannuelle de trois ans.
Un état des lieux par prison a depuis été réalisé pour identifier les besoins, et l’association a proposé toute une série d’actions aux directions des établissements pénitentiaires. Je sais que vous êtes sensible à cette question.
Aujourd’hui, des difficultés pour faire entrer les psychologues dans les prisons persistent et nous savons que la crise sanitaire a encore complexifié les actions de promotion de la santé en milieu carcéral. Vous deviez rencontrer les directions de prison, afin d’identifier les obstacles qui perdurent pour assurer une meilleure prise en charge psychosociale dans ces établissements. Ces rencontres ont-elles pu avoir lieu ? Sinon, pourquoi ? Quels freins avez-vous identifiés ?
D’un autre côté, un travail est en cours, à l’initiative du Fédéral, concernant l’organisation de l’encadrement psychosocial au sein des centres de détention. En février dernier, vous nous informiez que le Fédéral avait abouti à un texte qui était alors en discussion avec les autres niveaux de pouvoir, pour arriver à une vision intégrée.
Quels enjeux et priorités avez-vous portés pour la Wallonie dans le cadre de ces discussions ? Un texte a-t-il pu être présenté à la conférence interministérielle Santé publique ?
Enfin, comment intégrez-vous cette question dans votre politique de prévention et le futur plan WAPPS ?
Réponse de la ministre :
Mesdames les Députées, vous l’avez dit, une subvention de 900 000 euros a été attribuée pour « Un pass dans l’impasse ». Un état des lieux par prison a, depuis, été réalisé pour identifier les besoins. L’association a proposé une série d’actions aux directions des établissements pénitentiaires.
Des contacts sont pris par le projet pilote avec les différentes directions de prison, y compris les prisons qui restent inaccessibles. Je pense notamment à la prison de Mons ; je pense qu’il y a des difficultés avec elle. Seize prisons ont été approchées par l’ASBL UDPI et seulement 11 ont accepté qu’une activité ou plus puisse être réalisée dans l’établissement.
Paradoxalement à l’interview donnée, la prison de Mons n’a pas souhaité que l’ASBL propose ses services dans son établissement. Je le regrette sincèrement. Une réponse officielle est parvenue en ce sens à l’AViQ.
Concernant la nouvelle approche de santé au sein des prisons en Belgique, les discussions ont permis d’élaborer une proposition de protocole d’accord entre les SPF Justice, Santé publique et l’INAMI pour la première phase de l’intégration des détenus dans l’assurance maladie obligatoire à partir de 2023, à savoir les soins hors prison.
Les discussions ont aussi permis d’élaborer des propositions de protocoles d’accord pour l’implémentation par phases du texte de vision, en première instance pour « les prisons du futur ». Pour chaque action, le rôle des acteurs ou des autorités impliquées et les budgets nécessaires doivent y être clairement définis. Un rapportage mensuel à l’intercabinet dédié aux soins de santé pénitentiaires concernant l’état d’avancement des travaux dans les groupes de travail est prévu. Un plan de travail pluriannuel devra être rédigé pour la réalisation des missions données par la CIM.
Le groupe de travail interfédéral est toujours en cours et devrait effectivement aboutir à une présentation à la CIM Santé, sans doute durant le mois de juin 2022. L’intégration de la politique de prévention se fera à travers les actions menées par les partenaires qui travaillent déjà en prison, mais également au regard du développement de soins de première ligne.
Il s’agit d’un projet ambitieux, mais qui se heurte à un certain nombre de difficultés pour atteindre pleinement nos objectifs. Les obstacles et des pistes de solutions ont été identifiés par le KCE. Pour les résumer brièvement : une rupture dans la continuité des soins aux détenus existe entre le passage de la vie en société et le milieu carcéral et le passage de la prise en charge des soins du SPF Justice vers le SPF Santé publique. Cela permettrait à l’assurance maladie d’être appliquée pendant la période de détention.
Néanmoins, nous remarquons dans le projet pilote la difficulté pour obtenir les accès à certaines prisons. Le temps d’attente imposé au personnel d’UPDI, les activités annulées par les directions sans en avertir les travailleurs de l’ASBL, et cetera, complique sérieusement le travail.
Une évaluation a posteriori serait intéressante, mais contacter d’anciens détenus pour voir l’impact à long terme semble assez compliqué, notamment en termes de RGPD. Quant à l’évaluation globale de la santé en prison, il est sans doute encore un peu tôt pour en obtenir une. Par ailleurs, la crise sanitaire a aussi considérablement ralenti le travail pour ce projet.
Le projet est attentivement suivi par l’agence et des rencontres régulièrement organisées avec l’ASBL UPDI et le cabinet. L’opérateur met tout en œuvre pour améliorer la santé et dénouer certains blocages.
Enfin, des travaux sont aussi en cours pour les internés en vue de leur permettre de sortir du milieu carcéral et d’organiser une offre de soins plutôt qu’un accueil en détention : l’ensemble des administrations et cabinets francophones se sont réunis afin d’examiner comment joindre les forces pour alimenter un appel à projets.
C’est une première évaluation ou des éléments, des difficultés, des choses qui avancent avec des entités fédérales et les différentes administrations, mais aussi un certain nombre de difficultés dans l’application.
Cela dit, c’est un travail que j’ai salué plusieurs fois de Véronique Salvi et de ce qu’Alda Greoli a lancé sous l’ancienne législature. Je le soutiens pleinement, et ce n’est pas parce que c’est compliqué qu’il ne faut pas continuer à mettre le pied dans la porte. Il y a au contraire un travail majeur à réaliser, et convaincre les citoyens de l’intérêt de mener ce type de projets.
La prison est une punition, mais en aucun cas une vengeance, et il ne faudrait pas qu’à l’issue de la période de détention les détenus qui en sortent aient complètement plongé et deviennent immaîtrisables, incontrôlables. C’est de l’intérêt de tout le monde de les réinsérer et de les rendre meilleurs qu’au moment où ils y sont rentrés.
Source : Site du Parlement de Wallonie, Compte rendu de la réunion de la Commission de l’emploi, de l’action sociale et de la santé du 3 mai 2022