PW – Bactérie des les hôpitaux, quelle prévention ?

Récemment, une bactérie rare, particulièrement résistante, a été découverte au sein de l’hôpital Epicura à Hornu. De manière plus générale, quelles sont les stratégies de prévention appliquées ?

Question du 18 février 2020 de Sabine Roberty à Madame Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes

Madame la Ministre, récemment, une bactérie rare, particulièrement résistante, a été découverte au sein de l’hôpital Epicura à Hornu et a conduit l’équipe soignante à prendre des mesures de sécurité pour éviter sa propagation.

L’établissement de soins a très vite réagi en fermant les services concernés, en prenant les mesures d’isolement nécessaires, en procédant au dépistage des patients qui auraient pu être contaminés et en désignant une équipe de soins particulière pour ces patients.

L’hôpital a également choisi de faire preuve de transparence dans sa communication de la détection de la bactérie et à la mise en place d’une procédure pour limiter la propagation.

Nous savons que les hôpitaux, malgré l’ensemble des mesures d’hygiène prises, peuvent être confrontés à l’apparition de ce type de bactéries, et cette actualité est l’occasion de faire le point sur les mesures de prévention et de précautions nécessaires. Madame la Ministre, quelle est la situation actuellement à l’hôpital Epicura ? 

De manière plus générale, quelles sont les stratégies de prévention appliquées ? Comment assurer une meilleure prévention, toujours en règle générale ?

Pouvez-vous faire le point sur les mesures actuelles qui doivent être prises lorsque de telles bactéries émergent pour empêcher une épidémie ?

Une procédure spécifique quant à la communication existe-t-elle ?

À quelles difficultés principales les établissements de soins sont-ils confrontés ?

De quelle manière l’AViQ est-elle impliquée ?

Réponse de Madame Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes.

Madame la Députée, effectivement, certains patients d’un site de l’hôpital Epicura ont été contaminés ou infectés par une bactérie multirésistante appelée Acinetobacter baumanii OXA23. » Derrière ce nom un peu barbare se cache surtout une bactérie particulièrement dangereuse pour les personnes fragilisées et résistantes à de nombreuses classes d’antibiotiques, mais elle ne présente aucun danger pour des personnes en bonne santé, ou qui l’étaient juste avant d’avoir la bactérie. Les cas groupés de patients infectés par cette bactérie au sein des unités de soins intensifs sont d’ailleurs décrits dans la littérature scientifique.

Dans ce contexte particulier, l’équipe d’hygiène hospitalière d’Epicura a suivi les recommandations en termes de prise en charge d’une épidémie à germes multirésistants au sein de l’institution. En fait, il existe une équipe d’hygiène hospitalière de soins aigus au sein de chaque hôpital, qui a pour missions de suivre les infections nosocomiales, la protection standard pour éviter la transmission, pour isoler les patients infectés, pour lutter contre les épidémies nosocomiales.

Différentes mesures simultanées ont été mises en place à travers cette équipe d’hygiène hospitalière.

Il y a eu constitution d’une cellule de crise composée des directions générale, médicale, infirmière, logistique, pharmacie, médecins hygiénistes, les infectiologues, des microbiologistes ; une cellule communication aussi – parce que c’est important d’assurer la communication, et ils l’ont fait avec beaucoup de clarté et de transparence –, des représentants médicaux et infirmiers des unités concernées.

Il y a également eu le fait de déclarer l’évènement à la cellule de l’AViQ – il y a une cellule de surveillance de l’AViQ, c’est un principe de déclaration obligatoire en Wallonie – et une demande d’information auprès de l’Outbreak support team qui est une cellule d’appui composée d’agents de l’AViQ et de spécialistes de Sciensano, l’institut scientifique de santé publique.

Ils ont aussi pris des renseignements auprès du Centre national de référence pour adapter les politiques de dépistage, fermé les admissions des unités touchées aux équipes de soins dédiées aux patients porteurs.

Ils poursuivent le dépistage systématique au sein des unités touchées et des patients qui auraient pu être en contact.

Ils renforcent les précautions d’hygiène standard à tous niveaux dans l’institution, tant au niveau des collaborateurs que des visiteurs aussi, évidemment.

Ils mettent en place des précautions supplémentaires orientées vers les patients porteurs et les patients qui ont été en contact avec ceux qui étaient porteurs au cours des dernières semaines.

Il y a la désinfection totale de tout l’environnement potentiellement contaminé.

Il y a une information complète aux collaborateurs de toute l’équipe de l’hôpital et une information personnalisée des patients et de leur famille, avec une communication étroite et directe entre les patients et les médecins, et une communication transparente vers l’extérieur de l’institution. Epicura a joué la transparence. Je l’ai salué en séance plénière, je le fais à nouveau.

Elle dispose d’un protocole de communication de crise qui a été suivi à la lettre. Cette procédure a d’ailleurs servi de base à une publication dans la presse spécialisée, en 2019.

Depuis le début de la contamination, avec le renforcement des mesures prises, aucune nouvelle acquisition n’est constatée.

La situation actuelle est monitorée par une cellule de crise qui se réunit deux fois par semaine.

Les équipes continuent à gérer les patients positifs en suivant les guidelines nationaux et internationaux. Ayant acquis suffisamment de certitude et de confiance sur base des résultats négatifs sur tous les tests qui ont été pratiqués, les deux unités ont pu être rouvertes et il y a de nouvelles admissions à partir du 13 février. L’hôpital retrouve donc un fonctionnement normal.

La prévention en termes de lutte contre l’antibiorésistance peut se faire à différents niveaux, notamment le respect de l’hygiène, le bon usage des antibiotiques, la formation adéquate et continue des professionnels de la santé, la bonne communication entre les acteurs, l’empowerment du patient et la promotion de la vaccination.

C’est dans ce cadre qu’un Plan national de l’antibiorésistance est en cours d’élaboration. Nous y sommes attentifs et nous verrons quelles actions mener dans les prochaines années dans le cadre de nos compétences, parce que c’est principalement fédéral.

De manière plus générale, les difficultés auxquelles sont confrontés les hôpitaux dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance sont connues : le manque de moyens dans le cadre de la prévention des infections nosocomiales et leur gestion.

La composition des équipes d’hygiène hospitalière est limitée par un arrêté royal et n’a pas évolué face aux défis de plus en plus nombreux qui découlent de l’antibiorésistance. Le rôle de l’infectiologue n’est pas toujours reconnu non plus. Cela s’inscrit donc dans le cadre d’un sous-financement de l’hygiène et des maladies infectieuses dans le cadre du BMF, le fameux budget des moyens financiers fédéral, qui est le budget avec lequel les hôpitaux sont financés.

Je rappelle également le manque de professionnels de la santé au sein des unités d’hospitalisation, ce qui peut compliquer la gestion des patients atteints par ces bactéries multirésistantes, dont la prise en charge est forcément plus compliquée et prend plus de temps.

Par ailleurs, les structures peuvent paraître inadaptées en termes logistiques pour permettre des isolements efficaces des patients infectés ou colonisés. Néanmoins, on peut aussi dire que nos hôpitaux sont dans les cinq premiers au niveau mondial. C’est quelque chose qu’il faut rappeler. Des choses doivent être améliorées, mais l’on a globalement un niveau de qualité particulièrement exceptionnel au niveau mondial.

Sur la résistance de l’émergence de bactéries dans les hôpitaux, c’est une matière qui relève essentiellement du Fédéral et il conviendra que ce niveau de pouvoir aborde ces problématiques également. Je ne doute pas que vous relayerez également vos interrogations à vos collègues sénateurs de Communauté.

Réplique de Sabine Roberty :

Je remercie Mme la Ministre pour l’ensemble de ses réponses, qui sont de nature à me réconforter. Je ne voudrais pas que l’on pense que les hôpitaux sont des nids à microbes.

Au contraire, Mme la Ministre a évoqué aujourd’hui toute une série de mesures, et la liste est longue, pour protéger les patients qui s’inscrivent au service des admissions, pour le personnel qui y travaille et pour les familles qui viennent voir ces patients. On ne dit jamais suffisamment que nos hôpitaux travaillent excessivement bien et sont dans le top mondial au niveau de la prophylaxie.

Au niveau de ma réplique, je voulais évoquer le fait que toute cette série de recommandations, sous forme d’affichage, au niveau basique, et sous forme de confinement, dans la manière la plus élaborée, pour prévenir ces bactéries multirésistantes ne coûte pas très cher. Ce qui coûte le plus cher, ce sont les frottis et le dépistage en interne. Les recommandations du Conseil supérieur de la santé, qui sont sorties en 2019, préconisent, pour les patients à risque hospitalisés, que ces frottis doivent être faits entre une et deux fois par semaine dans chaque unité de soins. Cela représente un coût d’environ 50 euros par frottis. Pour le moment, certains hôpitaux, que je ne vais pas citer, font ces frottis de manière tout à fait gratuite pour les patients. Cela veut dire qu’ils prennent en charge ces frottis. Il ne faudrait pas que, demain, la tentation soit trop grande de le faire payer au patient. Je sais que l’on est dans une matière fédérale, mais à nous d’être attentifs, du côté de la Wallonie, pour que, un jour, la tentation ne soit pas suffisamment grande pour que les patients paient cela à la place des hôpitaux.

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