Trop de personnes reportent leurs soins dentaires, pourtant ceux-ci ont une implication considérable dans la santé générale. Comment favoriser l’accès à ces soins ?
Question orale de Sabine Roberty du 21/12/21 à Christie Morreale, Ministre de la santé
Madame la Ministre, avec la dernière réforme de l’État, la Région a hérité des compétences relatives à la prévention et à la promotion de la santé, et notamment du plan bucco-dentaire géré jusqu’alors par le SPF Santé publique.
Bien qu’aucun financement n’ait été transféré à la Wallonie, nous savons que cette problématique constitue une priorité pour vous, la santé dentaire ayant des implications sur la santé générale des citoyens.
De manière générale, notre Déclaration de politique régionale s’engage aussi à favoriser l’accessibilité financière et géographique des soins de premières lignes, en ce compris les soins préventifs et curatifs relatifs à la santé bucco-dentaire.
Qu’avez-vous mis en place pour rencontrer ces objectifs ?
Quelles actions innovantes avez-vous pu développer ?
Comment avez-vous assuré la poursuite du plan bucco-dentaire ?
Un projet de soins mobiles en santé bucco-dentaire, préventif et curatif, était par exemple envisagé. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’avancée de ce projet ? Avez-vous pu charger l’AViQ de poursuivre sa réalisation ? Quelles modalités pratiques avez-vous définies, le cas échéant ?
Réponse de la ministre
La santé bucco-dentaire, c’est une très bonne question parce que c’est vraiment le point d’entrée de plein d’autres maladies. On voit bien que les soins qui sont attribués dépendent beaucoup du niveau socioéconomique des gens.
Beaucoup de personnes marginalisées ne prennent pas soin d’eux, malgré la gratuité ou l’accessibilité chez le dentiste. Cela ne suffit pas de dire que c’est gratuit pour que les gens y aillent. Il faut que l’on améliore les dispositifs pour éviter que les inégalités sociales ne se creusent davantage encore. Quelles sont les plus importantes luttes contre les inégalités, c’est une préoccupation centrale du Gouvernement wallon.
Un problème essentiel reste, c’est celui de la prévention des caries. Une bonne alimentation, une bonne hygiène bucco-dentaire, la surveillance régulière par un professionnel. Quand on voit l’enquête de santé de l’institut scientifique de santé public, on voit qu’un peu plus d’un Wallon sur deux dit se brosser les dents tous les jours. Cela veut dire qu’un Wallon sur deux ne le fait pas.
Il ressort aussi de l’enquête de santé qu’environ 40 % de la population déclare ne pas se rendre chez le dentiste chaque année. Or, si l’on ne fait pas ce contrôle annuel, cela peut avoir de gros impacts sur la santé en général de la personne.
Au niveau fédéral, le trajet de soins buccaux veut améliorer la santé bucco-dentaire en remboursant mieux les soins dentaires pour les patients qui se rendent régulièrement chez le dentiste, mais on doit faire un travail de prévention primaire pour encourager les comportements d’hygiène dentaire, pour expliquer à la base « se brosser les dents, prendre des boissons non sucrées, et cetera », toutes les informations de préventions. Et un travail de prévention si secondaire pour que tous les groupes socioéconomiques prennent le réflexe d’aller en consultation annuelle chez le dentiste pour éviter d’en arriver à des situations qui sont plus coûteuses, des extractions, des prothèses de dents, voir des problèmes qui peuvent être majeurs.
Pour les jeunes, les services de promotion de la santé à l’école doivent jouer un rôle actif dans ce domaine lors des visites médicales, encourager l’accès de l’eau dans les écoles, des collations saines comme on le fait d’ailleurs en Wallonie et dont plus de 50 000 enfants bénéficient dans le cadre du dispositif que l’on a mis en place dans une quarantaine d’écoles, en complément de ce que fait déjà la Communauté française. Que les jeunes soient vus, qu’ils soient suivis, qu’ils soient pris en charge par les professionnels de la santé bucco[1]dentaire. Ces aspects que je viens d’expliquer pour les plus jeunes relèvent de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
On a un Plan de la lutte contre la pauvreté qui est soutenu, coordonné par le ministre-président. Dans ce plan, il est prévu que la Wallonie lance un projet pilote dans le courant de l’année que nous allons entamer pour accompagner les maisons médicales, donc les ASI, que vous connaissez bien, à s’équiper d’un cabinet dentaire mobile et permettre ainsi une proximité, un accès privilégié aux populations éloignées des soins dentaires primaires.
On informera quand on va lancer cet appel et ce soutien, mais c’est un des volets très concrets de lutte contre la précarité. Il ne suffit pas malheureusement de décréter la gratuité. Je le disais tout à l’heure : on voit, par exemple, que des soins chez le dentiste sont gratuits, que les dépistages pour le cancer du col de l’utérus, du cancer du sein, sont, par exemple, gratuits, mais ce sont automatiquement des populations qui n’ont pas de médecin généraliste, qui sont en décrochage, qui sont marginalisées, qui sont fragilisées, qui n’y vont pas. Donc ils sont doublement victimes, on a un très gros travail.
Ma prédécesseur m’a expliqué que dans les services de santé mentale, par exemple, on travaille à de la gratuité, à de l’accessibilité, à des services de santé mentale, mais il faut encore que les gens franchissent la porte de ces services-là. Or, ce que l’on a envie dans ces services, c’est que la santé mentale aille vers les personnes qui sont les plus fragiles et qui ne vont pas franchir cette porte. C’est un travail. Le constat est facile à faire, mais il faut réussir à aller les chercher et à toucher ces populations-là avec des effets, une forme d’efficacité, c’est plus difficile. Mais j’espère très sincèrement que, avec ce projet[1]là, on y arrivera. Cela me paraît, en tout cas, être une expérience pilote très concrète et dont je pense sincèrement qu’elle produira les effets escomptés.
Réplique de la députée
C’est vrai, on n’en prend pas toujours conscience, mais c’est vraiment la porte d’entrée de toute une série d’autres maladies. Clairement, personne n’aime aller chez le dentiste. C’est dommage, mais il faut quand même le dire. On n’y va pas haut les cœurs. Pourtant, c’est vraiment important. La surveillance, le contrôle annuel, c’est essentiel. La prévention est fondamentale.
Je vous parlais d’actions innovantes et vous avez rappelé les collations saines dans les écoles. C’est important d’expliquer aux enfants que c’est important de bien manger et de moins manger sucré. Cela abîme moins leurs dents et leur santé en règle générale. Vous parlez maintenant d’un projet pilote lancé l’année prochaine. Ce sera l’occasion pour moi ou pour d’autres collègues de revenir sur cette thématique ultérieurement. Déjà, merci pour tout l’investissement que vous placez dans ce plan.
Source : Site du Parlement de Wallonie, Compte-rendu de la commission de l’emploi, de l’action sociale et de la santé du 21 décembre 2021