Les jeunes face à la désinformation en ligne

Avec les réseaux sociaux, nous sommes chaque jour confrontés à la désinformation en ligne. Comment accompagner les jeunes face à ce phénomène ?

Question orale de Sabine Roberty du 29/03/22 à Bénédicte Linard, Ministre des médias

Ces dernières années, notre manière de nous informer a fortement évolué. La consommation de la presse écrite, de la encore de la radio a largement diminué au profit d’internet et des réseaux sociaux qui sont devenus des moyens d’information de plus en plus importants.

Aujourd’hui, ils constituent une des principales sources d’information pour les jeunes. Si ces médias permettent d’informer rapidement et largement, ils peuvent aussi être des canaux importants de la désinformation. Si le développement des fausses informations en ligne n’est malheureusement pas un phénomène ré[1]cent – il s’agit d’ailleurs d’un sujet central abordé au sein même de notre com[1]mission –, il a explosé ces dernières années, notamment avec la crise sanitaire.

Ces dernières semaines, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a également été le terreau de nombreuses informations fausses et détournées dans le but de manipuler l’opinion publique. Des images tirées d’autres conflits, des vidéos d’avions de chasse issues d’un jeu vidéo déferlent ainsi sur les réseaux sociaux et, récemment, TikTok a été régulièrement cité comme vecteur de désinformation. Or, ce réseau social est fort populaire chez le jeune public, ce qui pose tout particulièrement question.

Madame la Ministre, je sais que vous êtes sensible à cette question et aussi in[1]quiète que moi face aux fake news et aux phénomènes de désinformation.

Actuellement, à quelles obligations de modération les réseaux sociaux doivent-ils se conformer dans le cadre de la lutte contre la désinformation ? Quels sont, selon vous, les principaux moyens pour lutter contre ce phénomène au niveau européen, car il dépasse largement les frontières de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Pouvez-vous faire le point concernant la mise en œuvre des mesures prises grâce au décret du 4 février 2021 relatif aux services de médias audiovisuels et aux services de partage de vidéos (décret «SMA») – qui transpose la directive européenne – en matière d’éducation aux médias et de lutte contre la désinformation?

Dans le plan «Éducation aux médias» adopté dernièrement par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, plusieurs mesures visent à lutter contre la désinformation, notamment au moyen de campagnes ciblées.

Pouvez-vous revenir sur la mise en œuvre de ces mesures ? Une campagne de lutte contre la désinformation verra-t-elle bientôt le jour ? Quelles sont les autres mesures qui tendent tout particulièrement à lutter contre ce phénomène ?

Comment ces me[1]sures sont-elles concrètement mises en application afin d’enseigner à nos jeunes comment décrypter l’information qui leur est proposée ?

Les campagnes de désinformation pratiquées actuellement en Russie sont-elles prises comme exemple ? Quelles mesures spécifiques sont-elles prises pour sensibiliser en particulier le jeune public sur TikTok?

Réponse de la ministre

Madame la Députée, nous avons récemment eu l’occasion d’aborder le sujet de la désinformation au sein de votre commission, lors de la présentation du Plan «Éducation aux médias».

Je comprends que la guerre en Ukraine suscite de nouvelles inquiétudes de parents, notamment au sujet des contenus qui circulent sur les réseaux utilisés par les plus jeunes.

Comme votre question le sous-entend, c’est un problème éminemment européen, dès lors que les réseaux sociaux sont implantés dans d’autres États membres de l’Union européenne. La Fédération Wallonie-Bruxelles n’a donc pas de compétence de régulation des réseaux sociaux.

Actuellement, la modération dans le cadre de la lutte contre la désinformation se limite au Code européen de bonnes pratiques visant à lutter contre la propagation de la désinformation et présenté en 2018. Ce code propose des normes d’autorégulation aux signataires, sur une base volontaire. Parmi ces derniers figurent notamment Facebook, Google et Twitter. Le réseau social TikTok les a rejoints en 2020.

La loi sur les services numériques (Digital Services Act, DSA) va amener de nouveaux outils de régulation des contenus en ligne. Dans cette logique de renforcement de la régulation des acteurs du numérique, la Commission européenne souhaite faire du Code des bonnes pratiques un instrument de co-régulation plus efficace, et donc aussi plus contraignant.

Il faut comprendre que la philosophie du Plan «Éducation aux médias» n’est pas d’agir dans l’urgence en réaction à des événements ponctuels. Il a pour but d’induire des effets structurels de renforcement des compétences médiatiques des citoyennes et citoyens de tous âges.

Pour le moment, la priorité est mise sur l’axe 2 du Plan, qui vise à mettre à jour le décret du 5 juin 2008 portant création du Conseil supérieur de l’Éducation aux Médias et assurant le développement d’initiatives et de moyens particuliers en la matière en Communauté française. Cet axe vise également à évaluer les initiatives déjà prises, comme les opérations «Journalistes en classe» ou «Ouvrir mon quotidien». Depuis peu, en lui allouant des budgets supplémentaires, j’ai permis à cette dernière opération d’être déclinée en version numérique.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM) a publié sur son site internet un ensemble de ressources éducatives sur l’Ukraine. Ce conflit est également abordé grâce à l’initiative «Questions vives», créée par le CSEM, la RTBF, Amnesty International et Enabel, l’agence belge de développement.

Pour ce qui concerne le réseau social TikTok, sachez que la RTBF y a développé une présence, avec des formats spécifiques destinés aux jeunes. La RTBF a publié un long article, le 2 novembre 2021, pour rendre compte de cette activité et que je vous invite à le consulter.

Réplique de la députée

Madame la Ministre, le thème de la désinformation me tient particulièrement à cœur. J’y reviens de manière régulière à la suite d’un élément d’actualité. Vous soulignez qu’il s’agit d’une matière européenne et cela nous dépasse effectivement puisque nous n’avons aucune prise sur la régulation.

Nous avons cependant contribué à construire le décret «SMA» et il m’apparaît important de suivre la directive et ses évolutions. Vous parlez de la DSA qui renforcera la régulation.

À propos de l’éducation aux médias, vous recommandez de ne pas agir dans l’urgence. Il faut effectivement travailler à ces sujets en profondeur, car l’éducation aux médias est difficile à maîtriser dans la mesure où tout le monde peut être victime d’une fake news.

Cependant, nous pouvons tous appliquer certains réflexes au quotidien en relisant l’information, en la croisant, en en vérifiant la source et la date de publication, etc. Ces petites vérifications sont utiles. Sur Twitter et TikTok, on peut lire des informations sur le président ukrainien ou sur Léonardo Di Caprio qui aurait versé 10 millions d’euros à l’Ukraine, ce qui est faux. Il ne faut pas tomber dans ces pièges tendus par la désinformation.

Il est de notre ressort de parlementaires de veiller à bien éduquer notre population aux médias et à travailler grâce à nos propres réseaux sociaux.

Source : Site du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Compte-rendu provisoire de la commission de l’enfance, de la santé, de la culture, des médias et des droits des femmes du 29 mars 2022 – version provisoire, le texte n’engage pas les citées