Question à François Desquesnes, Ministre de la Mobilité
Monsieur le Ministre, grâce au rapport de l’AOT sur les extensions dont les grandes lignes ont été dévoilées dernièrement dans la presse, on apprend par exemple que la Cour des comptes est en train de réaliser un audit sur le PPP du tram à Liège. Dès lors, disposez-vous déjà des premiers éléments d’analyse ? Quand cet audit sera-t-il disponible ?
Relativement à son contenu, ce rapport de l’AOT est assez incomplet. En effet, il est rédigé sur base de données parcellaires, voire obsolètes. On ne dispose pas d’analyses sur l’attractivité du tram, sur les impacts de la rénovation urbaine des villes concernées, sur l’impact que cela aura sur les habitants ; pas d’analyse non plus sur l’impact de la réduction des gaz à effet de serre ; pas de test handistreaming.
Aussi, le comparatif des coûts moyens au kilomètre se fait sur des lignes mises en service dans des villes françaises il y a 20 ou 15 ans, de sorte que ce comparatif n’est guère bien pertinent. Par ailleurs, vous avez toujours indiqué que l’avis de l’AOT n’avait pas été sollicité par votre prédécesseur or, le rapport indique clairement qu’un avis de l’AOT datant de novembre 2022 avait été émis. Qu’en est-il ?
Où en êtes-vous dans les négociations de rupture de contrat avec les entreprises concernées par la non- extension du tram vers Herstal et vers Seraing ? Mettez- vous en place des consultations avec les autorités communales de la métropole liégeoise de Liège, de
Herstal et de Seraing ? Qu’en est-il des consultations avec les entreprises situées sur le trajet annulé ? J’ai besoin, aujourd’hui, que vous nous parliez d’un calendrier de mise en œuvre de votre alternative.
Réponse du ministre : (réponse groupée à une autre question parlementaire)
Mesdames et Monsieur les Députés, le chantier du tram à Liège avance. La quasi-totalité des travaux d’infrastructures sont aujourd’hui terminés. La phase d’essai est en cours et les derniers essais de gabarit entre la place du général Leman et le stade du Standard ont eu lieu le 22 octobre dernier. Il y a encore des essais à réaliser avant la phase de marche à blanc qui précède la mise en service, comme Mme Nikolic l’a pointé tout à l’heure.
L’OTW a constaté du retard dans les plannings des essais, et a questionné Tram’Ardent sur l’état de son avancement et la mise à jour de son planning afin de savoir si ce retard impacterait la date de mise en service.
Dans ses obligations, Tram’Ardent a en effet celles de gérer les risques, les obstacles et toute mesure visant à optimiser le planning. Il lui revient de détailler les étapes restant à franchir et leur calendrier.
À ce jour, l’OTW n’a pas reçu officiellement de planning annonçant une autre date de mise en service que celle du 31 janvier 2025. Pour répondre aux questions relatives au non-respect éventuel du délai, il y a un accord avec des jalons qui prévoient, le cas échéant, l’établissement de sanctions.
Concernant les possibles retards dans la formation des conducteurs de tram, l’OTW me signale que tout se déroule selon le planning prévu et qu’il n’y a pas de difficultés au niveau du recrutement pour les chauffeurs de tram. Il y a actuellement 89 conducteurs habilités pour le lancement du tram et une dizaine de personnes dans la réserve, le personnel ayant réussi les tests de sélection.
Le recrutement se poursuit donc activement afin de garantir la réserve, et ce, avec des candidats tant internes qu’externes. Les formations des conducteurs de tram ont débuté le 1ᵉʳ juillet 2024 pour se terminer en janvier 2025. La formation sera donc bien terminée pour le démarrage du tram prévu au 31 janvier 2025.
La note au gouvernement et les deux rapports de l’AOT relatifs aux arrêts des extensions du tram ont été transmis aux personnes qui en ont fait la demande dans l’ordre dans lequel ces demandes ont été formulées.
Toutes les demandes ont été traitées depuis. En ce qui concerne la question rajoutée par Mme Cremasco concernant les informations qui sont biffées du rapport, elles le sont pour préserver les intérêts de la Région et de l’OTW qui négocient aujourd’hui la fin des contrats en cours. Afficher les montants reviendrait à mettre les négociateurs de l’OTW dans des conditions négatives et à impacter la situation financière de l’OTW.
Concernant les questions que vous avez formulées, je suggère que vous me les adressiez par écrit puisqu’elles sont complémentaires à celles déposées.
Concernant le prolongement sud, il coûte en effet plus cher que le prolongement nord. Au nord, les travaux consistaient à insérer la ligne de tram dans des voiries existantes, alors qu’au sud, le projet prévoyait sur une partie du tracé de créer un nouveau site propre de tram.
L’extension sud nécessitait donc des expropriations, contrairement au nord. Le coût final des infrastructures résultait d’une procédure de marché public. La procédure pour
le marché sud a mis en évidence des prix très élevés par rapport aux estimations de l’OTW, déjà revues à la hausse suite aux résultats du marché des infrastructures nord.
Les estimations de capacités – pour répondre à ce point qui avait été soulevé – établies par l’AOT se basent sur les charges observées sur les lignes qui auraient été potentiellement remplacées par le tram, ainsi que sur l’étude de restructuration du réseau TEC confiée au bureau Transamo, et non pas sur le nombre d’habitants situés à 500 mètres.
Cette étude permettait d’avoir précisément l’ensemble des charges « fréquentation » prévues uniquement sur les tronçons concernés, en tenant compte de l’effet tram. Concernant les impacts environnementaux, des véhicules électriques dont la capacité est adaptée à la demande potentielle offrent des performances environnementales similaires, voire supérieures à celles d’un tram. C’est l’adéquation entre l’offre et la demande qui permet de minimiser l’impact.
Concernant l’impact social, je n’ai pas commandé d’étude particulière, pas plus qu’il n’y a eu d’étude menée sur la décision préalable de réaliser ces extensions. Ma volonté est justement, via cette décision, d’orienter les moyens disponibles en vue de maximiser l’impact social global. J’y reviendrai.
Le niveau élevé des coûts par rapport à d’autres projets français s’explique en grande partie par la structure de l’opération qui implique inévitablement des marchés classiques pour les infrastructures et des commandes obligatoirement passées aux partenaires privés du contrat de base de la ligne de tram sans mise en concurrence possible. Cette situation implique un coût élevé et est liée au fait que le prolongement de la ligne existante engendre des contraintes techniques qui impactent fortement les coûts. En outre, de nombreux facteurs tels que, par exemple, la longueur du réseau ou les contraintes locales interviennent également pour justifier les coûts de chaque cas particulier. Pour ce qui concerne le nouveau projet, les lignes de bus en site propre et prioritaire, à ma demande, l’OTW a invité les communes à désigner leurs représentants pour participer à des comités d’axes qui suivront la nouvelle étude qui débute. L’OTW est en attente de réponse de la part des communes. Les plans seront prioritairement partagés, amendés et validés au travers de ces comités de projet.
Concernant la sollicitation préalable à l’AOT et la question de Mme Roberty, l’AOT a été créée en 2019, alors que le tram et ses extensions avaient déjà fait l’objet de nombreuses discussions et réunions. Si elle était bien présente lors du PUM du 11 mars 2022, elle n’a pu y assister que pour prendre acte de décisions déjà prises auparavant sans qu’aucun avis ou étude ne lui ait été demandé. Il est évident que l’AOT est informée des projets d’extension du tram, notamment via la notification des décisions successives du Gouvernement sur le dossier et via sa participation au comité de pilotage de la mise en œuvre du PUM de Liège, auquel elle participe systématiquement, notamment vu la délégation octroyée à ce comité par l’organe de consultation du bassin de mobilité Liège-Verviers pour ce qui concerne le réseau urbain liégeois. Cependant, je le répète, elle n’a jamais été consultée par mon prédécesseur préalablement aux décisions sur les extensions.
L’avis du 22 novembre 2022, comme le mentionne l’AOT dans son rapport, se réfère à un élément formulé oralement et spontanément lors du comité de suivi de contrat de service public du TEC. L’AOT y mentionne son inquiétude par rapport au coût de ce projet. Je vous confirme donc que l’AOT n’a pas été sollicitée – je le répète – par mon prédécesseur, et que cette inquiétude n’a d’ailleurs pas non plus été entendue.
Concernant les négociations avec les entreprises, je reviens un peu sur ce qui a été dit en réponse également à Mme Cremasco, mais pour répondre cette fois-ci à Mme Roberty, les négociations entre l’OTW et les entreprises sont en cours et doivent rester confidentielles à ce stade, à défaut de quoi les intérêts financiers de l’OTW – et donc de la Région – pourraient être mis à mal.
Relativement à la dernière question – celle sur la Cour des comptes –, j’ai en effet été sollicité par celle-ci pour obtenir divers documents. Ils ont été fournis à la Cour, mais je n’ai pas reçu de rapport et ne connais pas le planning prévu à cet audit. Je rappelle que la Cour des comptes est un organe collatéral du Parlement.
Réplique de la députée
Monsieur le Ministre, je vais un peu paraphraser ma collègue, mais effectivement, en tant que députée, on s’attend quand même à un peu plus de transparence au niveau du Gouvernement et de votre part en l’occurrence. Souvenez-vous, il y a quelques mois encore, vous étiez député et vous vous seriez battu ici sur les bancs de notre commission, pour obtenir plus de transparence et plus de réponses formelles et factuelles à nos réponses. On ne demande pas la lune, quand même. On floute les chiffres, alors que l’on sait très bien qu’en cherchant un peu, combien de personnes ont déjà pu avoir ces chiffres en main et pourraient nous donner les rapports avec plus de transparence que vous ne l’avez fait !
Bref, on n’a toujours pas non plus de tracé sur Seraing. On reste encore dans un flou artistique qui ne nous permet pas de faire notre travail de député et de contrôle du Gouvernement correctement. Puis, ce que je constate aujourd’hui, c’est que vous ne comparez pas des poires et des pommes. Vous comparez carrément des poires et des framboises, ou des poires avec des ananas. C’est incroyable. Oui, on hausse les yeux, Monsieur le Président, pas de souci. J’ai encore le droit de m’exprimer ici, à la tribune. Désolée, dans les faits, c’est ce qui se passe. Vous ne comparez pas des choses comparables. Je reste sur ma faim, encore une fois, par rapport à
vos réponses. Je n’ai pas de calendrier non plus. Les autorités communales de Seraing, de Liège et de Herstal n’ont toujours pas de calendrier. Je comprends – maintenant, on commence à être habitués : votre logique budgétaire, c’est une logique
d’austérité. J’ai quand même envie de revenir sur une des dernières phrases du rapport de l’AOT – je vais le citer –, il dit : « En conclusion, en l’état des connaissances de l’AOT sur ce dossier, nous recommandons de suspendre les extensions du tram. » Suspendre, Monsieur le Ministre, pas de le stopper net.
Source : Site du Parlement de Wallonie, Compte-rendu provisoire de la réunion de la commission de l’aménagement du territoire, de la mobilité et des pouvoirs locaux – Séance du mardi 5 novembre 2024. Cette version n’engage ni le Parlement, ni les orateurs.