Question orale de Sabine Roberty à Yves Coppieters, Ministre de la santé et de l’égalité des chances.
Monsieur le Ministre, vecteur de nombreuses discriminations, la santé est un enjeu important en matière d’égalité de genre : invisibilisation des maladies féminines, surmédicalisation, tabous et stéréotypes ont en effet des conséquences importantes sur la manière dont les femmes se soignent et sont soignées.
Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes en Belgique, devant le cancer du sein. Pourtant, les risques sont bien moins connus du grand public et une grande majorité estime encore que ces maladies touchent principalement les hommes. Les symptômes qui touchent les femmes sont aussi moins connus. Résultat : elles sont moins bien dépistées, moins bien prises en charge et moins bien soignées.
Le plan Genre, adopté lors de la précédente législature, comportait deux mesures en matière de santé, visant notamment la sensibilisation, l’information, les dépistages et la lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales. La politique en matière de promotion et de prévention de la santé tenait également compte de la dimension de genre.
Quelle position adoptez-vous concernant ces enjeux ? Comment entendez-vous prendre en compte la dimension de genre dans votre politique, qu’il s’agisse de santé mentale, physique ou sexuelle ? Poursuivrez- vous le travail initié en matière de sensibilisation et d’information ? Disposez-vous de nouvelles données pour avoir une idée de la situation en Wallonie au regard des compétences régionales qui sont les vôtres ?
Réponse de Monsieur le Ministre :
Madame la Députée, je vous remercie pour cette question importante sur la prise en charge médicale des femmes.
Comme vous le soulignez, dans le domaine de la santé subsistent de nombreuses discriminations de genre qui impactent fortement la prise en charge médicale des femmes et engendrent de nombreuses conséquences sur leur santé. Nous allons poursuivre le travail initié en matière de sensibilisation et d’information, et ce, à
travers toute une série d’opérateurs.
La promotion de la santé constitue l’une de mes priorités, notamment par l’adoption de l’approche Health in All Policies – la santé dans toutes les politiques – avec une dimension genre qui doit être intégrée à cette stratégie afin de tenir compte des spécificités de la santé des femmes, et ce, quelle que soit leur situation, par exemple, les femmes en situation de handicap, les femmes migrantes ou d’autres situations.
Actuellement, plusieurs associations agréées en tant qu’opérateur en promotion de la santé continuent le travail de sensibilisation et d’information. Parmi ces opérateurs, j’aimerais citer quelques-uns.
Tout d’abord, Femmes et Santé, qui est une ASBL spécifiquement dédiée à la promotion de la santé des femmes. Ils le font via l’empowerment, la littératie en santé, la sensibilisation des acteurs, de la promotion, entre autres.
On peut également citer – vous les connaissez – le GAMS, le Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines, qui œuvre pour la promotion de la santé des femmes concernées par les mutilations génitales féminines en Région wallonne.
De plus, les opérateurs de promotion de la santé qui travaillent auprès des travailleuses du sexe, dont une grande majorité sont des femmes, jouent un rôle important. À cet égard, les associations telles que Entre2Wallonie, I.Care ou encore Espace P sont également agréées pour leur mission spécifique auprès de ce public. Ces agréments durent pour cinq ans et ont commencé en 2023.
De manière plus générale, le Plan de promotion de la santé prend en compte le genre de manière transversale ou systématique. La prévention des violences gynécologiques et obstétricales et la lutte contre ces violences est un autre enjeu important en matière de santé des femmes. Cette thématique a fait l’objet d’un atelier lors de la consultation de la société civile dans le cadre de la préparation du futur plan intrafrancophone de lutte contre les violences faites aux femmes. Cela s’est déroulé le 26 septembre dernier. Les participants ont notamment relevé la difficulté d’aborder cette question avec le corps médical et ont insisté sur l’importance de la sensibilisation et de la formation de l’ensemble de ces professionnels de santé en s’adaptant aux réalités de leur secteur.
À cet égard, la plateforme citoyenne pour une naissance respectée bénéficie d’une subvention pour son projet d’autodéfense pour les soignantes et les soignants. Il vise à prévenir les violences gynécologiques et obstétricales en outillant le corps médical afin de s’autoévaluer et de réagir face à ces comportements en se fondant sur l’approche de l’autodéfense féministe.
Je voudrais encore citer l’ASBL Synergie Wallonie pour l’égalité entre les femmes et les hommes, subsidiée par notre Région wallonne. Ils ont notamment organisé, le 19 novembre dernier, une très intéressante conférence sur les violences gynécologiques et obstétricales.
Quant aux données disponibles, Madame la Députée, vous savez que nous attendons les données de l’enquête nationale de santé 2023-2024 de Sciensano, qui est en cours d’analyse et qui apportera de nouvelles données dès 2025. Les résultats de ces enquêtes sont systématiquement présentés par genre ou par sexe, et dans toutes les thématiques.
Par ailleurs, le Cahier de l’égalité entre les femmes et les hommes en Wallonie sur le genre et la santé mentale, publié par l’IWEPS en 2022 documente très bien cette thématique sur base de données statistiques récentes et d’une analyse genrée de la santé mentale.
Enfin, les deux administrations compétentes pour l’égalité, le SPW IAS, et pour la santé, l’AViQ, collaborent étroitement afin de soutenir les démarches à l’égard de tous les opérateurs en la matière.
Réplique de la députée :
Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour l’ensemble de vos réponses qui témoignent – j’en atteste avec vos réponses – de toute la sensibilité que vous portez à la prévention et à la sensibilisation et à la prise en charge médicale des femmes.
Vous avez cité toute une série d’opérateurs qui ont déjà reçu un agrément. Je me réjouis d’avoir des compléments dans le courant de 2025, pour voir qui aura un nouvel agrément pour travailler, tant dans la sensibilisation que dans la prévention. Vous avez cité des partenariats qui s’opèrent déjà et des collaborations.
J’espère que ces collaborations pourront nourrir ce travail, qui est un vrai travail de fond. On est vraiment au tout début de la prise en charge de ce phénomène, en tout cas de cette sensibilisation que tout le monde devrait avoir autour de la santé liée aux femmes et aux discriminations de genre.
Vous avez notamment cité le GAMS, j’en suis bien contente parce que justement je suis allée à leur rencontre vendredi. Comme toutes les autres associations, elles font vraiment un travail tout à fait extraordinaire. Je vous invite à aller à leur rencontre.
C’était une première grosse question sur les enjeux. Tout au long de cette législature, croyez-moi, j’aurai l’occasion de revenir ici poser des questions.
Source : Compte-rendu avancé de la commission de la santé, de l’environnement et de l’action sociale du Parlement de Wallonie du 3 décembre 2024. Cette version n’engage ni le Parlement, ni les orateurs.