Pénurie de dentistes en Wallonie : vers une solution ?

Question orale du 20 septembre 2022 de Sabine Roberty à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des chances.

Madame la Ministre, récemment, la Société de médecine dentaire rappelait l’important problème de la répartition des dentistes en Wallonie, avec, par exemple, des communes plus pauvres étant largement moins bien desservies.

Celle-ci soulignait également la présence de plus en plus importante de grands groupes tels que Dentius et Odontalia.

Face à la difficulté d’acquérir son propre matériel pour les jeunes dentistes – cela coûte très cher de s’établir comme dentiste –, ces derniers sont de plus en plus nombreux à rechercher ce type de collaboration. S’il ne faut pas rejeter en bloc ce type de fonctionnement, il apparaît que ces structures sont des entreprises commerciales dont le but reste de faire des bénéfices. Nous pouvons donc craindre des dérives vers des soins « low cost » avec le développement de ces modèles économiques.

En ce qui concerne la médecine générale, des incitants ont été mis en place pour que les professionnels s’installent dans des régions en sous-effectifs. Vous avez annoncé dans la presse que votre cabinet se penchait sur l’opportunité d’un système similaire pour les dentistes. Des pistes sont-elles envisagées ? D’autres outils, différents des incitants financiers, pourraient-ils être envisagés pour amener plus de professionnels des soins bucco-dentaires vers les zones en pénurie ? Comment percevez-vous le développement de plus en plus important de ces grands groupes de santé dentaire ? Des dérives ont-elles déjà été enregistrées ? Enfin, dans le but de faciliter l’accès aux soins bucco-dentaires, vous avez annoncé la mise en place d’un projet pilote visant la création de cabinets dentaires mobiles, en collaboration avec les maisons médicales. En mai dernier, lors d’une question, vous annonciez la mise en place d’un groupe de travail en vue du lancement de l’appel à projets auprès des associations de soins intégrés dans le courant de l’année. L’appel à projets a-t-il pu être soumis au Gouvernement et a-t-il pu être validé par ce dernier ?

Réponse de Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Égalité des chances.

Madame la Députée, la pénurie des prestataires de soins et leur juste répartition sur le territoire wallon me préoccupent également. Je pense que c’était d’ailleurs l’une des premières questions que Mme Vandorpe m’avait posées en question urgente quand j’ai pris mes fonctions.

L’apparition de grands groupes offrant des soins dentaires est nouvelle dans le paysage wallon. Je réponds en même temps à la question jointe de Mme Goffinet afin qu’elle ne soit pas frustrée. Comme toute nouveauté, elle apporte ses avantages et ses inconvénients. Si l’on veut travailler sur l’installation de jeunes nouveaux dentistes en Wallonie, on doit vérifier ce qu’ils souhaitent. Quand on avait pris contact avec les dentistes concernant un dispositif de type Impulseo, ils nous avaient expliqué que les montants d’investissement pour s’installer comme dentiste étaient sans commune mesure avec ceux des généralistes. C’est la raison pour laquelle un dispositif identique n’était pas possible.

Néanmoins, on a remis les choses sur le métier, notamment dans le cadre de Proxisanté. Il sera discuté à l’occasion des ateliers de la phase III du projet Proxisanté qui vont se dérouler le 30 septembre. Les premiers résultats des phases précédentes dans Proxisanté montrent qu’il faut d’abord envisager une réorganisation générale de la première ligne, avoir un maillage territorial stabilisé avant de rentrer dans le détail de chaque type de soins. Ce chantier sera prioritaire dans les prochains mois.

Par ailleurs, la loi du 10 mai 2015 relative aux professions de santé est une compétence exclusive de l’autorité fédérale qui gère le système de contingentement régulant la force de travail en médecine dentaire. Les quotas par communauté sont fixés par arrêté royal. La Fédération Wallonie-Bruxelles, dans le cadre de sa compétence héritée à la faveur de la sixième réforme de l’État, a mis en place récemment une commission de planification francophone des sous-quotas des métiers de santé basés sur les données d’un cadastre dynamique et permanent avec une estimation des besoins. La Région wallonne participe aux travaux avec voix consultative.

Néanmoins, nous pouvons avoir l’information. Les travaux de cette commission pourront, dans le futur, nous aider à mieux comprendre les phénomènes liés aux différentes pénuries de prestataires de soins en Wallonie et sans doute mettre en avant les pistes de solutions plus adéquates pour y remédier.

Concernant l’appel à projets à destination des associations de santé intégrée afin de créer des unités dentaires mobiles, je l’avais annoncé au moment du démarrage du cursus qui allait, pour la première fois, en diplômer. Il est en passe d’être approuvé par le Gouvernement et sera lancé dans les prochaines semaines sous l’appellation « Soins dentaires mobiles ». Cet appel à projets permettra à quatre projets de voir le jour pendant un an, renouvelable après évaluation d’un comité d’accompagnement. C’est un projet auquel je crois et pour lequel on essaie de trouver des solutions un peu différentes, un peu novatrices, où l’on va former des personnes qui ne sont pas des dentistes en tant que tels, mais qui peuvent faire de la prévention, de la prise en charge. On sait bien que la prise en charge mobile pour des personnes qui ne se présentent pas – malgré les gratuités ou en raison de problèmes de disponibilité des dentistes – pourrait être une solution favorisant l’accessibilité du plus grand nombre, singulièrement pour les personnes les plus éloignées des dentistes.

Aujourd’hui, certains dentistes n’acceptent plus de nouveaux clients. J’ai énormément de témoignages qui me reviennent en ce sens. C’est un problème de santé, de prise en charge de la première ligne qui doit nous interpeller et pour lequel nous devons trouver des solutions. Celles-ci seront, je l’espère, des réponses concrètes.

Réplique de Sabine Roberty

Je remercie Mme la Ministre pour l’ensemble de ses réponses. Les grands groupes qui s’installent chez nous, c’est un nouveau phénomène. Il va falloir travailler avec. Comme vous, je pense qu’il ne faut pas tout rejeter en bloc ; chacun y trouve ce qu’il peut. J’ai bien entendu votre réponse concernant Proxisanté en phase III avec la deadline du 30 septembre. C’est pour vous un chantier prioritaire et je m’en réjouis. Vous avez parlé de ce contingentement fixé par arrêté royal ; cela nous dépasse. Je sais que vous y êtes attentive. Vous avez répondu quant aux appels à projets pour les soins mobiles. On ne peut que s’en réjouir parce que c’est la porte d’entrée à un grand nombre de maladies. Il est important de commencer par là quand on veut parler de prévention à la santé.

Crédit photo : Photo de Pixabay: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/dentiste-femme-portant-des-gants-blancs-et-un-gommage-blanc-verifiant-les-dents-du-garcon-52527/