FWB – Enfant et phobie scolaire

Question écrite du 3 mars 2021 de Sabine Roberty à Caroline Désir, Ministre de l’éducation

Question de Sabine ROBERTY – Si la plupart des parents sont familiers des crises de larmes du lundi matin quand les enfants préfèreraient rester chez eux plutôt que d’aller à l’école, dans certains cas ces réactions ne doivent pas être prises à la légère. En effet, maux de tête ou de ventre signicatifs, attaques de panique ou encore crises d’angoisses au moment de partir pour l’école peuvent être les signes de phobie scolaire. La phobie scolaire, aussi appelée refus scolaire anxieux, est une notion complexe dont les causes peuvent être multiples. Il peut par exemple s’agir d’un problème familial, d’une dépression ou encore de cas de harcèlement scolaire. Les symptômes et leur intensité peuvent également varier d’un enfant à l’autre. Dans ces cas, une prise en charge par un psychologue est nécessaire, et parfois cela peut également conduire à une hospitalisation. Ce suivi est très important car cette anxiété et ses implications au quotidien peuvent avoir de lourdes conséquences sur la scolarité de ces enfants mais aussi sur leurs sociabilisation. Nous l’avons dit, la phobie scolaire peut avoir des origines multiples et si elle se manifeste par une peut extrême de l’école, celle-ci n’est pas seule responsable. Elle a cependant un rôle à jouer pour aides les enfants et les parents en souffrance, mais aussi pour équiper au mieux les enseignants qui peuvent être démunis. Dans ce cadre on peut souligner l’importance du pacte d’excellence qui accorde une attention toute particulière au bien-être général des élèves tout comme les mesures de lutte contre le harcèlement scolaire mises en place qui jouent également un rôle prépondérant.  

Madame la Ministre, quelle est votre analyse de ce phénomène ? Disposons-nous d’études pour mieux appréhender ce qui le provoque ?

Il semble que cela touche 5% des enfants en âge d’être scolarisés, ce chiffre colle-t-il à la réalité que nous connaissons en FWB ? 

Avons-nous déjà une idée de l’impact que pourra avoir l’école en alternance à distance/en présentiel mise en place dans le cadre de la crise sur ce phénomène ? 

Les enseignants, mais également le personnel encadrant et les centres PMS sont-ils suffisamment informés pour pouvoir agir en conséquence ?

A Bruxelles, depuis 2015, une section de l’école Robert-Dubois accueille uniquement des jeunes en retrait scolaire anxieux. L’école n’est pas certificative mais permet aux élèves de poursuivre leur scolarité dans un environnement adapté et en gardant le contact avec l’école d’origine. Parmi les élèves qui y sont passés depuis la création, 80% ont pu réintégrer une école. Aujourd’hui, il s’agit du seul établissement spécialisé et il est rapidement complet. D’autres initiatives commencent à se mettre en place en Wallonie. 

Avez-vous pu prendre connaissance du travail mené par cette école ? Est-il selon vous nécessaire de favoriser la création d’établissements de ce type ? 

Réponse de Caroline DESIR, Ministre de l’éducation – Madame la Députée, la phobie scolaire (ou refus scolaire anxieux) est une manifestation spectaculaire de l’anxiété générée par :

–       des épreuves de vie conduisant à une angoisse de séparation ;

–       des pratiques dangereuses imposées à l’école (racket, harcèlement,…) ;

–       l’angoisse de ne pas réussir (parfois causée par une pression parentale excessive) ;

–       un manque d’autonomie psychique.

Selon les professionnels en pédopsychiatrie, cette problématique toucherait 1 à 2% des jeunes en âge scolaire et représenterait 5% des consultations pédopsychiatriques.

Il s’agit d’un trouble très spécifique qui peut parfois être confondu avec des « caprices » de jeunes et mener à des conclusions hâtives relatives par exemple au manque d’autorité chez les parents. Seuls des spécialistes aguerris peuvent émettre un diagnostic différentiel précis.

 L’enseignement à distance mis en place suite à la crise sanitaire a pu, en effet, renforcer un état latent chez certains élèves ou provoquer ce trouble suite au climat ambiant anxiogène : peur de la maladie, peur de contaminer les proches et de causer leur décès, culpabilisation lancinante des jeunes, pression liée aux apprentissages, …  A contrario, un sondage en ligne réalisé par des équipes universitaires de l’ULiège et de l’UCLouvain auprès des élèves du secondaire au sujet de leur bien-être et de leur santé mentale[1] révélait que la période de confinement (et l’enseignement à distance) avait constitué un véritable soulagement pour les élèves concernés par les phénomènes de harcèlement ou de phobie scolaire.

Via leur formation, les professionnels des centres psycho-médico-sociaux disposent des compétences nécessaires pour analyser finement les situations individuelles, émettre des hypothèses, accompagner les enseignants, soutenir et orienter les élèves et leur famille. Les agents ne peuvent ni pratiquer eux-mêmes de thérapie, ni même fournir toute l’aide spécialisée nécessaire aux élèves souffrant de ce trouble mais ils se doivent de créer un lien avec les opérateurs locaux indiqués et adaptés, après avoir effectué un bilan de la situation rencontrée, sur demande d’(un) enseignant(s) ou de la famille.

Comme vous le signalez, des établissements se sont spécialisés dans la prise en charge de ce type d’élèves. Ainsi, l’école Robert-Dubois à Bruxelles mais aussi l’école Léopold Mottet à Liège accueillent des jeunes en situation de phobie scolaire. Les élèves qui y suivent leur scolarité bénéficient de cours taillés sur mesure. Les enseignements sont prodigués en tout petits groupes car la plupart n’ont pas vraiment l’instinct grégaire. À deux ou à trois, ils apprennent les mêmes contenus que d’autres élèves du même âge, en mathématiques, en sciences, etc. Des ateliers complètent le menu du programme.

Signalons que notre système permet à des classes SSAS (Structure Scolaire d’Aide à la Socialisation ou à la resocialisation) d’être organisées dans l’enseignement primaire et secondaire spécialisé. Ces classes proposent à des jeunes présentant des troubles structurels du comportement et/ou de la personnalité un lieu resocialisant et restructurant leur permettant ensuite une réintégration dans une structure classique d’apprentissage.

Si les places pour ce genre d’accueil sont réduites, il n’en reste pas moins que des dispositifs ambulatoires peuvent être mis en œuvre en mobilisant les acteurs en capacité de répondre à une telle problématique.

Le nombre de maladies, de troubles, de symptômes sont nombreux et il semble illusoire de vouloir répondre à chacun d’eux par un type d’enseignement particulier. Au contraire, le Pacte pour un Enseignement d’excellence plaide pour un enseignement inclusif où chaque élève peut/doit trouver sa place dans l’enseignement ordinaire. Dans le cadre qui nous préoccupe, l’appui ponctuel de l’enseignement spécialisé peut certes venir renforcer l’aide nécessaire de manière transitoire mais l’accompagnement d’un élève par des opérateurs constitutifs d’un réseau local articulé efficient et efficace doit rester prioritaire.

[1] http://www.enseignement.be/index.php?page=28274&navi=4601