FWB – TF1 passe à la régie publicitaire de RTL, quelles conséquences ?

TF1 annonce son passage à la régie publicitaire IP Belgium de RTL. Quelles conséquences dans la perspective d’un juste équilibre du marché médiatique en Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Question de Sabine ROBERTY à Madame LINARD, Ministre de l’enfance, de la santé, de la culture, des médias et des droits des femmes

En 2017, TF1 arrivait sur le marché publicitaire belge grâce à un accord avec la régie flamande Transfer. À l’époque, les principaux opérateurs médiatiques actifs sur le marché francophone, tant publics que privés, s’inquiétaient du bouleversement potentiel et de l’effet d’aspiration que cette arrivée pourrait provoquer sur les ressources publicitaires, déjà affaiblies par la présence de nouveaux opérateurs, géants d’internet. Insatisfaite des résultats obtenus, TF1 annonçait ensuite son passage chez IP Belgium, régie publicitaire de RTL. Depuis le 1er septembre, c’est cette régie qui commercialise les publicités belges de la chaîne française.

C’est une question particulièrement sensible à bien des égards, tout d’abord à cause du positionnement concurrentiel de la régie concernée qui se trouve encore renforcé et, ensuite, en raison de la possible remise en cause d’accords de diffusion existants entre TF1 et la RTBF. Force est de constater que ces évolutions et ces craintes de perturbation du marché peuvent avoir des conséquences négatives sur l’emploi.

Madame la Ministre, comment percevez-vous ce partenariat entre IP Belgium et TF1, dans la perspective d’un juste équilibre du marché médiatique ? Puisque la Déclaration de politique communautaire (DPC) prévoit de renforcer les mesures de limitation de la publicité sur la RTBF, cette évolution accentue la crispation entre les acteurs médiatiques, alors que ces derniers doivent faire face à la menace plus grande encore que représentent des acteurs internationaux tels que les GAFAN (Google, Amazon, Facebook, Apple, Netflix) qui ne sont pas régulés de la même manière.

Il importe également de veiller à ce que les recettes du marché francophone aient des retombées ici, notamment pour l’investissement dans la production locale. À ce titre, la transposition de la directive relative aux services de médias audiovisuels (SMA) permettra d’utiliser des mécanismes anti-contournement et de contributions obligatoires. J’ai vu que ce point figurait également dans la DPC. Avez-vous déjà pu arrêter un calendrier pour avancer sur ce dossier ?

Réponse de Bénédicte LINARD, Ministre de l’enfance, de la santé, de la culture, des médias et des droits des femmes

Depuis septembre 2017, le groupe TF1 a conclu une convention auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) français pour diffuser le service TF1 Belgique, qui reprend les programmes de TF1 avec des tunnels publicitaires spécifiquement destinés au public belge. L’annonce de l’arrivée d’un nouveau service a provoqué beaucoup d’inquiétudes étant donné son impact potentiel sur le marché publicitaire et les revenus publicitaires des autres chaînes télévisées. D’après l’étude du Centre d’information pour les médias (CIM), TF1 représentait 13,35 % des parts du marché télévisé en 2018 en Belgique francophone.

Cependant, TF1 n’a pas obtenu les résultats escomptés : le groupe visait de 15 à 20 % d’investissements publicitaires bruts et en a atteint 5 % environ. Il s’est donc tourné, depuis septembre 2019, vers la régie IP Belgium. Ce nouveau partenariat relève d’un accord commercial qui, en outre, est intervenu avant mon entrée en fonction. Je serai néanmoins vigilante quant à son évolution, car, outre les revenus publicitaires, il pose également question en matière d’accord de primo-diffusion, c’est-à-dire au sujet la possibilité pour la RTBF de diffuser certains programmes quelques jours avant leur diffusion sur TF1. Je reste également attentive à la protection des publics francophones, au respect des règles publicitaires applicables en Fédération Wallonie-Bruxelles et à la contribution à la production.

Sur ces derniers points, la nouvelle directive SMA devra apporter une série de réponses concernant le respect des règles et la contribution à la production audiovisuelle par les services qui ciblent notre territoire, comme TF1. Nous sommes en train d’évaluer le calendrier de transposition de cette directive. En outre, le futur décret SMA aura également pour objet de transposer le Code sur les communications électroniques européen.

Le service général de l’audiovisuel et des médias (SGAM) a déjà entamé les travaux autour de l’avant-projet de décret. Le collège d’avis du CSA est actuellement en train de se réunir afin de rédiger un avis sur les deux directives. Celui-ci devrait nous parvenir dans le courant du mois d’octobre. L’objectif est bien évidemment d’aboutir à une adoption du décret par le Parlement avant l’échéance du délai de transposition qui est fixée au 19 septembre 2020.

Toutefois avant son dépôt au Parlement et outre les lectures au gouvernement, le texte devra être soumis à trois instances autres que le CSA. 

La première est le Comité interministériel des télécommunications et de la radiodiffusion en application de l’article 9 de l’accord de coopération du 17 septembre 2006 relatif à la consultation mutuelle lors de l’élaboration d’une législation en matière de réseaux de communications électroniques, lors de l’échange d’informations et lors de l’exercice des compétences en matière de réseaux de communications électroniques par les autorités de régulation en charge des télécommunications ou de la radiodiffusion et la télévision. 

La deuxième est la Commission européenne en application de la directive européenne 98/34/CE du 22 juin 1998, modifiée par la directive 98/48/CE, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques. Cette directive instaure un principe de notification préalable à la Commission de projets législatifs ou réglementaires des États membres afin de vérifier que les règles envisagées ne créent pas de nouveaux obstacles au commerce et au marché intérieur. 

La troisième est le Conseil d’État. Une adoption avant la fin de juin 2020 nous paraît donc a priori difficilement envisageable