PW – Quel bilan pour la salle de consommation à moindres risques de Liège ?

Question orale de Sabine ROBERTY à Christie MORREALE, Vice-présidente et Ministre de l’emploi, de la formation, de la santé, de l’action sociale, de l’égalité des chances et des droits des femmes sur le bilan de la salle de consommation à moindres risques de Liège

Madame la Ministre, en mai 2018, le Parlement de Wallonie se prononçait en faveur de la mise en place – je cite, la phrase est très longue – « d’expériences pilotes de dispositifs intégrés en réduction des risques liés aux assuétudes et à la toxicomanie ».

Quelques mois plus tard, la Ville de Liège ouvrait la toute première salle de consommation à moindres risques du pays. Nous venons donc de fêter la première année d’existence de cette structure qui affiche un bilan très positif.

Ainsi, 489 toxicomanes y sont inscrits et y passent régulièrement pour consommer leurs stupéfiants dans un cadre sécurisé et à l’abri des regards. Si les problèmes de consommation sur la voie publique ne sont pas éradiqués, ils ont cependant fortement diminué. Le coordinateur général estime que ce sont 15 000 actes de consommation qui n’ont pas été réalisés en rue depuis l’ouverture. De plus, la structure et l’équipe pluridisciplinaire permettent de créer un véritable lien avec les consommateurs et d’avoir un suivi sur leur santé.

Dans la Déclaration de politique régionale, il est précisé que le Gouvernement mènera une politique de réduction des risques, notamment à partir de l’évaluation de la salle de consommation. Cette évaluation est-elle déjà en cours ? L’avez-vous demandée ?

Le Gouvernement souhaite-t-il apporter son soutien à cette expérience pilote ? Avez-vous été informée si d’autres villes souhaiteraient initier cette expérience ? Si oui, souhaitez-vous encourager leur mise en place ?

Enfin, interviendrez-vous auprès du futur Gouvernement fédéral, pour avancer vers un cadre législatif qui permettra la mise en place concrète et encadrée de ces expériences pilotes ?

Réponse de Christie MORREALE, Vice-présidente et Ministre de l’emploi, de la formation, de la santé, de l’action sociale, de l’égalité des chances et des droits des femmes

Madame la Députée, je vous connaissais avant avec votre casquette santé et je vous reconnais maintenant avec vos questions parlementaires autour de ces questions et particulièrement, celles sur la salle de consommation à moindres risques, qui est importante et qui a fait l’objet d’expériences pilotes sur Liège.

Sur l’évaluation de la salle de consommation, qui a ouvert ses portes il y a un peu plus d’un an à Liège,

Vous souhaitez en savoir plus au sujet de l’évaluation qui a été évoquée dans la Déclaration de politique régionale. Comme vous le savez probablement, la fondation Tadam, qui est à l’origine de l’ouverture de la première salle de consommation à Liège bénéficie d’une convention pluriannuelle qui s’étend du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021. Il est prévu dans cette convention qu’un comité d’accompagnement supervise le bon déroulement des actions en entreprise et la bonne utilisation des subventions accordées dans le cadre de cette convention.

Ce comité composé de membres de mon cabinet ainsi que de représentants de l’AViQ, sera amené à se réunir au minimum une fois par an, ou davantage à la demande de l’un de ses membres. Dans une interview de juillet 2019, le président du CPAS de Charleroi, M. Van Cauwenberghe, s’est dit intéressé de développer un tel projet sur Charleroi.

Étant donné que la salle de consommation liégeoise est la première initiative à s’être mise en place dans notre pays, il est souhaitable qu’elle fasse l’objet d’une analyse suffisamment précise pour déterminer la pertinence d’ouvrir d’autres salles de consommation, telles quelles, dans d’autres provinces wallonnes.

Les points d’attention relayés par cette évaluation seront évidemment appréciés pour éviter d’éventuels écueils. Cette évaluation devra, bien entendu, prendre en compte celle qui a été réalisée lors de la première expérimentation.

Dans l’idée de permettre à d’autres initiatives de voir le jour, il conviendra notamment d’intégrer dans ce travail la récente étude réalisée par l’Université de Gand, l’Université catholique de Louvain et la Belgian Science Policy Office, Belspo en 2018, qui transmet par ailleurs des recommandations pratiques empiriquement fondées, dans le cas où la Belgique souhaiterait aller de l’avant dans le cadre de ce projet.

Cette étude établit notamment les conditions préalables essentielles à remplir, ainsi que les considérations à prendre en compte pour la mise en place d’une salle, du processus de mise en oeuvre, de l’évaluation du monitoring à prévoir. Vous vous interrogez au sujet de l’intention d’avancer vers un cadre législatif pour mettre en place concrètement et de manière plus encadrée cette expérience pilote. Aujourd’hui, la Région a bien avancé, même s’il est vrai que l’on a encore du travail sur le sujet, ainsi que l’autorité fédérale comme vous le soulignez.

En effet, une modification de la loi du 24 février 1921 devrait permettre de sécuriser juridiquement l’ouverture de toute salle de consommation. Légalement, vous n’êtes pas sans savoir que le fait de mettre à disposition un local pour l’usage de drogues peut toujours faire l’objet de poursuites sur la base de la loi, dont il conviendrait de préserver notre opérateur. Néanmoins, si l’on veut avancer, parfois, il faut être précurseur. Je pense que si certains ont pris quelques risques, on savait qu’on était dans une balise d’expérience pilote, et nous avions un parlementaire, membre de cette commission par ailleurs, M. Drèze en l’occurrence, qui, je pense, préside maintenant ce projet.

L’étude précitée mettait en exergue les options envisageables sur le plan légal afin d’autoriser la mise en place d’une salle de consommation en Belgique. Une première option demande de prévoir une exception explicite pour la mise en oeuvre des salles de consommation dans la législation.

Une seconde modifierait l’interprétation de l’article 3, § 2 de la loi de 1921, par un arrêté royal qui devrait spécifier que ces services constituent une mesure spécifique de réduction des risques visant la protection de la santé des utilisateurs.

Une troisième option, plus facilement réalisable, consisterait alors à mettre en place une salle dans le cadre d’une expérimentation scientifique, par exemple, ou médicale
temporaire. Néanmoins, cette dernière possibilité ne présente pas un
caractère durable et nous n’en sommes plus à une expérimentation
temporaire.

Compte tenu de ces différentes options, la mise en place de ces salles pourrait être juridiquement fondée et assurée, avec comme objectif clair et prioritaire – moyennant des conditions rigoureuses d’application – et, comme dans le projet liégeois, très professionnelles, d’améliorer la santé des personnes dépendantes.

Nos pays voisins en sont d’ailleurs un bel exemple, dont il convient, je crois, de s’inspirer. On peut en effet dénombrer pas moins de 90 salles de consommation en

Europe à ce jour. Relevons à ce sujet que la Suisse a mis en place sa première salle en 1986. Nous ne pouvons donc que souligner le caractère durable d’une telle initiative.

L’étude, à laquelle j’ai fait allusion plus tôt, met d’ailleurs en exergue une réduction significative des accidents par overdose, des problèmes liés à l’échange de seringues usagées, notamment dans les lieux publics, et des blessures par injonction, ce qui présente l’avantage aussi de rassurer la population.

Compte tenu des compétences du Fédéral pour modifier le cadre légal, j’envisage effectivement de porter le point à la Conférence interministérielle de la santé.

Je vous confirme que la Région wallonne continuera, comme elle l’a fait et comme le prévoit la DPR, à financer des associations de terrain dans le secteur des assuétudes et développera également de plus en plus une politique innovante en matière de prise de charge de la toxicomanie. C’est en tout cas bien vers cette finalité que je souhaite inscrire mes actions.

Je vous remercie.

Réplique de Sabine Roberty

Un long chemin reste encore à parcourir. Je tiens seulement à rappeler que maintenant, la plupart des toxicomanes liégeois sont devenus des habitués du « Saf’ti », puisque c’est le nom que l’on a donné à la salle de consommation et que l’on ne peut effectivement que se réjouir des premiers résultats. Merci pour vos réponses qui sont de nature très rassurante et très positive.