Au cours des cinq dernières années, la hausse nominale de prix a été de 26,4 % en moyenne et atteint même 32,1 % dans le secteur privé, c’est ce que démontre l’étude de la Fédération des CPAS. Comment lutter contre les tarifs abusifs en Wallonie ?
Question orale de Sabine ROBERTY à Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes sur les prix pratiqués en maison de repos.
Madame la Ministre, récemment, la Fédération des CPAS a publié une étude sur l’évolution des prix en maison de repos en Wallonie qui confirme une nouvelle fois une nette accélération de leur croissance.
D’après cette enquête, au cours des cinq dernières années, la hausse nominale de prix a été de 26,4 % en moyenne et atteint même 32,1 % dans le secteur privé. Les raisons de cette augmentation avancées par la Fédération sont entre autres : la hausse des prix de l’immobilier, un renforcement des normes architecturales, l’évolution des standards de confort, mais aussi la montée en puissance de grands groupes privés spécialisés est également avancée.
Cette hausse des prix très marquée au cours des dernières années pose question en termes d’accessibilité des maisons de repos. Certaines pourraient devenir inaccessibles pour les publics les plus précaires. Cette hausse des prix est également inquiétante pour les finances locales, puisqu’une aide sociale peut être sollicitée auprès d’un CPAS si un aîné ne peut pas payer ses frais de soins et d’hébergement en maison de repos.
Ce rapport rappelle aussi une nouvelle fois l’importance de proposer des services d’aide à domicile suffisamment développés et accessibles, qui rencontrent les volontés et les besoins des personnes en perte d’autonomie.
À la lecture de cette étude, je me réjouis de voir que les recommandations de la Fédération rejoignent un grand nombre de dispositions reprises dans la DPR, comme l’importance du maintien à domicile, l’évaluation du système de l’APA, ou encore le maintien de la clé actuelle de répartition.
Madame la Ministre, avez-vous pu prendre connaissance de l’étude de la Fédération ? Quelle est votre position sur les propositions avancées par celle-ci ?
La DPR prévoit de lutter contre les tarifs abusifs, quels sont les leviers dont nous disposons pour y parvenir ?
Enfin, le Gouvernement prévoit également d’augmenter les alternatives aux structures résidentielles de long séjour. Pouvez-vous faire le point sur l’offre en Wallonie actuellement ?
Réponse de Christie MORREALE, Vice-présidente, Ministre de l’emploi, de l’action sociale, de la santé et des droits des femmes
Mesdames et Monsieur les députés, la Région a instauré la limitation de l’augmentation des prix depuis plusieurs années. Cette augmentation ne peut pas, sur une année civile, dépasser 5 % au-delà de l’indexation des prix à la consommation survenue depuis la dernière augmentation. Chaque augmentation doit faire l’objet d’une justification.
Malgré ce dispositif-là, on va être tous d’accord sur le constat, force est de constater, au regard notamment de la dernière étude de la Fédération des CPAS et sur base des contacts que l’on a quotidiennement avec les gens, que les prix ont augmenté de manière importante. L’AViQ a ainsi reçu 110 dossiers de demande de hausse globale de maximum 5 % en 2015, 60 dossiers en 2016, 70 dossiers en 2017 et 64 dossiers en 2018.
Il semble que la disparition durant la période de 2015 à 2017 de bon nombre de petites maisons qui pratiquaient généralement des prix relativement bas fait en sorte de gonfler la moyenne des prix. Les places de ces établissements étant rachetées par des gestionnaires qui construisent des infrastructures nouvelles avec les coûts que ces situations impliquent.
Comme l’étude de la Fédération des CPAS le confirme d’ailleurs, la création de nouvelles places ou bien la rénovation d’établissements avec à la fois des chambres individuelles plus nombreuses et mieux équipées, par exemple, avant il n’y avait pas de sanitaires généralement dans chacune des chambres, aujourd’hui, c’est le cas et j’ai envie de dire que cela me semble être normal en termes de dignité humaine, par exemple, la création en 2016 d’une maison de repos à Nivelles, je le dis seulement à titre illustratif, dans le secteur associatif, avec des chambres individuelles qui vont jusque 130-140 euros, mais aussi le passage de certains à un prix solidarisant quelques suppléments – cela dépend des frigos, des télévisions, du téléphone, du wifi, des raccordements –, tirent de facto les tarifs vers le haut.
Si la législation actuelle précise que seuls les biens et services choisis librement par le résident peuvent faire l’objet de suppléments, il semble que le fait de proposer un all-in entraînerait une augmentation des tarifs. De la même manière, le souhait partagé par quasi l’ensemble des acteurs de terrain, mais aussi par les résidents de pouvoir profiter de chambres à maximum deux lits et de superficies plus importantes a également, on peut le comprendre, un coût qui est répercuté in fine sur la personne hébergée.
Cela dit, en cas de nouvelle construction ou de travaux de transformation de l’établissement pour aînés, les résidents présents avant le début des travaux conservent le droit au maintien du prix d’hébergement ou d’accueil précédent.
Lors de la précédente législature, la problématique des prix a été abordée et a conduit à un arrêté du Gouvernement wallon du 16 mai, qui a été publié au Moniteur belge, qui dispose qu’un premier prix d’hébergement comprenant le prix à charge du résident et fixé librement par le gestionnaire et les suppléments limités à 20 % du prix de base est appliqué, avec un dossier explicatif qui doit être transmis à l’agence.
Dans le cadre de ce nouveau dispositif, il conviendra de disposer d’une information permanente et d’un tableau de bord de l’évolution des prix.
Je ne vais pas revenir sur les freins ou les objections que certains avaient, mais ce dispositif devra être évalué.
Concrètement, un cadastre des prix sera réalisé par l’AViQ, afin d’établir un contrôle permanent entre l’évolution des prix dans les établissements d’accueil et d’hébergement pour aînés. Le contrôle des prix et l’accessibilité aux différentes formes d’accueil et d’hébergement seront deux de mes priorités lors de cette législature. Il n’est pas question que les maisons de repos deviennent un produit de luxe pour les personnes les plus précaires. Cela doit être un droit accessible pour tous, quel que soit son revenu.
L’étude sur les prix de la Fédération des CPAS fera l’objet d’une analyse par les instances compétentes de l’AViQ et un groupe de travail sera constitué pour formuler des propositions sur cette thématique.
Quand l’impact de ces dispositifs sera plus clair, nous envisagerons, le cas échéant, des mesures correctrices.
Il va cependant sans dire que le suivi de l’évolution doit être rapproché afin d’éviter toute dérive, analysé et mis en relation avec un autre projet de Déclaration de politique régionale, à savoir l’évaluation de la location allouée aux personnes âgées, ce qu’on appelle l’APA.
Je voudrais ajouter que si les personnes restent plus longtemps à domicile et que les services à domicile sont suffisamment développés et accessibles, le besoin en maison de repos est moindre ou à tout le moins l’entrée en maison de repos est retardée.
C’est vrai, on l’a évoqué tout à l’heure, le choix des gens est aussi quelque chose d’important, puisque si l’on demande à la personne ce qu’elle préfère, dans 80 % des cas, elle voudra rester chez elle, d’où l’enjeu de pouvoir prévoir des dispositifs et d’amplifier les services d’aide et de soins à domicile, pour permettre aux personnes en manque d’autonomie et qui le souhaitent de continuer à vivre chez elles, en rendant cette offre accessible financièrement.
On l’a évoqué précédemment dans le cadre de la discussion sur la proposition de décret de Mme Greoli, au conclave, on a obtenu, j’ai obtenu des premières avancées, le Gouvernement a accepté des avancées concrètes, tangibles en cette matière pour augmenter notamment les contingents d’heures des SAFA. C’est une première étape en ce sens. Il faut poursuivre le chemin et s’assurer en quelque sorte d’une norme de croissance pour ce qui concerne la santé des seniors.
De façon analogue, les formules entre le domicile et l’accueil résidentiel peuvent retarder l’entrée en maison de repos. En ce qui concerne les offres alternatives, nous sommes au début de la législature et, je m’en suis ouverte auprès de vous, je voudrais travailler rapidement en étroite collaboration avec l’AViQ sur le développement de toutes les offres d’accueil et d’hébergement entre le domicile et la maison de repos classique, que ce soient les centres de soins de jour, les places en court séjour, les places en convalescence, des quartiers intergénérationnels, des résidences-services sociales. Il restera néanmoins un besoin de structure d’accueil et de soins.
Le secteur public des maisons de repos est moins onéreux. Soutenir son essor est aussi un élément de réponse à la problématique des prix en maison de repos. À cet égard, le nouveau Gouvernement wallon a confirmé la clé de répartition du nombre de places en maison de repos entre les institutions publiques, les maisons privées non commerciales et les maisons privées commerciales. Cette décision a été saluée par la Fédération des CPAS.
Par rapport à la question des subsides pour la rénovation pour diminuer le coût à charge des résidents, je vous rappelle qu’en 2017, dans le cadre du plan Papyboom, une enveloppe de 189 millions d’euros a été dégagée au bénéfice du secteur public et associatif pour des projets de construction et de reconditionnement, et la création de 677 places.
En 2020, les montants engagés concernant l’ensemble du plan seront de plus de 55 millions d’euros.
Réplique de Madame Roberty :
Je vous remercie, Madame la Ministre, pour les éléments de réponse qui confirment non seulement votre intérêt pour la problématique, mais aussi qui mettent en lumière votre analyse fine et déjà précise du secteur. Nous aurons évidemment l’occasion de revenir sur ce sujet interpellant, j’en suis certaine.
Vous avez dit qu’il n’était pas question que les maisons de repos deviennent un produit de luxe, c’était très bien de le souligner, on doit travailler sur ce sujet.
Je note que vous allez travailler sur les nouvelles formes alternatives de projets plutôt novateurs. Je pense que c’est un lien entre le domicile et la maison de repos : recréer des lieux de vie, créer de nouvelles formes de lieux de vie ; travailler dans l’intergénérationnel et le multiculturel, c’est une très bonne chose. Une très bonne chose, car le sentiment d’utilité et, a contrario, le sentiment d’isolement pour une personne âgée, c’est une chose très importante qu’il faut vraiment prendre en compte. Cela répondrait à une demande de bon nombre de personnes.
Déjà, Madame la Ministre, merci pour ces premiers éléments de réponse.