L’histoire de Fiona, une chienne retrouvée attachée à un escalier dans un état de malnutrition et de déshydratation sévères, a fait grand bruit. Quelles dispositions en Wallonie pour sanctionner et lutter contre la maltraitance animale ?
Question écrite du 06/11/20 de Sabine Roberty à Céline Tellier, Ministre du bien-être animal
L’histoire de Fiona, une chienne retrouvée attachée à un escalier dans un état de malnutrition et de déshydratation sévères, a dernièrement fait grand bruit. La colère a fait place à l’incompréhension lorsque le parquet du procureur du Roi a décidé de ne pas poursuivre pénalement ses propriétaires.
Le Code wallon du Bien-être animal permet le retrait, provisoire ou définitif, du permis de détention d’animaux en cas de maltraitance avérée. Pourtant, certains, dans de pareils cas, se voient retirer leur permis provisoirement en dépit de la gravité et de la cruauté de leurs actes. D’après l’ASBL Sans Collier, Madame la Ministre serait favorable au retrait systématique et définitif du permis de détention d’animaux en cas de maltraitance grave.
Entend-elle défendre un texte en ce sens ?
Auquel cas, comment entend-elle mettre en œuvre cette disposition ? Dans quels délais ?
Quelles infractions seraient concernées par un retrait définitif ? Toujours selon l’ASBL Sans collier, les infractions sont rarement qualifiées comme relevant de la 1re catégorie. Sans doute serait-il opportun, dans ce cas, d’étendre le retrait aux infractions de 2e catégorie, sans quoi l’efficacité de cette mesure pourrait s’avérer fortement réduite.
Ensuite, les acteurs de terrain, qui œuvrent chaque jour pour le bien-être animal, regrettent que si peu d’affaires soient poursuivies pénalement, fussent-elles gravissimes. En effet, depuis 2019, 2 028 procès-verbaux pour infraction au Code du Bien-être animal ont été établis. Pourtant, seuls 124 dossiers ont été pris en charge par les parquets.
Comment expliquer cet état de fait ? L’abandon de poursuites pénales pour le cas de Fiona a de quoi étonner.
Il semble qu’en Flandre, selon les propos du Ministre Van Quickenborne, les choses soient différentes dans la mesure où le collège des procureurs généraux, à la demande de cette Région, a défini des priorités quant au bien-être animal en matière de justice pénale.
Une telle disposition serait-elle envisageable en Wallonie ?
Réponse du 05/02/21 de la ministre
L’histoire de Fiona a fait grand bruit. Ce cas très grave de maltraitance animale a particulièrement touché, à raison, les citoyens wallons, et j’en fais partie. De tels actes sont évidemment à punir, ce qui relève du domaine de la Justice.
Ainsi, le Livre Ier du Code de l’Environnement, en ses articles D.157 et D.163 bis, donne respectivement au Juge et au Fonctionnaire Sanctionnateur, la possibilité de retirer le permis de détention ou de prononcer des interdictions de détention en cas de maltraitance animale.
Les Juges et Fonctionnaires Sanctionnateurs sont impartiaux et indépendants.
Dans le travail de répression, il leur revient d’apprécier différents éléments du dossier pour prononcer la sanction. Celle-ci devra être proportionnée à la gravité des faits. Bien que le texte légal permette de prononcer une interdiction ou un retrait de permis de détention, quelle que soit la catégorie de l’infraction établie, le retrait sera cependant prononcé dans les cas les plus graves.
Pour rappel, le retrait du permis peut être modalisé. Le juge peut prononcer le retrait du permis pour une durée qui ne peut être inférieure à trois mois ou pour une durée définitive. Quant au fonctionnaire sanctionnateur, il peut prononcer le retrait du permis de détention pour une durée qui ne peut être inférieure à un mois ou pour une durée définitive.
Par ailleurs, nous pouvons nous réjouir d’une évolution future prévue par la législation : ainsi, en cas de récidive, le retrait du permis de détention devra être prononcé de manière automatique. Le juge ou le fonctionnaire sanctionnateur pourra alors uniquement modaliser la durée de cette sanction. Cette modification pour les récidives est d’ores et déjà prévue dans le cadre du décret du 6 mai 2019 relatif à la délinquance environnementale. Elle devrait donc, à l’avenir, influencer à la hausse le nombre de retraits.
Il s’agit d’une grande avancée pour le Bien-être animal en Wallonie et d’une bonne nouvelle pour les acteurs de terrains, qui sont souvent confrontés à des faits de maltraitance animale chez des récidivistes.
Plusieurs réflexions sont en cours dans le cadre d’une modification du décret du 6 mai 2019 précité. Ainsi, même si la sanction du retrait du permis de détention peut déjà être prononcée pour toutes les catégories d’infraction, le fait d’étendre la durée maximale pouvant être prononcée par le fonctionnaire sanctionnateur, ainsi que la possibilité de rendre automatique le prononcé de cette sanction dans les hypothèses d’infraction de première catégorie, sont envisagés.
Concernant les délais, les possibles modifications seront reprises dans le projet de décret modificatif du décret du 6 mai 2019 que je serai ravie de défendre prochainement en première lecture au Gouvernement.
Il est vrai que le Collège des Procureurs généraux a adopté, avec la participation du Ministre-Président flamand, une circulaire qui définit des priorités en matière de politique criminelle.
Dans la politique répressive en matière environnementale que je présenterai dans les semaines qui viennent, je souhaite que la Wallonie s’engage aussi dans un dialogue avec le Collège des Procureurs généraux afin d’aboutir à une circulaire applicable au territoire wallon.
Au niveau fédéral, j’ai écrit au Ministre Van Quickenborne afin de le sensibiliser à cette thématique, et lui faire des recommandations concrètes qui pourraient être transmises aux Parquets. Je lui ai également suggéré d’intégrer la lutte contre les fraudes environnementales et en particulier le bien-être animal dans le prochain Plan national de Sécurité, avec une attention particulière sur l’application des sanctions.
Dans le cas du dossier Fiona, je ne peux que regretter la décision du Parquet de ne pas poursuivre pénalement son ancien propriétaire. Pour autant il faut rappeler que des sanctions pourront être prises, le cas échéant, par le fonctionnaire sanctionnateur qui a la maitrise de ce dossier du fait de l’extinction de l’action publique. Dans ce cadre, les sanctions administratives peuvent être très sévères et ont également un caractère pénal.
En effet, dans ce contexte, le Code de l’Environnement a mis à disposition des fonctionnaires sanctionnateurs des outils permettant d’agir efficacement :
• le pouvoir de fixer des amendes administratives et des mesures de remises en état ;
• le pouvoir de retirer des permis de détention ou de prononcer des interdictions de détention, voire de retirer des agréments.
Finalement, dans le cadre du décret délinquance, de nouvelles possibilités seront également octroyées aux Fonctionnaires sanctionnateurs, telles que la prestation citoyenne d’intérêt général ou encore des mesures éducationnelles, dans le but d’améliorer l’efficacité de notre système de lutte contre la maltraitance animale.