Prévention du suicide : quelle est l’action du Gouvernement ?

Question écrite du 19 septembre 2022 de Sabine Roberty à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Économie sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes.


Cinq personnes se suicident chaque jour en Belgique. Ce sont les chiffres qui ressortaient dans la presse le 10 septembre dernier à l’occasion de la Journée mondiale de prévention du suicide.

Depuis le début de la législature, Madame la Ministre a pris des mesures fortes pour renforcer les dispositifs en matière de santé mentale, en ce compris en ce qui concerne la prévention des suicides et des tentatives de suicide. Vous avez impulsé une dynamique importante pour permettre d’augmenter les possibilités de soutien, d’accompagnement, mais aussi de reconnaissance.

Dans le domaine, soulignons également le rôle important de l’ASBL « Un pass dans l’impasse », qui réalise un travail remarquable, par exemple avec le développement du réseau « sentinelles ».

Le Plan de prévention et de promotion de la santé prévoit un axe relatif à la prévention du suicide avec notamment un objectif de réduction du taux de tentatives de suicide ainsi que du taux annuel de décès par suicide de 10 % d’ici 2030.

Quelles actions a-t-elle arrêtées en Gouvernement pour atteindre cet objectif ?

Pourquoi ne pas développer de nouveaux outils de monitoring pour affiner les données chiffrées dont nous disposons pour notre Région ?

Le mandat de l’association « Un pass dans l’impasse » comme centre de référence arrivait à échéance le 30 septembre 2021. Un appel à projets avait donc été lancé pour désigner un centre de prévention suicide pour les quatre années à venir.

Le Gouvernement a-t-il désigné un nouvel acteur ?

A-t-elle arrêté en Gouvernement de nouvelles missions pour ce centre dans le cadre de cet appel à projets ?

Réponse de Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Économie sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes.

Si la politique de prévention en la matière n’est arrivée que récemment à la suite de la sixième réforme de l’État et de la Sainte Emilie, la Région wallonne a depuis longtemps développé une politique de santé mentale, globale et intégrée, qui vise à couvrir tout le territoire et à atteindre toutes les personnes qui en auraient besoin.

Pour rappel, la Wallonie a adopté différentes mesures et en a permis le développement en vue d’agir en amont pour prévenir le suicide et les tentatives de suicide en Wallonie. J’ai, en effet, prolongé la reconnaissance de l’ASBL « Un pass dans l’impasse » comme Centre de Référence en prévention du suicide (CREPS). Je continue également à soutenir les services de santé mentale, les Centres Télé-accueil, ou encore des structures comme l’ASBL Agricall Wallonie qui intervient auprès des agriculteurs en difficulté.

Je me permets ici de mettre en évidence le travail réalisé par l’ASBL « Un pass dans l’impasse ». L’ASBL dispose en effet d’une reconnaissance en tant que centre de référence en santé mentale spécifique au suicide. L’ASBL a ainsi publié des recommandations, par exemple, à destination des médecins, des pharmaciens, des journalistes sur comment parler du suicide. L’ASBL aide également les professionnels via la promotion de formations, l’organisation de réunions de concertation, la diffusion de données spécialisées, etc. La formation des professionnels sur la prise en charge et la reconnaissance des signaux d’alerte en lien avec le risque suicidaire représente une part importante de la prévention.

L’ASBL dispose également d’une convention pluriannuelle allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023 en tant que Centre de prévention du suicide et d’accompagnement. Via ses 8 antennes wallonnes, le centre de prévention du suicide et d’accompagnement de l’ASBL, appelé aussi CPSA, offre un lieu d’écoute aux personnes directement ou indirectement confrontées à la problématique du suicide, quel que soit leur âge (enfant, adolescent et adulte). L’objectif est que les personnes puissent exprimer leurs souffrances, trouver des ressources adéquates et prendre du recul afin de désamorcer l’état de crise dans lequel elles se trouvent. L’association sert aussi de relais afin d’orienter les personnes en difficulté vers des services appropriés à leurs besoins (centres hospitaliers, services de santé mentale, services d’assistance aux victimes, et cetera).

Lors de l’année 2021, le CPSA d’Un pass dans l’impasse a reçu 429 nouveaux patients (soit un total de 4 177 patients depuis la création du Centre). L’ASBL a comptabilisé un total de 4 808 consultations, soit une augmentation de plus de 23 % comparé à 2020. Au total, 561 patients ont bénéficié d’un suivi psychologique au cours de l’année 2021, soit une augmentation de plus de 22 % comparé à 2020. Un suivi psychologique en situation de crise suicidaire dure en moyenne 8 séances. En ce qui concerne les accompagnements au deuil après suicide, la durée du suivi est en moyenne légèrement plus courte.

Face à l’ampleur de la problématique, l’ASBL Un pass dans l’impasse a décidé de répondre en mettant en place en octobre 2020, un dispositif unique et innovant consistant au recrutement de sentinelles en prévention du suicide. L’ASBL appelle désormais toute la population à agir en devenant une sentinelle en prévention du suicide avec une attention particulière pour les indépendants particulièrement touchés par la crise sanitaire et les inondations. La formation à suivre est simple, rapide, entièrement gratuite et à la portée de tous. Elle se donne en visioconférence par un psychologue de l’ASBL ou peut être suivie via de courtes vidéos consultables en ligne. Elle permet de découvrir les signes d’alerte pour détecter la détresse suicidaire, d’apprendre les mots à utiliser pour en discuter avec la personne en mal-être ou encore d’utiliser un formulaire qui permettra à tout moment de lancer une alerte auprès de l’ASBL.

689 sentinelles sont actives en Wallonie dont 417 en prévention du suicide et 272 spécifiques pour les entrepreneurs en détresse. De plus, 141 sentinelles supplémentaires sont inscrites dans le dispositif pour bénéficier de la sensibilisation d’ici la fin de l’année 2022.

Enfin, 186 alertes ont été déclenchées depuis le lancement du dispositif sentinelles en prévention du suicide en octobre 2020 et 420 alertes dans le cadre du dispositif d’aide pour les indépendants et entrepreneurs francophones.

Les objectifs du projet « sentinelles en prévention du suicide » sont ceux poursuivis par le Plan wallon de promotion et de prévention de la santé.

Le premier objectif est de diminuer le taux de tentatives de suicide et le taux de décès par suicide de 10 % d’ici 2030 en suivant l’action 2.3.1 du Plan wallon de prévention et de promotion de la santé, qui consiste à « suivre les recommandations de l’OMS en ce qui concerne la sensibilisation de la population par rapport à la thématique du suicide (processus suicidaire, représentation, identification des signes avant-coureur, déclencheurs et facteurs de risque/protection) ».

Le second objectif consiste à détecter les personnes en détresse suicidaire, rendre plus accessible l’offre de soins et faciliter la recherche d’aide dans une démarche proactive d’amélioration de la santé mentale de la population.

En ce qui concerne les différents aspects du second objectif du projet, les retours du terrain permettent d’avancer que le dispositif facilite la détection et l’orientation des personnes en détresse et, de la sorte, facilite l’accès au soin. Le dispositif permet également de soulager les personnes (les sentinelles) en contact avec le public cible et qui se sentent bien souvent stressées et démunies face à une telle problématique. Pour le premier objectif, il convient d’avoir davantage de recul.

Ces stratégies de prévention font partie, j’en suis convaincue, des interventions pertinentes en matière de prévention du suicide.

L’honorable membre mentionne également l’appel à reconnaissance du Centre de référence en santé mentale spécifique en matière de suicide qui a été publié le 8 avril 2022. Le mandat d’Un pass dans l’impasse pour le centre de référence arrivait, en effet, à échéance le 30/06/2022. Son mandat pour la période du 01/07/2018 au 30/06/2022 a été évalué positivement. L’ASBL Un pass dans l’impasse a introduit le 14/06/2022 une candidature valable, intégrant un plan d’action. De plus, l’ASBL a été la seule à avoir introduit un dossier. L’arrêté ministériel de reconnaissance de l’ASBL en tant que centre de référence en santé mentale spécifique en matière de suicide a donc été publié et lui octroie une reconnaissance pour 4 ans, du 01/07/2022 au 30/06/2026.

Les missions de ce centre de référence sont définies par le Code wallon de l’action sociale et de la santé (CWASS), notamment l’article 620, et précisées par les articles 1821 à 1826 du Code réglementaire wallon de l’Action sociale et de la Santé. Le Code n’a pas été modifié pour relancer l’appel à candidatures.

Enfin, nous venons de renforcer une nouvelle fois leur service d’accompagnement en prévention du suicide via 2 ETP complémentaires pour un montant de 136 000 euros.

C’est donc aujourd’hui un renfort annuel de près de 340 000 euros en sus du financement existant dont bénéficie l’ASBL Un pass dans l’Impasse pour travailler sur le sujet.

Crédit photo : Photo de Riccardo: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-assise-sur-un-rocher-gris-pres-du-plan-d-eau-185801/