L’actualité a mis en lumière un phénomène qui touche le public féminin et dont les conséquences peuvent être tragiques et engendrer le décès des femmes concernées : le syndrome du choc toxique. Comment mieux informer ?
Question orale du 21 janvier 2020 de Sabine Roberty à Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes
La semaine dernière, l’actualité a mis en lumière un phénomène qui touche le public féminin et dont les conséquences peuvent être tragiques et engendrer le décès des femmes concernées. Je parle bien entendu du choc toxique dont une jeune femme a récemment été victime. Ma collègue, Mme Pécriaux, a porté cette même question la semaine dernière sur les bancs du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Diagnostiquée trop tard, Maëlle a succombé à un choc toxique provoqué, dans ce cas précis, par le port de tampons hygiéniques.
Compte tenu de la rareté de cette maladie infectieuse et de la nature des symptômes, le choc toxique peut s’avérer difficile à diagnostiquer.
La problématique du diagnostic relève de l’art de guérir et donc du Fédéral. Cependant, en Wallonie, la question de la santé sexuelle des jeunes fait partie des missions des centres de planning familial, véritables acteurs de santé dont l’accompagnement sur le terrain n’est plus à démontrer.
À la suite de cet événement tragique, envisagez-vous de renforcer les actions de prévention à destination des jeunes femmes dans les centres de planning familial ?
En parallèle, savez-vous si des actions de sensibilisation auprès des femmes concernant l’ensemble des protections hygiéniques sont menées au niveau de ces centres ?
Enfin, envisagez-vous des actions concertées avec vos homologues de la Fédération Wallonie-Bruxelles et du Fédéral ?
Réponse de Christie Morreale, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes
Mesdames les députées, en 2018, la Wallonie a adopté un Plan de prévention et de promotion de la santé dans lequel on vise à soutenir et à généraliser l’EVRAS dans tous les milieux de vie.
L’EVRAS accompagne chaque jeune vers l’âge adulte selon une approche globale dans laquelle la sexualité est entendue dans sa dimension relationnelle, affective, sociale, culturelle, philosophique et éthique.
Pour compléter, il convient de prendre en compte une définition de la santé sexuelle de l’OMS, à laquelle je vous renvoie.
L’EVRAS et la promotion de la santé sexuelle ont pour objectif de :
– réduire le risque infectieux dans une perspective de santé tout au long de la vie ;
– favoriser les attitudes positives à l’égard des mesures préventives applicables aux maladies infectieuses auprès de la population et des professionnels ;
– stabiliser puis réduire l’incidence des IST, dont le VIH et les hépatites, en Wallonie ;
– améliorer la santé et les droits sexuels et reproductifs de la population en favorisant les conditions d’une sexualité épanouie et responsable.
L’AViQ soutient les acteurs incontournables de l’EVRAS.
D’une part, les centres de planning, notamment dans les écoles. Le plus souvent, les centres de planning répondent à des demandes d’écoles sur une thématique particulière. Quand ils sont sollicités sur la thématique de la puberté, ils abordent les questions de protections hygiéniques et leurs précautions d’utilisation. Je rappelle que l’EVRAS n’est ni généralisée ni harmonisée. Il n’est donc pas possible de savoir si tous les élèves en Wallonie bénéficient de ces messages.
D’autre part, il existe également 10 points d’appui EVRAS qui ont été créés dans les centres locaux de promotion de la santé afin de favoriser les partenariats entre les écoles secondaires et les acteurs associatifs.
La Fédération Wallonie-Bruxelles a aussi des acteurs de promotion de la santé, à savoir la promotion de la santé à l’école. Mme Pécriaux et peut-être d’autres ont interrogé sur la question.
Je soutiens la généralisation et l’harmonisation de l’EVRAS – je le répète puisque je l’ai exprimé tout à l’heure – dans toutes les écoles sur la base des recommandations santé internationales de l’OMS, de l’UNESCO et de l’IPPF.
L’EVRAS et la promotion de la santé sexuelle regroupent un certain nombre de compétences et de savoirs. Il serait opportun de consulter des professionnels de la santé – médecins, gynécologues, infectiologue –, des professionnels du social et de la promotion de la santé, et des professionnels de l’éducation afin de construire un référentiel commun EVRAS qui soit utilisable dans l’ensemble de la Wallonie.
C’est comme cela que j’entends étroitement collaborer avec mes collègues de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin de mettre des unités d’enseignement EVRAS en fonction de l’âge et sur base des sources de recommandations des opérateurs que j’ai précitées.
Un travail de concertation avec les acteurs de terrain et de l’enseignement, et ensuite avec les administrations et cabinets bruxellois et de la Fédération, et l’élaboration d’un plan stratégique global sont les outils fondamentaux d’une généralisation effective, efficace et efficiente de l’EVRAS en milieu scolaire.
Au-delà de ces éléments, le drame qui a touché cette jeune fille soulève des questions bien plus larges. Se concentrer uniquement sur l’information qu’il est nécessaire de donner aux jeunes filles induit que toute la responsabilité leur incombe. En l’occurrence, pour cette jeune fille, il y avait un retard de diagnostic.
Il faut ici pointer du doigt une méconnaissance des professions de santé liées au sexe et au genre, et qui se répercutent à tous les niveaux de la trajectoire de soins. La sensibilisation des professionnels de la santé est donc un enjeu de grande importance et également un enjeu de genre.
Un autre aspect est le tabou qui entoure les règles, toujours encore considérées comme honteuses ou sales. Il est nécessaire de libérer la parole sur ce sujet qui fait partie du quotidien de la moitié de la population afin que les questions, aussi anecdotiques qu’elles puissent paraître, telles que « avez-vous vos règles ? » ou « portez-vous un tampon ? », se banalisent lors d’un diagnostic.
Le syndrome de choc toxique menstruel est le plus souvent lié à une infection par staphylocoque doré porteur de toxines.
À titre indicatif, le Centre national pour le staphylocoque doré a isolé, pour l’entièreté de la Belgique, deux cas en 2019, sept cas en 2018, huit en 2017, huit en 2016 et neuf en 2015. Sur l’ensemble de ces 34 cas, six formulaires de demande mentionnent clairement un lien avec l’utilisation de tampons hygiéniques.
Le syndrome de choc toxique interroge aussi sur le concept de précarité menstruelle. Acheter des protections périodiques est une charge financière pour de nombreuses femmes. Retirer son tampon toutes les quatre heures, comme le recommandent les professionnels, nécessite d’avoir à disposition une bonne réserve. Cela peut aussi s’avérer compliqué pour des femmes en situation de précarité.
Ôter son tampon exige d’avoir un endroit où pouvoir le faire. Cela pose toute la question de l’espace public qui est encore beaucoup construit et pensé pour les hommes. Sur notre territoire, on a trop peu de toilettes publiques gratuites dans un état de propreté convenable et utilisables par les femmes. Dans la pratique, ce n’est pas toujours évident de pouvoir appliquer les normes recommandées.
L’Agence nationale française de sécurité sanitaire, alimentation, environnement et travail a publié un rapport très complet, qui a été révisé fin 2019, sur la sécurité des produits de protection intime.
Les substances suivantes ont été retrouvées dans les protections intimes :
– des pesticides, dont l’utilisation est interdite en Europe, comme le lindane, l’hexachlorobenzène ou le quintozène, qui ont été quantifiés dans des protections intimes externes ;
– des pesticides autorisés en Europe, comme le glyphosate, ont été quantifiés dans un protègeslip ;
– des hydrocarbures aromatiques polycycliques ont été détectés et quantifiés dans des protections externes, tandis que les HAP, donc les hydrocarbures aromatiques polycycliques, et des dioxines-furanes l’ont été dans des tampons.
Ces dioxines-furanes ou ces HAP peuvent possiblement provenir d’une contamination des matières premières. Ces constatations sont interpellantes, mais cela ne relève pas des compétences de la Région wallonne, mais du Fédéral, et donc, si vous avez des relais fédéraux, n’hésitez pas à les activer.
Rappelons quelques conseils préventifs afin d’éviter le syndrome du choc toxique : se laver les mains avant et après l’insertion du changement de protection ; toujours utiliser un tampon avec une capacité d’absorption la plus basse possible par rapport au flux des règles ; changer de protection toutes les 4 à 6 heures en évitant le port de nuit ; ne jamais utiliser plus d’un tampon à la fois ; ne pas utiliser de tampon en dehors des règles.
Voici, mes chers collègues, les quelques informations que je pouvais porter à votre connaissance.
Réplique de Sabine Roberty
Aujourd’hui, l’important, c’est que le décès de Maëlle ne soit pas vain et, surtout, qu’il puisse en éviter d’autres demain. Le mot « communication » devra rimer avec « sensibilisation » afin que le mot « maladie » ne rime plus jamais avec « tragédie ».que